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par le Dr Raymond Vergès

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« La diversité : un fondement pour l’égalité »

Forum social mondial

Les premiers enseignements de Porto Alegre

samedi 1er février 2003

Le soleil s’est momentanément couché sur le Forum social mondial (FSM). Il se lèvera en 2004 sur un autre continent. L’acte de rassemblement final des mouvements sociaux mondiaux a pris la forme d’une immense marche contre la guerre et l’Accord de libre commerce des Amériques (ALCA), mardi soir.

Pendant plus de deux heures, illuminé par le soleil couchant, le rouge flamboyant des bannières partisanes et des paysans sans terre (MST) se mélangeait à l’arc-en-ciel du mouvement homosexuel et au vert/rouge/blanc du drapeau palestinien. Toujours présente, l’éternelle effigie du Che côtoyait, sans égard historique, le portrait de Lénine, brandi par le Parti communiste brésilien.

Remplacée par la marche, la cérémonie de clôture prévue mercredi a été annulée par les organisateurs, une décision probablement motivée par le trop grand nombre de participants.
Les chiffres le confirment, 100.000 militants se sont retrouvés à Porto Alegre (contre 50.000 en 2002), dont près de 21.000 délégués représentant 5.700 organisations de 156 pays.

Le Campement international de la jeunesse approchait quant à lui les 25.000 occupants. Une performance qui aurait été impossible sans la participation de 650 bénévoles. Du côté des médias, quelque 4.000 journalistes ont couvert le Forum, dont plus de la moitié étaient brésiliens et une centaine en provenance des États-Unis.

Non à la pensée unique

« Ce troisième Forum mondial est une victoire. Il est l’incarnation d’un processus en pleine croissance. Nous sommes en train de construire une vague de citoyenneté gigantesque », confiait mardi le comité organisateur, dans une conférence de presse-bilan.

Comme à son habitude, le Conseil international (CI) ne produira pas de déclaration finale. « Notre déclaration est la somme de nos propositions, de nos diversités ». À l’heure où le nombre d’organisations, et de convictions qui les fondent, ne cesse d’augmenter, le CI a rappelé l’importance du maintien de la diversité du mouvement.
« Nous avons créé une usine à penser avec des perspectives différentes, des disputes même. Mais la diversité n’est pas un problème, elle est un fondement pour l’égalité ».

L’unité du mouvement est assurée par la Charte des principes, établie après le premier Forum. Des valeurs, pas des idéologies.« Nous refusons la pensée unique. Nous sommes persuadés qu’une vision sociale doit dominer l’économie. Cette dernière doit être au service des droits humains ».

Marche pour la paix lors de la clôture du 3ème Forum social mondial à Porto Alegre.

Forum social mondial 2004 en Inde
Porto Alegre prend une année sabbatique. Le prochain Forum social mondial, comme annoncé, se tiendra en Inde. Ce déplacement géographique donnera une nouvelle force au mouvement social, mais surtout permettra de répondre à la vocation d’universalisme du FSM. 

Selon Amit Ser Gupta, membre du Forum indien, les mouvements sociaux indiens se divisent en trois grandes familles. Les mouvements opposés à la mondialisation capitaliste : ce sont généralement des organisations de masse, idéologiquement affiliées aux partis politiques.

Viennent ensuite les associations émanant du Parti social-démocrate et du Parti gandhien. Et finalement, les nouveaux mouvements sociaux, issus de la base et non affiliés. À cela s’ajoutent encore les ONG nationales et internationales, qui ont une grande visibilité en Inde.

« Je ne pense pas que la présence des partis politiques sera fortement ressentie. Ils ont une plus grande visibilité, ici, à Porto Alegre. Les partis ne veulent pas être vus au FSM. Ils craignent de souffrir d’alliances ou de consensus menés par les organisations sociales, mais fortement critiquables au vu de leur positionnement politique. Nous resterons néanmoins prudents et mènerons une politique de dialogue avec les partis »,assure Amit Ser Gupta.

Quant au financement, le délégué sait que le gouvernement du Parti national indien (BJP) ne soutiendra pas la rencontre mondiale. « Nous n’espérons aucune aide de l’État, mais nous cherchons encore un gouvernement local de gauche pour recevoir le Forum ».
Nette augmentation du nombre de syndicalistes
En ce troisième Forum social, la présence du mouvement syndical est en nette augmentation. Point de vue d’une militante de SUD PTT présente à Porto Alegre. L’an dernier dominait avant tout la joie de se rencontrer et de constater que tous les peuples du monde avaient des préoccupations convergentes.

Cette année, l’ambiance était plus grave. Des épreuves concrètes et décisives sont à l’ordre du jour, et les mots Irak ou Venezuela revenaient avec insistance dans la bouche de nombreux participants. Et il y avait bien sûr la situation au Brésil suite à l’élection de Lula. Au-delà de la jubilation de voir un ancien ouvrier parvenir à la présidence du plus important pays d’Amérique latine, chacun s’interroge maintenant sur la façon dont la situation va évoluer.

Comment vont se comporter les gouvernements des pays qui dominent le monde, et en premier lieu celui des États-Unis ? Comment cette victoire électorale peut-elle déboucher sur une rupture avec l’ordre néo-libéral ? Comment faire pour que le nouveau gouvernement brésilien mette véritablement en œuvre les mesures répondant aux aspirations populaires ?
Ce forum venait pour toutes ces raisons à point nommé : chacun avait en effet conscience que sans une mobilisation d’ampleur de toutes celles et tous ceux qui refusent l’ordre néo-libéral, rien ne sera possible.

Un autre différence importante avec le précédent forum était l’ampleur de la présence syndicale.
En 2002, il fallait pas mal d’efforts pour découvrir des syndicalistes. Cette année en revanche on les comptait par centaines. Une visibilité facilitée par l’existence d’un espace spécifique mis en place par la CUT, la centrale qui regroupe plus de 80% des syndiqués brésiliens.

Pendant les deux jours précédant l’ouverture du forum, des syndicalistes du monde entier ont pu y échanger analyses, expériences et adresses e-mail. Rien ne peut remplacer de tels contacts directs entre militants. En effet, si les problèmes à résoudre sont en gros comparables, les traditions syndicales sont très différentes d’un pays à l’autre, et il n’est pas possible de comprendre grand chose en se contentant de le lire dans les livres.

Surmonter le morcellement national du syndicalisme est décisif pour agir et peser face à la stratégie mondiale des multinationales. Et cela d’autant plus qu’il faut souvent agir dans l’urgence, par exemple en cas de licenciements dans une filiale étrangère.
Cette volonté d’agir ensemble est indissociable de la nécessité d’approfondir le débat entre ceux qui veulent combattre la mondialisation néo-libérale et ceux qui veulent simplement l’aménager, comme en a témoigné l’écart existant entre la plupart des intervenants et les propos de certains porte-paroles de regroupements syndicaux internationaux.

Un autre point remarquable : l’énorme manifestation d’ouverture du Forum social mondial avec ses cortèges colorés et multinationaux, tel celui de la marche mondiale des femmes, du Mouvement des sans terre (MST) brésilien, des piqueteros argentins, le tout avec des slogans communs contre la guerre et contre la globalisation libérale.

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