« Avis de marées noires sur l’océan mondial » -1-

Wakashio, Ile Maurice, océan Indien

11 septembre 2020

Alors que la Marine française colmate des fissures sur l’épave avant du Tanio (1980) au large de la Bretagne, les marées noires ou les risques de marées noires se multiplient. La pandémie de Covid-19 n’est pas étrangère à cette résurgence. Les équipages ne sont plus relevés. Confinés dans leurs lieux de travail, ils sont surmenés, coupés du monde et déprimés. Le commandant indien du Wakashio qui s’est échoué sur l’Ile Maurice était à bord depuis un an et d’autres membres de l’équipage depuis 9 mois. La maintenance minimale des navires marchands est aussi différée. Les conjonctures politiques sont d’autres facteurs aggravants à l’exemple de stockages flottants d’hydrocarbures qui en temps de paix “nourrissent” des tankers venus à vide du monde entier.

La navette de minerai de fer entre le Brésil et la Chine est une galère. Chargé de 260.000 tonnes de minerai et de 3000 tonnes de fioul de propulsion, le Stellar Daisy a coulé dans l’Atlantique sud en 2017. 22 marins ont péri en mer. En juin 2020, le Stellar Banner a été torpillé par la Marine Brésilienne après son échouement sur un banc de sable à la sortie du port de Ponta da Madeira après l’allègement de sa cargaison et le pompage du gros de son fioul de propulsion.

Le 25 juillet 2020, l’Ile Maurice a été frappée à son tour. L’échouement du Wakashio se dirigeant à vide de minerai vers le Brésil en provenance du port chinois de Lianyungang mais à plein de fioul de propulsion a provoqué la dévastation d’une aire protégée, un jardin corallien de 400 hectares peuplé d’éponges, de concombres de mer, bordé par des mangroves. Au moins 1000 tonnes de fioul sont parties à la mer. Même les papillons sont en berne. L’équipage du Wakashio a été évacué sain et sauf au début de la crise mais le naufrage a fait 3 morts et un disparu le 1er septembre quand le petit remorqueur Sir Gaetan a coulé après avoir été heurté par la barge de résidus de fioul qu’il remorquait et ramenait à Port Louis. Trois jours avant le naufrage du Sir Gaetan, 40 dauphins d’Electre au moins se sont échoués dans le lagon sinistré par le Wakashio.

Ce n’est pas la première fois que l’Ile Maurice est le théâtre d’accidents maritimes. En août 2011, le vraquier Panaméen Angel 1 s’échoue sur les récifs de Poudre d’Or avec sa cargaison de 30.000 tonnes de riz et 900 tonnes de fioul de propulsion. Désenclavé et partiellement vidé de sa cargaison et de son carburant, il est sabordé au large. En juillet 2013, le porte-conteneurs Hansa Brandenburg victime d’un incendie au cours de son trajet Singapour-Durban, trouve refuge à Port Louis. Le Hansa Brandenburg a été dirigé pour démolition au Pakistan 6 mois plus tard, le sort de la cargaison calcinée et des eaux d’extinction polluées n’est pas connu. En juin 2016, le vraquier Benita battant pavillon du Libéria s’échoue sur la plage du Bouchon au sud de l’île suite à une bagarre dans l’équipage multinational de marins philippins et taiwanais. 400 à 500 tonnes de fioul de propulsion s’écoulent des citernes fissurées et souillent le lagon, les rochers, les mangroves, les zones de pêche et les casiers à homards. Le navire est libéré par la compagnie grecque de sauvetage maritime Five Oceans Salvage un mois plus tard. Elle est aussi chargée d’acheminer le Benita vers les chantiers de démolition d’Alang, Inde. Les fissures du vraquier ont été rafistolées à la va-vite. Fragilisé, il n’atteindra jamais sa destination finale : 6 jours après avoir entamé son dernier voyage, il sombre à 175 km des côtes mauriciennes.

Après la catastrophe du Benita en 2016, des voix se sont élevées sur l’Ile Maurice pour réclamer la mise en œuvre d’un plan de prévention des marées noires et la mise sur pied d’une équipe d’intervention. L’appel n’a pas vraiment été suivi d’effet. Le ministre de la Pêche s’est empressé de déclarer le 26 juillet 2020 : “C’est la première fois que nous sommes confrontés à une catastrophe pareille et nous ne sommes pas suffisamment équipés pour traiter ce problème”. Le 29 août, une marche de protestation rassemble à Port Louis des milliers de manifestants qui dénoncent la gestion de la catastrophe et le manque de réactivité du gouvernement mauricien. L’île de la Réunion est exposée aux mêmes menaces que l’Ile Maurice, elle en est distante de 200 km. La France et l’Ile Maurice seraient bien inspirées de prendre définitivement conscience des risques que le trafic maritime et les cargos géants transportant des matières dangereuses font peser sur l’environnement marin et l’économie locale. Les deux pays se doivent de mutualiser leurs moyens juridiques et diplomatiques et de développer leurs moyens techniques pour verrouiller les pirates des mers.

(Source Robin des Bois)

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