Dernière ligne droite dans les négociations de l’OMC :

Un sommet à hauts risques

27 juillet 2004

Des négociations entre membres de l’Organisation mondiale du commerce se déroulent à Genève, de mardi à vendredi. Un accord serait historique. Mais les contradictions multiples dont est traversée l’organisation font douter du résultat du sommet, et mettent en danger l’avenir même de l’OMC.

Les 147 pays membres de l’OMC se sont retrouvés hier à Bruxelles, avant d’entamer des négociations marathon à Genève, de mardi à vendredi minuit. L’objectif est de se mettre d’accord sur la relance du cycle de négociations lancé fin 2001 à Doha, la capitale du Qatar. L’enjeu principal est d’intégrer les produits agricoles dans les négociations, à l’échéance du 30 juillet. Cette intégration - voulue depuis les débuts de l’Uruguay Round (1986-1991) - a déjà été la cause de l’échec du 8ème cycle de négociation du GATT.
Depuis la création de l’OMC en 1995, les tensions nées d’une interdépendance grandissante, d’un champ de compétences élargi goulûment et d’une vocation “mondiale”, n’ont cessé de s’aviver. Les contentieux se sont multipliés, autant entre les grandes puissances (UE contre Etats-Unis) qu’entre pays du Nord et pays en développement. L’échéance du 30 juillet apparaît comme une ultime tentative de recoller les morceaux après l’échec retentissant de la 5ème conférence ministérielle de l’OMC à Cancún (Mexique) en septembre 2003, qui avait viré à un affrontement Nord-Sud sur l’agriculture.
Selon le directeur général de l’OMC, Supachai Panitchpakdi, un nouvel échec serait lourd de dangers pour l’OMC : "Il faut que nous réussissions cette fois-ci, car, dans le cas contraire, j’aime mieux ne pas penser à ce que pourraient être les conséquences non seulement pour le cycle mais aussi pour l’organisation" a-t-il déclaré.

Un échec serait grave

Concrètement, les deux points clés de ces négociations portent sur l’accès aux marchés et la limitation des subventions à l’agriculture. Les 19 et 20 juillet, les pays membres de l’OMC ont adopté un ensemble d’accords-cadres dont certaines parties sont toutefois vivement controversées. Jacques Chirac a ainsi estimé que le projet était "inacceptable en l’état" pour son pays, donnant une indication sur ce que pourrait être la tonalité des débats entre les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne, qui vont négocier au nom des États membres.
L’ambiance est tendue, et un diplomate occidental a même évoqué une régression de la négociation, car plusieurs pays en développement refusent d’ouvrir davantage leurs marchés aux produits occidentaux, en échange de concessions des pays riches dans l’agriculture. Les pays en développement estiment qu’ils ont été floués dans l’Accord agricole de 1994. Ils convergent pour demander une plus grande discipline en matière de politique agricole dans les pays développés, un meilleur accès à leur marché et, pour eux, une plus grande flexibilité en matière de politique agricole.
Selon l’OMC, les exportations agricoles et agro-alimentaires mondiales ont représenté, en 2002, 547 milliards de dollars - soit 10% de la valeur totale (5.437 milliards de dollars) des marchandises échangées dans le monde. De même source, il apparaît que les principaux exportateurs de produits agricoles et agro-alimentaires sont les pays dits du groupe de Cairns, dont les parts sont passées, pour ces produits, de 32,5% à 36,1% entre 1990 et 1999, alors que le poids relatif des Etats-Unis sur le marché mondial agricole passait de 20,9% à 17,3% tandis que celui de l’Europe se tassait de 15,9% à 15,6% dans la même période. Les contradictions qui traversent les pays membres de l’OMC, sur les questions agricoles en particulier, font “exploser” le clivage “Nord-Sud” quelquefois évoqué. Les négociations sur le sucre en sont un exemple typique, comme pourrait le faire apparaître, jeudi prochain, le rapport intermédiaire du “panel” sucrier.
Le spectre des derniers jours de Cancún, au Mexique, durant lesquels les négociations s’étaient emballées, puis avaient tournées au chaos, est dans tous les esprits. Certains observateurs estiment que si un tel scénario venait à se reproduire à Genève, il pourrait signifier la fin de l’OMC.


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