Réunion du Conseil général de l’Organisation mondiale du commerce

OMC : Faciliter les échanges pour qui ? Et qui en paiera le prix ?

28 juillet 2004

L’Organisation mondiale du commerce se réunit à Genève actuellement. Les décisions prises auront des conséquences pour La Réunion car l’Union européenne est partie prenante dans cette organisation internationale. Or, la tendance des négociations est d’aller vers une déréglementation dans tous les domaines. Si de tels projets triomphent, ne risque-t-on pas d’aller à terme vers un démantèlement de toutes les protections acquises par les producteurs réunionnais ?

À Genève a lieu ces jours-ci une réunion, présentée comme la dernière possibilité de sauver le cycle de négociation dit de Doha, censé garantir le développement par la suppression des obstacles à la circulation des marchandises. Le dossier agricole figure en tête des priorités.
En septembre dernier à Cancun (Mexique), la réunion de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’avait pas abouti à un accord. Les pays les plus pauvres de la planète s’étaient retirés des négociations. La raison : l’absence de concessions suffisantes en matière agricole et la volonté des pays développés à avancer dans d’autres domaines comme celui des investissements ou de l’accès aux marchés publics.
Depuis septembre dernier, les contacts se sont multipliés pour relancer le “cycle de Doha”. Lancée en 2001 dans la capitale du Qatar, cette série de discussions vise à libéraliser davantage encore le commerce international tout en mettant l’accent sur le développement. C’est un équilibre très difficile à tenir.
Le “cycle de Doha” est aussi une source de conflits entre les pays industrialisés et un Sud qui s’est organisé depuis l’échec des négociations de Seattle en 1999, dans une ville en état de siège.
Depuis mardi à Genève se réunit le Conseil général de l’OMC. Au départ des discussions, il y a une note de synthèse présentée par le président en exercice du Conseil, le Japonais Shotaro Oshima. Parmi les nouveautés de ce texte, on retrouve la concession faite par l’Union européenne : supprimer les subventions aux exportations agricoles. En contrepartie, l’Union européenne souhaite que d’autres grandes puissances fassent de même, dont les États-Unis.
Concernant les quatre sujets dits "de Singapour", les pays du Nord accepteraient de n’ouvrir les discussions que pour l’un d’entre eux : les facilitations des échanges, autrement dit la simplification des procédures douanières. Au cœur du compromis se trouvent d’autres éléments comme une nouvelle baisse des tarifs douaniers par tranches successives ou une accélération de la libéralisation des services.
Va-t-on vers un accord ? difficile à dire. L’Union européenne s’est dotée d’un consensus de façade lundi, mais la France - surtout - reste très réservée sur le volet agricole. Les États-Unis ont annoncé lundi qu’ils n’accepteraient qu’un compromis contenant "de nouvelles ouvertures importantes pour les échanges de produits agricoles, des biens et des services". En période électorale, les négociateurs américains n’ont pas envie de faire trop de concessions.
Les pays du Sud, eux, restent unis sur la ligne qui fut la leur à Cancun. Le G 20 (ensemble regroupant notamment le Brésil et la Chine) a déjà averti : la note de synthèse "nécessite des améliorations et des changements importants". En clair, ce nouveau round risque d’être source de nouveaux bras de fer à risque. Pour les observateurs, c’est la crédibilité même de l’OMC qui se trouve en jeu lors de la réunion de Genève. Un nouvel échec compromettrait définitivement l’agenda établi à Doha.


Chronologie des relations commerciales internationales

De Bretton Woods à l’OMC

22 juillet 1944
44 pays réunis à la Conférence internationale de Bretton Woods (États-Unis) établissent un système multilatéral de taux de change stable et jettent les bases de ce qui va devenir le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.

10 avril - 30 octobre 1947
23 pays concluent à Genève le protocole d’application provisoire de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), afin de relancer le commerce en limitant les droits de douane. Entrée en vigueur le 1er janvier 1948.

15 septembre 1986 - 15 avril 1994
8ème cycle de négociations commerciales du GATT, dit Uruguay Round, à Punta del Este (Uruguay), en présence de plus de 125 pays. Les négociations comprennent pour la première fois, l’ouverture des marchés dans le secteur de l’agriculture (fin de l’"exception agricole"), des services et la protection de la propriété intellectuelle.

15 avril 1994
Le 15 décembre 1994, l’Acte final de l’Uruguay Round est signé à Marrakech par 112 pays. Il institue l’Organisation mondiale du commerce - ainsi que de nombreux accords sectoriels, notamment dans les domaines qui échappaient jusque là à la libéralisation des droits de douane : agriculture, services, textiles et vêtements, mesures sur les produits sanitaires et phytosanitaires et protection de la propriété intellectuelle.

1er janvier 1995
L’OMC
(Organisation mondiale du commerce, WTO World Trade Organization) succède au GATT. En juillet, la Chine y obtient le statut d’observateur.

30 novembre-3 décembre 1999
Échec de la 3ème conférence ministérielle de l’OMC à Seattle (États-Unis) : les 135 pays participants ne parviennent pas à lancer un nouveau cycle de négociations commerciales internationales. D’importantes manifestations d’opposants venus de nombreux pays, marquent la conférence. Les discussions concernant la libéralisation des services et de l’agriculture redémarrent cependant à Genève en février 2000.

11 avril 2001
Dans le contentieux de la banane qui oppose les États-Unis et l’Union européenne depuis 1993, un règlement sur la banane est signé par les protagonistes : après une condamnation par l’OMC en septembre 1997 confirmée en avril 1999, l’UE se conforme aux exigences de l’ORD et supprime à terme (en 2006) les quotas européens réservés aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).

9-14 novembre 2001
La quatrième conférence ministérielle réunit à Doha, au Qatar, les 142 pays membres et approuve l’adhésion de la Chine et de Taïwan. Le lancement d’un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales baptisé “Agenda du développement”, est finalement entériné ; il débutera le 1er janvier 2002 pour une durée de trois ans maximum. Sur l’agriculture, le compromis entre l’Union européenne et les pays du Groupe de Cairns rejoints par les pays en développement, prévoit le "retrait progressif des subventions à l’exportation".

14-16 février 2003
Réunion ministérielle informelle à Tokyo.
Le dossier agricole reste la principale pomme de discorde entre les États-Unis et le Groupe de Cairns (qui regroupe 17 pays exportateurs agricoles) d’une part, et l’Union européenne et le Japon opposés à la levée des subventions, d’autre part. La date butoir fixée au 31 mars pour les négociations agricoles n’est pas respectée.

26 juin 2003
Accord européen sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) : cette réforme modifie les modalités de financement du secteur agricole communautaire et rompt partiellement avec le système des aides couplées à la production. Elle ouvre la voie à la limitation des subventions agricoles réclamée par l’OMC dans le cadre des négociations commerciales multilatérales.

10-14 septembre 2003
Échec de la 5ème conférence ministérielle réunie à Cancun (Mexique). Face à l’absence de compromis Nord-Sud sur le dossier agricole, les pays du Sud refusent l’ouverture de négociations sur de nouveaux sujets.

18 juin 2004
Condamnation
des Etats-Unis à l’OMC pour les subventions aux producteurs de coton. Suite à la plainte déposée en septembre 2002 par le Brésil contre les subventions américaines aux producteurs de coton, l’Organe de règlement des différends (ORD) déclare illégales les subventions américaines d’environ 3,2 milliards de dollars par an.


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