Conférence des peuples de Bandung à Bamako

Lutter contre un apartheid à l’échelle mondiale

20 janvier 2006

Mercredi, la ville de Bamako fêtait le 50ème anniversaire de la conférence de Bandung. À la veille de l’ouverture du Forum social mondial dans la capitale du Mali, s’est tenue dans cette ville la “Conférence des peuples de Bandung”. Parmi les interventions remarquées, celle de l’économiste égyptien Samir Amin et de la responsable du Forum pour un autre Mali, Aminata Traoré.

Le système néolibéral est l’apartheid à l’échelle mondiale, a déclaré mercredi à Bamako, l’économiste Samir Amin, à l’ouverture du “Bandung des peuples", en souvenir au 50ème anniversaire de la conférence de Bandung (Indonésie, 1955).
"Nous devons davantage nous unir pour mettre en déroute les formes du capitalisme néolibéral, les puissances impérialistes", a-t-il ajouté.
Cette rencontre, qui entend jeter un regard restrospectif sur le passé, est organisée par plusieurs organisations altermondialistes, notamment le Forum pour l’autre Mali, le Forum du Tiers-Monde, Enda Tiers-Monde, le Forum des alternatives, en prélude au Forum social mondial qui s’est ouvert hier à Bamako.

OMC : "ministère des colonies"

Ne portant pas de gants contre les "puissances impérialistes", Samir Amin a qualifié l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de "ministère des colonies" et le Fonds monétaire international (FMI) "d’autorité monétaire coloniale".
"Ces structures appartiennent à la triade de l’association des malfaiteurs, notamment les États-Unis, le Japon et l’Europe", a-t-il soutenu, ajoutant que le système néolibéral est "injuste et criminel".
Très critique également, Aminata Dramane Traoré, ancienne ministre de la Culture du Mali, a qualifié d’"odieuse" la marche actuelle du monde.
On rappelle que les participants à la conférence débattent de plusieurs thèmes relatifs, entre autres, au "système mondial multipolaire fondé sur la paix, le droit et la négociation", "une mondialisation négociée organisant l’accès aux marchés, capitaux et technologies dans la perspective de la réduction des inégalités mondiales et du renforcement des droits des travailleurs".
Ils évoquent aussi "la charte définissant le statut des ressources naturelles, les droits des peuples et de l’humanité concernant leur exploitation, les formes de cette exploitation - limites et régulations des exploitations marchandes".
Près de 30.000 altermondialistes venus des 5 continents prendront part à la 6ème édition du Forum social mondial polycentrique qui se déroule jusqu’au 23 janvier à Bamako.


Samir Amin : "une grande leçon donnée par les peuples d’Asie et d’Afrique"

"Bandung n’est pas un événement du passé dont la page est tournée. C’est une grande leçon donnée au monde entier par les peuples d’Asie et d’Afrique. Bandung est parvenue à imposer, jusqu’à un certain point et pendant un certain temps, au système mondial, un ajustement aux exigences de développement de nos peuples, “les Peuples du Sud” comme on les nomme désormais.
Dans ce sens, les défis auxquels ces derniers sont confrontés aujourd’hui en Asie, en Afrique et en Amérique latine sont de même nature, même si les conditions ont changé. C’est la raison pour laquelle nous tentons, à partir de cette réunion, de contribuer à l’élaboration d’une politique alternative à la mondialisation libérale."
(Source “Afrik.com”)


Aminata Traoré : "le droit de persister dans la résistance"

"Avant l’ouverture du Forum social, nous nous devions, 50 ans après, de nous rappeler que des chefs d’État, engagés dans les luttes de libération nationale, s’étaient réunis à l’époque pour achever l’œuvre de décolonisation qui était en cours. Nous savons qu’immédiatement après, les puissances occidentales qui ne l’entendaient pas de cette oreille, ont organisé une politique de déstabilisation qui a coûté cher à chacun de nos pays, à nos leaders politiques. Modibo Keïta (premier chef d’État malien - NDLR), Nkrumah Kwame (chantre du panafricanisme - NDLR) n’ont jamais eu les coudées franches. Aujourd’hui, nous assistons à une véritable recolonisation au nom d’une mondialisation qui se traduit par le pillage et la paupérisation d’une grande majorité des peuples du Sud.
Lorsque les maux que vous combattez demeurent, vous avez le droit de persister dans la résistance. Si aujourd’hui, nous peuples du Sud, nous nous retrouvons ici avec des citoyens du Nord, c’est parce nous sommes obligés de faire face à l’ennemi commun : l’expansion d’un capital prédateur et d’une arrogance totale.
Ce rouleau compresseur qui a créé la fracture sociale au Nord et qui ouvre les mêmes plaies chez nous. L’Afrique paie particulièrement cher pour les mutations qui sont en cours. Nous devons profiter de la présence de la société civile mondiale pour dire haut et fort que notre continent n’est pas victime de lui-même.
L’idée, c’est de dire que nous partons de l’existence d’un accord collectif que nous appelons le mouvement social mondial qui s’est constitué peu à peu au cours de ces 10 dernières années. Cet acteur collectif reste malgré tout relativement dispersé et mobilisé autour de sujets qui sont très différents en raison même de ses qualités. Diversité, pluralité... des qualités qui sont d’ailleurs à conserver. La question qui se pose est de savoir si la transformation de cette conscience en un acteur aux objectifs communs qui pourraient se traduire, par exemple, par un manifeste ou une déclaration de Bamako est possible."
(Source “Afrik.com)


1955 : la Conférence de Bandung

En 1955, une trentaine de pays asiatiques et africains ont acquis leur indépendance. Conscients de leur force, ils décident alors de tout mettre en œuvre pour aider les autres colonies à acquérir elles aussi leur indépendance. Les grands acteurs de cette rencontre sont l’Indien Nehru, l’Égyptien Gamal Abdel Nasser, et le Chinois Zhou Enlai.
Les 5 puissances invitantes de Bandung - l’Inde, Ceylan, le Pakistan, la Birmanie et l’Indonésie - s’étaient réunies à Colombo, du 5 avril au 2 mai 1954, pour chercher les moyens d’accélérer la conclusion de la paix en Indochine. Les 5 prennent alors position contre les essais nucléaires, la politique des blocs et le colonialisme et se prononcent pour l’admission de la Chine aux Nations-unies. Quelques mois plus tard, en décembre 1954, les 5 de Colombo se retrouvent à Bogor, localité proche de la capitale indonésienne, pour décider des derniers préparatifs de la conférence, et, notamment, pour établir la liste des pays à inviter à prendre part à la création d’une zone de paix fondée sur les principes de la coexistence pacifique. 25 pays, dont la Chine et le Vietnan du Nord, sont invités, et, parmi eux, seule la Fédération d’Afrique centrale décline l’invitation.
La conférence de Bandung marque l’entrée du Tiers Monde sur la scène internationale, un extrait de la résolution finale en précise les contours :
Une conférence des nations afro-asiatiques convoquée par les gouvernements de Birmanie, de Ceylan, de l’Inde, d’Indonésie et du Pakistan s’est réunie à Bandung du 18 au 24 avril 1955. Outre les pays promoteurs, les États suivants ont participé à la conférence : Afghanistan, Cambodge, République populaire de Chine, Égypte, Éthiopie, Côte de l’Or, Iran, Irak, Japon, Jordanie, Laos, Liban, Liberia, Libye, Népal, Philippines, Arabie saoudite, Soudan, Syrie, Siam, Turquie, République populaire du Vietnam (Viêt-minh), État du Vietnam et Yémen. La conférence afro-asiatique a étudié le rôle de l’Asie et de l’Afrique et a examiné les moyens grâce auxquels les peuples des pays représentés peuvent réaliser la coopération économique, culturelle et politique la plus étroite.
À l’issu de la conférence, une déclaration politique a été adoptée définissant 10 principes élémentaires pour promouvoir la paix et la coopération dans le monde :

1. Le respect des droits de l’Homme fondamentaux et des objectifs et principes de la Charte des Nations-unies.
2. Le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les États.
3. La reconnaissance de l’égalité de toutes les races, l’égalité de tous les États, grands ou petits.
4. La non-intervention ou non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays.
5. Le respect du droit de chaque nation à se défendre par elle-même ou collectivement, conformément à la Charte des Nations-unies.
6. S’abstenir d’utiliser des arrangements de défense collective pour servir les intérêts particuliers d’une grande puissance, l’abstention par tous les pays d’exercer des pressions sur d’autres pays.
7. S’abstenir de tout acte ou toute menace d’agression, ou tout usage de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tous les pays.
8. Le règlement de tous les conflits internationaux par les moyens pacifiques, tels que la négociation, la conciliation, l’arbitrage ou le règlement judiciaire ainsi que d’autres moyens pacifiques choisis par les parties intéressées, en conformité avec la Charte des Nations-unies.
9. La promotion des intérêts et de la coopération mutuelle.
10. Le respect de la justice et des obligations internationales.

(Source Wikipédia)


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