Quel avenir ?

Un des plus grands défis de ce siècle dans le monde et dans la région : les migrations

Conséquences de la transition démographique dans les pays du Tiers-Monde et du partage inégal des richesses sur la planète

3 janvier 2004

Mardi dernier, "Le JIR" a consacré l’essentiel de sa première page à la question de l’immigration massive de Comoriens et Anjouanais à Maoré (Mayotte). Et ce sujet était illustré par une photo à la fois très émouvante et très parlante, qui pourrait constituer une image-symbole d’un des plus grands défis auxquels sera confrontée l’humanité au cours de ce 21ème siècle. (voir ci-après)
En effet, le drame que vivent les habitants de l’archipel voisin - avec les tensions qu’il suscite et qui risquent à tout moment de déboucher sur une tragédie - est une illustration, dans notre région, à quelques encablures de La Réunion, d’un phénomène qui risque de prendre beaucoup d’ampleur durant les décennies à venir à l’échelle de l’ensemble de la planète. Plusieurs facteurs se conjuguent dans les raisons qui permettent de le penser.

Le facteur démographique

Il y a bien sûr le fait que, dans l’Histoire, les migrations ont de tout temps joué un rôle essentiel et très souvent silencieux, quand elles ne prenaient pas, par exemple, la forme "flamboyante" donnée par "le Loup bleu" (Gengis Khan) au débordement de ses hordes cavalières dans les steppes de l’Asie centrale.
Avec la « transition démographique » opérée dès le milieu du 20ème siècle dans les pays du Tiers-Monde, la société humaine planétaire est confrontée à un problème d’une dimension encore jamais atteinte. Et nous sommes, d’après ce qu’en disent les démographes, encore loin du dénouement de cette « transition », qui est le passage d’une démographie caractérisée par une mortalité et une fécondité fortes à un autre régime démographique caractérisé au contraire par une mortalité et une fécondité faibles.
L’ONU a ainsi publié des chiffres de projections qui annoncent des scénarios très variables, notamment en fonction des taux de fertilité envisageables (voir "Témoignages" du 11 décembre 2003). Plusieurs données démographiques connues prévoient une baisse importante de la population en Europe (de 12% de la population mondiale aujourd’hui, elle passerait à 7% dans trois siècles) tandis que l’Afrique et l’Asie vont prendre au contraire une part de plus en plus grande dans la population mondiale. Ces déséquilibres dans la population mondiale annoncent des transferts massifs, à l’échelle de la planète.
« La mobilité des peuples est, à long terme, impossible à contenir. C’est un phénomène permanent dans l’Histoire de l’humanité », dit Paul Vergès au début du livre "D’une île au monde", paru il y a déjà plus de dix ans (1993).

Les effets de la mondialisation de la loi du marché

Ces phénomènes ne sont pas près de régresser, au contraire. Ils sont accentués, voire accélérés, par la très grande inégalité dans la répartition des richesses mondiales. Nous vivons dans un monde bipolarisé - coupé en deux - où 15% de la population mondiale concentre pour son seul usage près de 80% du revenu mondial, ne laissant à "l’autre monde" - les 85% de la population mondiale - que moins de 20% du revenu mondial.
Si cette configuration n’est pas durablement remise en cause, comment les masses déshéritées des pays les plus pauvres - et ayant le plus grand mal à rattraper leurs retards de développement - ne seraient-elles pas attirées par le pôle de concentration des richesses ?
Le pouvoir attractif des richesses concentrées au Nord est d’autant plus fort que les populations du Sud y ont accès... par les moyens d’information et de communication de masse. Ceux-ci ont connu une extension considérable à travers le monde et ils font voir partout comment on est riche dans le Nord et comment une minorité des humains est capable de gaspiller le fruit du travail de tous.
Or la mondialisation ultra-libérale des marchés va encore accentuer ce phénomène. De même qu’elle va aggraver la fracture sociale entre le Nord et le Sud, fabriquant toujours plus de pauvres et d’exclus dans les pays du Tiers-Monde.

Instaurer un co-développement solidaire

Le démographe Alfred Sauvy disait, dans les années 1950, que ce phénomène des grandes migrations est comparable aux vases communicants [1]
et qu’il donne aux pays d’accueil une chance de revivifier leur démographie par l’intégration de ce "surplus" démographique transféré. Cette générosité n’est malheureusement pas toujours partagée par les peuples des pays d’accueil.
La solution à long terme est aussi de travailler à un développement durable et équilibré des pays les plus pauvres. Dans notre région, c’est ce que la collectivité régionale a mis en œuvre en direction de plusieurs pays, pendant la mandature de Paul Vergès à la présidence (1998-2004). En particulier en direction des Comores.
Mais il faut beaucoup de temps pour instaurer un co-développement solidaire. En tout cas, davantage que quelques années pour réparer les dégâts de plusieurs siècles de régime esclavagiste et colonialiste... où l’on a pillé, déporté, divisé les peuples.
Les migrations massives seront, pendant encore longtemps, la réponse la plus recherchée - quoique souvent la plus dangereuse et la plus pénible - par les flots de population que chasse hors de leur pays d’origine une misère insupportable. Et manifestement, les pays d’accueil de ces migrants n’ont pas encore trouvé la solution pour assumer positivement les conséquences de ce phénomène. Qu’en est-il chez nous...?


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