Un essai de prospective

La Réunion de 2030 par ceux qui la rêvent

28 septembre 2004

Le groupe “Futurs Réunion” fait paraître ce mois un document intitulé “Une vision pour 2030”. C’est le quatrième rapport de ce type émis en six ans par ce groupe créé en 1998 à l’initiative de l’Observatoire du développement de La Réunion.

D emain ne sera pas comme hier", écrivait notamment Gaston Berger (voir notre encadré) dans “Phénoménologie et Prospective”, "il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer".

Répondant à cette exhortation, le groupe “Futurs Réunion”, créé en 1998 à l’initiative de l’Observatoire du développement de La Réunion, fait paraître ce mois un document intitulé “Une vision pour 2030”, le quatrième rapport de ce type en six ans. Il a inscrit dans une fiction quelques-unes des grandes tendances par lesquelles Dominique, "un(e) citoyen(ne) réunionnais(e)" de 18 ans tente de tracer les contours de ce que serait, pour lui/elle, la société réunionnaise de 2030.
"Sa vision lointaine, à plus de 25 ans, lui permet de voir le chemin à parcourir, bordé de dangereux précipices d’un côté et de rampes vers un avenir meilleur de l’autre", lit-on dans le préambule de cette vision que d’aucuns compareront peut-être à un “conte philosophique”.
La construction en est dichotomique : face à trois menaces majeures, identifiées comme risques potentiels à partir de l’observation de la société présente (une “jungle sociale”, un “chômage refuge” et une “cohésion éclatée”), trois atouts potentiels à valeur positive sont avancés comme susceptibles de les conjurer : un “esprit pionnier”, une “écologie intelligente” et une “société fraternitaire”.

Un chômage supposé "refuge" et ses "enfermements"

Sur cette base se déploie un scénario construit dans un va-et-vient permanent entre la société de 2004 et celle imaginée pour 2030 avec, pour chaque proposition, chaque état de fiction, une échelle de 1 à 10 sur laquelle est mesurée sa "probabilité de réalisation".
Chacun pourra s’amuser à comparer, entre les éléments de cette fiction, ceux dont Dominique (alias les auteurs) pense qu’ils peuvent être réalisés à 100% ou dans une moindre mesure, mais jamais à moins de 50%. Question "d’optimisme" nous dit-on...
On peut relever aussi avec amusement qu’en dépit de sanctions appliquées à 100% contre les fauteurs de “jungle sociale”, l’insécurité et la violence ne diminueraient réellement qu’à proportion d’un objectif atteint à 50% seulement. C’est ce que Freud aurait appelé "L’avenir d’une illusion...".

Enfin, il faut souligner le niveau mitigé de réalisation des mesures imaginées pour combattre un chômage supposé "refuge" tandis que curieusement les "enfermements" - auxquels le chômage contribue largement - font l’objet d’une attention soutenue et d’actions menées au maximum de leur potentiel.
Ceci vient opportunément rappeler que la prospective n’est pas une science exacte et qu’elle n’a de sens, en tant que jeu de l’esprit, qu’autant qu’elle vient consolider, au sein d’une société donnée, les valeurs de dialogue sur des projections acceptables par tous.
Raison de plus pour lire les propositions de l’ODR et en faire une critique concertée et positive.

P. David


La prospective : ni science du futur, ni outil de prévision

L’Observatoire du développement de La Réunion (ODR) définit la prospective comme l’activité par laquelle une société se construit des "éléments d’analyse sur le long terme" : "La prospective n’est pas une science du futur, ce n’est pas non plus un outil de prévision. C’est une activité destinée à éclairer les avenirs possibles.(...) La prospective éclaire les anticipations", précise le groupe “Futurs Réunion” dans sa présentation.
La démarche prospective n’est pas, en soi, une invention du XXème siècle. Mais d’une part elle n’a jamais autant prospéré que ces dernières décennies, marquées par l’apparition d’innombrables groupes de réflexion, clubs voire lobbies - appelés “think tank” outre-Atlantique - dédiés à échafauder des scénarii du futur à usage des gouvernants.
D’autre part, elle tend à se “démocratiser” dans la mesure où des cercles de plus en plus larges trouvent un intérêt à planifier leur action sur le long terme. Encore faut-il distinguer prévisions et prospective.
Depuis que Marx a dit que ce sont "les masses qui font l’Histoire" - c’est-à-dire les communautés humaines engagées dans des conflits d’intérêt dont la résolution détermine et oriente à différents niveaux (micro et macro-économique, national et international...) les transformations des sociétés -, lire dans les signes du présent ceux qui accoucheront des sociétés futures est devenu un enjeu démocratique majeur.
"Regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l’avenir le bouleverse", écrivait le philosophe français Gaston Berger (1896-1960), auteur de “Phénoménologie du temps et prospective, Éducation et prospective...” et cité dans l’introduction du rapport 2004 comme l’un des fondateurs des concepts de la prospective européenne.

P.D.


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