Réchauffement climatique

Au 3ème Forum mondial de l’eau à Kyoto

« Le ciel n’est pas la propriété des pays d’Amérique du Nord ou d’Europe, il est à nous tous »

17 mars 2003

Le troisième Forum mondial de l’eau s’est ouvert dimanche pour une semaine au Japon. Il s’est rapidement heurté à une opposition entre grands financiers internationaux et promoteurs de micro-projets sur la façon de financer l’accès à l’eau potable (voir encadré). Il a également donné lieu à un débat sur les conséquences du réchauffement climatiques et sur la nécessité d’améliorer les outils de prévention. Plus de 10.000 responsables, financiers, chercheurs et écologistes venus de 165 pays sont attendus à Kyoto, Osaka et Shiga pour la plus grande réunion d’experts en gestion de l’eau. Le dernier Forum avait eu lieu en 2000 à La Haye.

À la suite de la séance inaugurale du 3ème Forum mondial de l’eau, un premier débat a porté sur les changements climatiques et leurs conséquence sur l’eau dans le monde. Les scientifiques prédisent que le réchauffement mondial va bouleverser le régime des pluies. Et selon les pires scénarios envisagés, des pays pourraient se faire la guerre pour le contrôle des ressources d’eau.
« Le coût des catastrophes climatiques a augmenté de manière considérable au cours des dernières années », a déclaré William Cosgrove, vice-président du Conseil mondial de l’eau. « Nous sommes aujourd’hui confrontés à des sécheresses, des inondations et des tempêtes d’une ampleur sans précédent et les choses s’aggravent chaque année », a-t-il rappelé.
Les îles, les côtes et les grandes villes proches du niveau de la mer seront les plus exposées à ces catastrophes climatiques, ont expliqué d’autres intervenants. « Presque tous les pays peuvent être touchés », a indiqué William Cosgrove. Par ailleurs, les pays qui risquent de subir le plus les conséquences des changements climatiques émettent peu de gaz à effet de serre, ont rappelé plusieurs intervenants. « Les États les plus peuplés et les plus riches doivent aujourd’hui relever un défi moral encore plus important que le colonialisme ou l’esclavage », a affirmé Lionel Hurst, ambassadeur d’Antigua et Barbuda aux États-Unis. « Le ciel n’est pas la propriété des pays d’Amérique du Nord ou d’Europe, il est à nous tous ».

Anticiper la violence des catastrophes

Or, face à ces phénomènes faisant des milliers de victimes appelé à se multiplier en raison du réchauffement climatique en cours, les pays pauvres manquent cruellement de systèmes de prévention, ont indiqué des experts.
En 2025, la moitié de la population mondiale vivra dans des zones à risques de tempêtes, inondations (Asie) et sécheresses (Afrique) qui se produiront beaucoup plus souvent que par le passé, a précisé le Conseil mondial de l’eau, pendant le forum.
Pourtant, il est aujourd’hui possible d’agir, notamment parce que les sciences ont fait d’important progrès dans le domaine de la prévision météorologique, a indiqué William Cosgrove, vice-président du Conseil mondial de l’eau. Mais pour être efficaces, ces données doivent être transmises aux premiers concernés : les États, régions et villages à risque. Lors des débats, William Cosgrove a cité le cas du Mozambique. Après les inondations meurtrières de 2000 et 2001, le gouvernement a mis en place un centre de prévention avec l’aide de la Croix Rouge internationale.
« Un nouveau cyclone a eu lieu il y a quelques semaines mais les gens étaient prévenus : personne n’a été tué, ce qui veut dire que l’expérience fonctionne », a indiqué à l’AFP Madeleen Helmer, directrice de la Croix Rouge aux Pays-Bas où son organisation a créé en juin 2002 un centre international de prévention des désastres causés par les changements climatiques. Mais si cet exemple est un premier succès, le Dr. Rajendra Pachauri, responsable du Panel intergouvernemental sur les changements climatiques a estimé que cet acte de solidarité est peu de choses face aux besoins énormes de ces pays. « Beaucoup essaient de se préparer seuls mais il faut des infrastructures. Les organisations internationales doivent être plus actives. Il y a une dimension morale dans cela car les pays du Nord sont responsables des changements climatiques dont souffrent les pays du Sud », a-t-il noté.

Le rôle essentiel de l’ONERC

La situation est urgente. Dans ce contexte, la directrice de la Croix Rouge néerlandaise a regretté que « les mesures prises pour faire face aux changements climatiques ne vont pas assez vite ». D’autres intervenants ont souligné la capacité d’adaptation des populations devant les conséquences du réchauffement. Selon des propos rapportés par l’AFP, « en Inde, des femmes pauvres ont planté différentes variétés le long d’une rivière en mélangeant les graines afin d’avoir une récolte moyenne même en cas de destruction d’une partie par des inondations ».
Tous ces débats démontrent la pertinence de la création de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). Car cette nouvelle instance, présidée par le sénateur réunionnais Paul Vergès, « est appelée à contribuer très activement au dialogue avec les pays "en développement" ». Cela peut notamment impliquer un partage d’informations et des transferts de technologies au profit des pays les plus pauvres de la planète, qui sont aussi les plus exposés aux conséquences du changement climatique.

Fournir de l’eau potable à 270.000 personnes supplémentaires par jour
Selon les Nations Unies, la crise de l’eau peut être résolue si les pays développés débloquent 100 milliards de dollars de plus par an que les 80 actuellement dévolus en faveur du Tiers monde. Une proposition que conteste notamment Peter Gleick de l’Institut du Pacifique, un organe de réflexion basé à Oakland, près de San Francisco. Pour lui, 10 milliards de plus par ans, concentrés sur une multitude de petits projets en Afrique, Amérique latine et en Asie, doivent suffire. « L’argent est là. Mais il est mal dépensé », a-t-il estimé dimanche. Lui et d’autres personnes critiquant les méthodes de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) pensent que les grands chantiers (barrages, aqueducs, etc.) reviennent surtout à menacer les écosystèmes et ignorer les petits agriculteurs confrontés aux graves pénuries en eau.
La priorité sera en tout cas d’établir un programme pour tenir l’objectif fixé par les Nations Unies de diviser par deux d’ici 2015 le nombre de personnes dans le monde qui n’ont pas accès à l’eau potable et à des installations sanitaires. Le problème est qu’il n’y a pas consensus sur les moyens d’y parvenir. La situation est pourtant alarmante. L’ONU estime qu’environ 20% de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable. Plus de 200 millions de personnes contractent chaque année une maladie telle que le choléra après avoir absorbé de l’eau contaminée. Sur ce total, environ 2 millions 200.000 en meurent. Dans les pays du Sud, de nombreux paysans qui dépendent des précipitations pour cultiver leurs récoltes sont vulnérables à la sécheresse ou aux typhons.
« Lorsque tout aura été dit et fait, que pourrons-nous dire aux plus pauvres, que pourrons nous dire à ceux qui ont soif et qui ont faim ? », a demandé le Dr. Abu-Zeid, président du Conseil mondial de l’eau, l’un des principaux organisateurs du forum lors de la séance inaugurale. « Que pourrons-nous dire à ces mères et à ces pères dont les enfants meurent d’une infection due à l’eau ? Quand verrons-nous enfin se mettre en place cette révolution bleue tant espérée ? ». « Nous devons créer des liens entre tous les habitants de la planète afin de promouvoir les principes de coopération et de coexistence pacifique », a-t-il poursuivi. « Ensemble, nous devons redoubler d’effort et d’efficacité pour rattraper le retard et les échecs du passé. L’eau est un bien précieux, chaque goutte compte ».
La situation devrait s’aggraver au cours des 50 prochaines années alors que la population mondiale continue de croître et que de nombreux pays s’industrialisent. Gordon Young, coordinateur du Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau (WWAP), une agence de l’ONU basée à Paris, souligne qu’il faudrait chaque jour fournir de l’eau potable à 270.000 personnes supplémentaires et améliorer la situation sanitaire de 340.000 autres pour atteindre l’objectif des Nations Unies. Aucun pays ne devrait faire de promesse financière lors du Forum, selon Hidenobu Sobashima du ministère japonais des Affaires étrangères.

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