Dans la région parisienne, ça commence à fourmiller sévère. On croise un Chypriote lisant les avis municipaux pour tuer le temps à la mairie de Saint-Denis ; les affiches de toutes les organisations étoilent peu à peu la plupart des façades ; une militante allemande avale un sandwich vite fait dans le parc de la Bergère à Bobigny, avant de participer à une assemblée de préparation des mouvements européens.
Les villes d’accueil, en particulier les trois communes de banlieue, rivalisent d’ingéniosité pour disséminer partout drapeaux, oriflammes, affiches quatre sur quatre, bâches gigantesques sur les toits des maisons ; à Ivry, les citoyens rassemblés dans le collectif local réalisent des calicots et des affiches placardées sur les murs.
On commence à se bousculer pas mal dans les centres d’accréditation pour le FSE ; des portables qui sonnent dans tous les sens ; les chapiteaux sont à peu près tous montés, il y a des toilettes, des restaurants, le minimum vital et le reste ; des journalistes étrangers errent, un peu à la peine pour comprendre ce qui se passe, pour trouver des "histoires extraordinaires" ; des petites mains du staff français d’organisation cherchent à trouver des places d’hébergement supplémentaires, à convaincre quelques militants de sauter le pas de l’aide bénévole, etc.

Quatre cérémonies d’ouverture

Voilà autant de secousses plus ou moins souterraines... Mais il y a des signes qui ne trompent pas : le forum syndical de la Confédération européenne des syndicats et le forum des autorités locales (hier soir) ont débuté. Et le FSE commençait véritablement mercredi avec la première assemblée européenne des femmes à Bobigny, conclue par une manifestation en fin d’après-midi dans les rues de la ville et avec quatre cérémonies d’ouverture dans les villes d’accueil (au parc de La Villette à Paris, sur la place du Marché à Saint-Denis, dans les jardins de la mairie à Bobigny et au complexe sportif Venise-Gosnat à Ivry).
Malgré quelques principes communs (moment "mobilisateur et festif", lecture par les maires de chacune des villes d’un message d’accueil aux participants, etc.), ces "cérémonies" étaient assez différentes les unes des autres : exemple à Saint-Denis où, en prélude d’un concert exceptionnel de Sergent Garcia, on a fait le choix d’un véritable meeting avec la participation de José Bové (porte-parole de la Confédération paysanne), de Jacques Nikonoff (président d’ATTAC France), de Chico Whitaker (secrétaire exécutif de la commission Justice et Paix de l’épiscopat brésilien, co-fondateur du Forum social mondial de Porto Alegre), et de Patrick Braouezec, maire de la commune.

Diversité

Si le FSE de Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry compte le même nombre de débats (55 plénières, 270 séminaires) que celui de l’année dernière à Florence, il n’est pas encore sûr de pouvoir atteindre le chiffre de 60.000 participants - c’est très probable, cela dit, vu les chiffres annoncés notamment par les délégations étrangères - mais il est, en revanche, à peu près assuré de ne pas crever le plafond du million de manifestants lors de la manif à l’issue du FSE samedi prochain entre République et Nation.
Et après ? Désormais bien calés dans le paysage, le mouvement altermondialisation et, plus largement encore, le processus des forums sociaux se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins.
Démultiplié encore par l’éclatement sur quatre sites différents dans des villes ou des quartiers tous très populaires, la réussite de ce foisonnant espace repose, tout entière, sur la transformation des lieux en une véritable agora. Une agora gigantesque, la plus grande jamais organisée dans toute l’Europe selon les organisateurs, où l’on vient écouter, se parler, se frotter, se confronter et partager dans une mille et une langues du monde entier.