Le gouverneur Mahé de Labourdonnais avait promu Saint-Denis capitale de La Réunion au détriment de Saint-Paul, premier établissement permanent de la colonisation de notre île. Le transfert de la capitale de l’Ouest à l’entrée du Bon Pays située de l’autre côté de la Montagne a depuis largement déterminé l’aménagement du territoire de La Réunion. Il a entraîné une concentration des activités administratives et des emplois dans la capitale.

Conséquences de la promotion de Saint-Denis par Mahé de Labourdonnais

Dès le début de sa création en 1959, le Parti communiste réunionnais évoquait la question de l’hypertrophie de Saint-Denis et donc de la nécessité d’équilibrer l’aménagement du territoire de La Réunion. Le pouvoir parisien ne l’entendait pas de cette oreille, car il était simple de faire de concentrer des moyens pour faire de Saint-Denis la vitrine de la présence occidentale dans notre région. C’est ainsi que les meilleures terres agricoles de Saint-Denis furent sacrifiées au profit de l’extension de la capitale vers l’Est, tandis que de riches terres à cannes à sucre à Sainte-Marie étaient détruites par la construction d’un aéroport international à Gillot. Il existait pourtant la possibilité de moderniser l’aérodrome de la Plaine des Galets qui avait pour avantage de se situer dans une zone pas propice à l’agriculture.

Croissance deux fois plus rapide de la population de Saint-Denis

Ce déséquilibre entre l’aire métropolitaine de la capitale et les autres régions continuent de s’accentuer au 21e siècle. C’est ce qu’il ressort notamment de la dernière étude de l’INSEE sur l’évolution de la population à La Réunion entre 2015 et 2021.
Sur 871 000 habitants au 1er janvier 2021 dans notre île, 154000 vivaient dans la capitale. En rythme annuel, la croissance de la population de Saint-Denis était de 0,9 %, soir plus du double de la moyenne réunionnaise qui était de 0,4 %. C’est un phénomène qui s’accentue car entre 2010 et 2015, le rythme annuel d’accroissement de la population de la capitale était de 0,3 %, alors que celui du pays était de 0,7 %.
Dans les autres grandes villes de La Réunion entre 2015 et 2021, le taux d’augmentation de la population est inférieur à celui de la capitale, à l’exception du Tampon qui s’approchait alors de 82000 habitants, et de La Possession qui, avec plus de 35000 habitants, est devenue la seconde commune de l’Ouest, dépassant Le Port. Commune limitrophe de Saint-Denis, La Possession bénéficie sans nul doute du phénomène d’hypertrophie de la capitale.

Illustration de l’aménagement du territoire

Ces évolutions de la population sont une illustration de l’efficacité des politiques menées pour aménager le territoire de La Réunion. Force est de constater qu’à l’époque Didier Robert à la Région, Saint-Denis et sa banlieue étaient privilégiées en termes d’investissements. Il n’y a qu’à se référer à l’improbable chantier de route en mer financé en partie avec l’argent prévu pour construire une ligne de chemin de fer concernant les Réunionnais de l’Est, du Nord et de l’Ouest : déjà 1,6 milliard d’euros dépensés pour une demi-route, une rallonge d’au moins 800 millions d’euros pour rattraper le coup parti et espérer terminer 12 kilomètres de route dans l’océan Indien entre la capitale et sa banlieue de La Possession.
Des efforts existent pourtant pour créer des activités dans d’autres régions. La Faculté de Médecine est dorénavant à Saint-Pierre au lieu de Saint-Denis par exemple.

Promesses de rééquilibrage

L’attrait de Saint-Denis a lieu dans un contexte de sous-développement des transports à La Réunion. Tant que notre île n’aura pas un réseau de transport moderne et pas cher organisé autour d’un train reliant la capitale aux régions, les Réunionnais continueront à perdre du temps pour se rendre à Saint-Denis dans une administration ou pour travailler.
Ce déséquilibre n’est pas propre à La Réunion. Il arrive souvent dans les pays qui furent colonisés, suite aux choix de l’ancienne puissance coloniale. Il est encourageant que lors des dernières élections régionales, la question de ce déséquilibre a été évoquée et que des engagements furent pris pour y remédier. C’est un défi immense qui a comme préalable un changement de mentalités héritées de la colonisation.

M.M.