Paris et Maurice modifient leur stratégie touristique

La Réunion peut-elle le faire ?

29 septembre 2004

L’heure est un peu partout dans le monde au changement radical dans les politiques de tourisme. Exemples : le secrétaire d’État, Léon Bertrand a décidé de lancer un nouveau plan d’action tandis que Maurice veut changer son image et cherche de nouveaux pays fournisseurs de touristes. Pourquoi La Réunion n’accueillerait-elle pas des visiteurs venant de l’Inde et de la Chine, les deux marchés les plus prometteurs dans les années à venir ? Le débat mérite d’être ouvert.

Le tourisme connaît en France quelques difficultés aussi, le secrétaire d’État au tourisme, le guyanais Léon Bertrand, a annoncé la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de développement de l’activité dont il a la charge.
Dans un entretien accordé au Figaro, il a expliqué le pourquoi de ce changement radical de politique, de cette "rupture avec le passé". "Jusqu’à présent, la France vivait sur ses lauriers de grande destination touristique qui ne se posait pas de question sur les desiderata des touristes", dit Léon Bertrand. le ministre estime que Paris n’a pas vu venir toute une séries de changements structurels : "la montée en puissance des réservations de dernière minute, la multiplication des destinations avec l’émergence de nouveaux pays, le fractionnement des vacances, les progrès en matière de transport avec la prolifération de compagnies à bas coûts. Dans le même temps, le monde est, depuis le 11 septembre 2001, devenu plus instable, plus dangereux", affirme Léon Bertrand.

Un nouveau plan d’action sera relancé avec une redéfinition des missions de Maison de France, outil principal de promotion du tourisme. Le secrétaire d’État veut changer l’image de la France et montrer sa forte "richesse régionale (...) avec notamment le Pays basque, l’Outre-mer ou encore la Normandie. Nous devons sortir d’une image traditionnelle et nous transformer afin de devenir une nouvelle destination chargée d’émotions". Objectif : augmenter à l’horizon 2010 de 8 milliards d’euros les recettes du tourisme.

Maurice se repositionne

À côté de nous, Maurice qui vient de connaître une stagnation de sa fréquentation touristique travaille à une refonte de sa politique : "Il faut proposer autre chose que nos produits d’appels “sea, sun and sand” aux touristes" vient de déclarer Joël Toussaint, le directeur de la communication d’Air Mauritius à l’Express. L’idée de base est de promouvoir le mode de vie mauricien, tout ce qu’il y a au-delà des plages et des hôtels.
Lors d’une conférence de presse donnée ce week-end, Paul Bérenger, accompagné de plusieurs ministres, a fait le point sur la politique gouvernementale. Il a confirmé que la réforme de la politique touristique est en marche.

Outre un changement d’image, Maurice travaille à la multiplication de points d’approvisionnement en touristes...
Air Mauritius vient de signer des accords avec la compagnie de charter allemande LTU et l’autrichienne Lauda Airways. Les autorités de Port-Louis ont accordé à des transporteurs de l’Inde et de l’Australie la possibilité de débarquer et embarquer des passagers à Maurice lors des transits. "Nous comptons accorder ces facilités à d’autres pays. C’est un pas pour faire de Maurice un centre régional du tourisme et du voyage" a déclaré Paul Bérenger.
Dernier “gros coup” réalisé par Maurice : l’accord que Air Mauritius vient de signer avec la compagnie indienne Air Sahara.
En Inde, la compagnie mauricienne ne dessert que trois destinations : Bombay, Chennai et Delhi. L’accord passé avec Air Sahara va permettre à Air Mauritius de se greffer sur un réseau disposant de 22 destinations en Inde.

L’objectif des mauriciens est clair : pénétrer un des marchés touristiques les plus prometteurs. Air Sahara va donc transporter vers les trois aéroports cités plus hauts des clients pour Air Mauritius. Tout est organisé pour éviter aux touristes indiens de perdre du temps en temps de correspondance ou pour obtenir un visa : celui-ci sera est désormais délivré à l’arrivée, à Plaisance.

Les touristes chinois très courtisés

Sous l’impulsion de sa direction administrative, le Comité du Tourisme de La Réunion (CTR) a constamment privilégié une ressource européenne en touristes pour La Réunion. La nouvelle stratégie développée par Léon Bertrand comme la nouvelle donne mauricienne nous interpelle quant à un élargissement de notre marché.
Depuis le 3 septembre, les touristes chinois ont été autorisés à visiter 27 pays d’Europe. Cet afflux est l’enjeu d’une terrible bataille entre pays européens.
La Chine figure parmi les dix plus grandes nations en terme de nombre de touristes voyageant à l’étranger, selon l’Organisation mondiale du Tourisme. 15,99 millions de Chinois ont voyagé à l’étranger au cours des sept premiers mois de l’année, nombre en hausse de 63,7% par rapport à l’année dernière, selon les statistiques établies par l’Administration du Tourisme de Chine.

Selon une estimation du même organisme, 100 millions de Chinois voyageront à l’étranger d’ici 2020 et la Chine deviendra ainsi le 4ème pays mondial d’origine de touristes derrière l’Allemagne, le Japon et les États-Unis. Selon plusieurs études, la croissance exponentielle du tourisme chinois aura des effets majeurs pour tous les pays d’accueil. Actuellement, les agences de voyages chinoises ont concentré leurs efforts sur la France, l’Italie et la Suisse.
Pourquoi La Réunion ne se placerait-elle pas comme pays pouvant recevoir des touristes chinois et indiens ?

J.M.


Tourisme chinois : enjeux et défis

Le développement du tourisme chinois aura des effets majeurs sur l’hôtellerie, l’aviation, le commerce de détail et le tourisme dans le monde entier.
Des exemples montrent que les touristes chinois dépensent beaucoup et parfois plus que les autres touristes. En Grande-Bretagne, ils ont dépensé 127 millions de livres sterling en 2003. Pour la même année, on a calculé qu’un touriste chinois dépensait 6.018 dollars HK contre 5.477 dollars pour un touriste américain à Hong Kong.

Grâce aux touristes chinois, des compagnies aériennes et agences de voyages étrangères, ainsi que des hôtels ont changé leur mode d’exploitation. Les lignes aériennes vers la Chine de la compagnie allemande Lufthansa sont passées de 26 à 41 en 2004. En juin, le Nevada, où se trouve la capitale du jeu, Las Vegas, est devenu le premier État des États-Unis à ouvrir un bureau de représentation pour le tourisme en Chine. L’hôtel londonien Sheraton Park Tower (cinq étoiles) a décidé de diffuser dans toutes ses chambres les émissions de la télévision chinoise !

Selon des observateurs, d’autres facteurs conditionneront l’essor du tourisme chinois à l’étranger. D’une part, bien que les vols entre la Chine continentale et le reste du monde se multiplient, les sièges sont toujours insuffisants en période de pointe touristique. D’autre part, les formalités de visa pour les voyageurs en groupe restent très longues.
Les agences de voyages se préoccupent surtout, à l’heure actuelle, de la façon de traiter les différences culturelles entre Chinois et Européens. Des visiteurs chinois se plaignent de l’étroitesse de chambres d’hôtel et d’escaliers et de l’absence de grande salle d’entrée dans les hôtels en Europe. Ils regrettent aussi les longs temps d’attente dans les restaurants : en Chine, les plats commandés sont servis en 10 minutes alors qu’il faut compter plus de temps pour recevoir des plats français.


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