Développement durable

L’eau : un outil contre la faim

Ouverture du 3ème Forum mondial de l’eau

17 mars 2003

Réunis depuis hier à Kyoto pendant une semaine, les participants au 3ème Forum mondial de l’eau vont tenter de trouver une solution à la pénurie d’eau qui touche 30% de la population mondiale. Or, si rien n’est fait, cette inégalité risque encore de s’accroître, provoquant des drames humains. L’eau est indispensable à l’agriculture, et chaque jour, près de 25.000 personnes meurent de faim. Agir pour améliorer l’accès à une ressource indispensable à la vie, c’est contribuer à diminuer le nombre de morts évitables qui caractérisent le fossé entre les pays riches et la majorité de l’humanité.

Près de 25.000 personnes meurent chaque jour de faim, selon le "Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau" (WWDR) publié par l’UNSECO. Environ 815 millions de personnes souffrent de malnutrition : 777 millions dans les pays pauvres, 27 millions dans les pays dits "en transition" et 11 millions dans les pays industrialisés. « Le nombre absolu de personnes sous-alimentées diminue à un rythme très faible », souligne le rapport, malgré le fait que « la production alimentaire satisfait la demande du marché à des prix historiquement faibles ».
La communauté internationale s’est engagée dans les objectifs de développement pour le millénaire des Nations Unies à diminuer de moitié la proportion de personnes souffrant de faim en 2015. Pourtant, selon les nouvelles données présentées dans le rapport, ce résultat pourrait ne pas être atteint avant 2030. Les estimations antérieures ne faisaient pas de distinction entre les cultures qui bénéficiaient de la pluie et celles qui étaient irriguées. En tenant compte de cette distinction, le rapport présente des projections plus précises des besoins en eau pour nourrir le monde aujourd’hui et dans le futur. Selon ces nouveaux calculs, 45 millions de nouveaux hectares seront irrigués d’ici 2030 dans 93 pays en développement, où le gros de la croissance démographique aura lieu. Près de 60% des terres potentiellement irrigables seront utilisées. Cela nécessitera, selon le rapport, une augmentation de 14% des volumes d’eau destinés à l’irrigation.

Améliorer l’utilisation de la terre et de l’eau

Des quelque 170 pays et territoires étudiés, 20 utilisent déjà pour l’irrigation plus de 40% de leurs ressources renouvelables en eau, « niveau auquel il peut devenir difficile de choisir entre l’agriculture et d’autres usages », explique le rapport. Seize autres pays utilisent plus de 20% de leurs ressources pour l’irrigation, « ce qui peut indiquer une prochaine pénurie d’eau. En 2030, l’Asie du Sud aura en moyenne atteint le niveau des 40%, et le Proche Orient ainsi que l’Afrique du Nord pas moins de 58% ». Par contre, l’Afrique centrale et australe, l’Amérique latine et l’Asie de l’Est devraient rester en deçà du seuil critique. Ces régions vont connaître le gros de l’expansion agricole au cours des 30 prochaines années.
Le défi réside dans l’amélioration de l’utilisation de la terre et de l’eau. L’irrigation est extrêmement inefficace - près de 60% de l’eau utilisée sont gâchés. Cela ne va s’améliorer que d’environ 4%. Aussi est-il urgent d’améliorer le financement de meilleures technologies et de promouvoir des méthodes de gestion plus efficaces.
De façon plus positive, le rapport note que les rendements moyens des céréales ont doublé entre 1962 et 1996, passant de 1,4 à 2,8 tonnes à l’hectare, par récolte. Pour faire pousser la même quantité de céréales, il faut aujourd’hui un peu moins de la moitié de la surface de terre arable nécessaire auparavant. « En 2030, il est prévu que 80 % de la production supplémentaire récoltée proviendront de rendements plus élevés, d’un accroissement de la rotation des cultures et d’une réduction des périodes de jachère », explique le rapport.

Utiliser les eaux usées pour irriguer

« Vers 2050, le monde pourrait avoir accès à l’alimentation pour tous », dit le rapport. « Le fait que 815 millions de personnes sont aujourd’hui touchées par une malnutrition chronique n’est pas dû à un manque de capacité à produire la nourriture nécessaire, mais aux contextes sociaux, économiques et politiques mondiaux et nationaux qui permettent à des niveaux de pauvreté inacceptables de se perpétuer, quand ils n’en sont pas la cause ».
Selon le "Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau" :
Les eaux usées retraitées peuvent soulager la crise de l’eau. Des fermiers utilisent déjà cette ressource pour 10% des terres irriguées dans les pays du Sud. Avec un traitement adapté, elle peut améliorer la fertilité des sols. La sécurité alimentaire s’améliore mondialement. La consommation alimentaire par individu dans les pays en développement est passée de 2.054 kcal par jour en 1965 à 2.681 en 1998. Les pâtures et les terres cultivées couvrent 37% de la surface terrestre de la planète.
Près de 10% des terres irriguées du monde ont été endommagés - terrains détrempés et salinisation - en raison de mauvais drainages et d’irrigations mal conduites.

Atteindre les objectifs promis à Johannesburg
Après Marrakech en 1997 et La Haye en 2000, le troisième Forum de l’eau, consacré à la crise mondiale de l’eau, s’est ouvert hier à Kyoto, au Japon. Il durera une semaine. La très solennelle cérémonie d’ouverture a été marquée par la présence du prince héritier du Japon Naruhito et son épouse Masako, du prince Moulay Rachid du Maroc et du prince héritier des Pays-Bas Willem Alexander. Pendant sept jours, les débats porteront donc essentiellement sur les moyens à mettre en oeuvre pour remédier à la pénurie. Au rythme actuel d’utilisation de l’eau douce disponible sur la planète, le Conseil mondial de l’eau, co-organisateur du Forum avec le Japon, estime en effet que 50% de la population mondiale manquera d’eau potable en 2025 contre 30% actuellement.
L’an passé, au sommet de Johannesburg sur le développement durable, la communauté internationale s’est engagée à réduire de moitié d’ici 2025 le nombre de personnes privées d’eau potable et de celles dépourvues de sanitaires (2,3 milliards de personnes actuellement). Les grandes agences de l’ONU, la Banque mondiale et le Conseil mondial de l’eau, souhaitent ainsi que le Forum de Kyoto passe des discours aux actes, en proposant des projets concrets chiffrant les investissements et fixant un calendrier. « Il est temps de faire en sorte que ces objectifs soient atteints. C’est à cela que sert le Troisième forum mondial de l’eau », a déclaré l’ancien Premier ministre Ryutaro Hashimoto, chargé de l’organisation pour le compte du Japon.
Près de 10.000 délégués et plusieurs chefs d’État feront des propositions face à la pénurie d’eau potable. Près de 350 sessions sont prévues pour débattre de thèmes tels que l’utilisation de l’eau en agriculture, la gestion des infrastructures de captage et distribution, l’impact environnemental des barrages, les changements climatiques, l’eau comme source potentielle de conflits, l’assainissement de l’eau ou la protection des éco-systèmes.

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