Les Croisières

Le Port, ou l’étape réunionnaise d’une “course en solidaires”

17 février 2007

Depuis environ un an et demi, la ville du Port s’est dotée d’un “Comité technique Croisière” pour l’accueil des croisiéristes. Il est animé par Sylvie Li Shim Tan, responsable du service économique de la ville (dont dépend le Tourisme), Jean-Pierre Balthazard, animateur de la revitalisation économique du centre-ville et Bruno Payet, un tout jeune Portois chargé de l’accueil des croisières et des visites des installations portuaires et de la ville.

Le Comité technique Croisière, au Port, travaille en association avec les offices de tourisme de l’ouest de l’île ou ce qui en tient lieu, de Saint-Leu à la Possession.
C’est l’office du tourisme de La Possession qui gère le planning des saisons de croisière, de mars à février. L’accueil dépend beaucoup de la durée de l’escale. Jean-Pierre Balthazard est chargé du centre-ville. « J’informe le Président de l’association des commerçants et je passe au centre-ville pour informer les partenaires. Cela dépend beaucoup des horaires d’arrivée ; ce ne sont pas toujours les mêmes types de commerces qui vont être recherchés » explique l’animateur, dont le principal souci vient du « manque d’activité à caractère touristique ».
Il a initié avec la CCIR une étude sur “les commerces de souvenirs”. « L’idée est de préparer les artisans du Port et de l’Ouest en général à mettre en place des objets “faits main” et faits sur place ». Les projets, à moyen terme, visent une synergie entre l’école des Beaux-Arts et les artisans, par la création d’un “atelier design” par exemple, pour l’essor d’un artisanat d’art.
Actuellement, lorsqu’un grand bateau arrive, le réseau existant permet d’informer les artisans et de réunir, à la gare maritime, un petit bazar artisanal. A terme, l’idée des acteurs du comité porte sur la création, au centre-ville, d’un vrai village artisanal, dont l’emplacement reste à déterminer.

Bruno Payet travaille à un projet de visite spécifique pour croisiéristes. En attendant, il fait par mois trois à quatre visites guidées de la ville du Port, avec des scolaires. Les circuits sont faits pratiquement “sur mesure”, à la demande. « On demande surtout à voir le silo à sucre, le port historique et aussi le port de demain », dit-il. Il accueille des classes de partout dans l’île, et notamment - à la demande de l’inspection de l’Education nationale - des enseignants fraîchement débarqués dans l’île. « Ils ont été affectés dans la ville du Port et veulent connaître les quartiers d’origine de leurs élèves », explique Bruno Payet qui, dans ce cas, fait une visite “historique” des quartiers du Port. Tout un programme... auquel participent des élus de la ville et quelquefois le Maire en personne.
« Deux ou trois circuits déjà établis permettent de visiter “la ville historique”, “les enceintes portuaires, Est et Ouest” et un “circuit environnement” comprenant les espaces verts et les installations de tri et de traitement et recyclage des déchets », poursuit le jeune guide.
Depuis quelques mois, le comité travaille à la mise en place d’un circuit “tourisme d’entreprise”, avec notamment la chocolaterie Mascarin et des entreprises qui, comme la Centrale EDF, ont leurs propres “journées portes ouvertes”.
« Plusieurs entreprises sont intéressées et peuvent prendre place dans ce circuit », expose Sylvie Li Shim Tan, en énumérant la Galvanisation, le Silo à sucre, Solival (recyclage de pneus) ou encore la filière tri-compostage. Mais c’est un circuit très délicat à structurer. « On a un potentiel. La première Zone industrielle de La Réunion est née au Port. Et beaucoup d’entreprises industrielles sont prêtes à ouvrir leurs portes - CMOI, BMOI, des imprimeries qui ont investi dans un matériel industriel de haute qualité. Nous avons la base pour un tourisme de découverte technologique », poursuit la responsable du service économique, qui travaille avec la CCIR à aplanir les difficultés surgies essentiellement des contraintes industrielles.
Dans le même ordre d’idée, l’Insectarium (en préfiguration) serait la pièce maîtresse d’un “tourisme scientifique” qui attend d’être validé. Le projet d’Insectarium est en maîtrise d’ouvrage régional et son sort dépend pour beaucoup des prochains Programmes opérationnels européens (anciennement DOCUP).

Quant au tourisme maritime, il est lui aussi en plein essor et très étroitement lié au développement de la plaisance, avec le creusement d’une nouvelle darse dans le vieux port. Un jour viendra où Maud Fontenoy fera figure de précurseur, si la ville parvient à créer une course maritime internationale à partir du port de La Réunion. Paul Vergès, lorsqu’il était maire de la ville (1971-1989) en avait émis l’idée. L’équipe actuelle travaille à la mise en œuvre d’une course qui pourrait s’appeler “la Route de la Vanille” - comme il existe déjà celle du Rhum - à l’horizon 2011-2012. Pour l’inauguration du vieux port rénové ? « C’est ce qui va tout tirer en avant », résume Alain Moreau. Et derrière cet édifice, qui comprend encore la réalisation d’un Centre de recherche en matière halieutique et la mise en valeur des “grand’maisons” avec deux pôles publics (musée, restauration), il faut opérer l’adaptation du commerce à la demande. L’objectif poursuivi est de faire du port de La Réunion une étape, parmi d’autres dans l’Océan Indien, dans le développement d’une plaisance appuyée sur le cabotage.
C’est une des idées que le Maire du Port (voir Entretien) a développées lors de la récente Conférence internationale de l’AIVP (Association internationale des Villes et Ports) à Sydney : il y a, dans la mondialisation, des aspects qui ne sont pas compétitifs mais complémentaires - la pêche, le tourisme maritime - et que les pays de l’Océan Indien peuvent développer ensemble, et chacun pour son propre compte. « Nous pourrions être le plus beau port du monde, si nous sommes tout seuls dans la zone, nous n’aurons personne », résume le directeur du pôle Aménagement.
Ce que nous devons réussir, c’est une course en solidaires...

P. David


La vocation touristique d’une ville de Congrès

« C’est une chose dont je me suis rendu compte au fil des rencontres internationales des villes portuaires : toutes les villes portuaires sont des villes de Congrès », explique Alain Moreau, directeur du pôle “Développement du Territoire” de la Ville du Port.
Et là où se déroulent des Congrès, il faut des infrastructures d’accueil. L’actuelle programmation du TCO comprend la réalisation, dans les cinq ans, d’un Palais des Congrès qui sera situé au Port. Il devra être complémentaire des structures existantes. « Pour le moment, selon la taille, les rencontres de ce type se font à la Halle des manifestations - où l’on a organisé le Congrès de l’AIVP, en novembre 2003 pour 350 personnes et 50 pays, dont ceux de la COI - ou au CNAM, à l’Ecole des Beaux-Arts », poursuit Alain Moreau. Mais force est d’admettre qu’aucune de ces salles n’a été conçue pour accueillir des congrès.
Donc, le TCO est en phase d’étude : recherche d’emplacement, capacités d’accueil, etc. La commande porte sur une grande salle amphithéâtre, deux salles plus petites et les infrastructures d’accueil afférentes.
« Les structures hôtelières devraient suivre. Nous travaillons sur trois projets d’hôtels potentiels, un vers la Halle, un sur la “Ville et Port” au front de mer et nous recherchons l’emplacement d’un autre hôtel, dans le centre-ville », complète le directeur du pôle aménagement.
Ces projets incluent l’aménagement du littoral nord, déjà commencé : les Portois se sont appropriés la piste cyclable, les aires de pique-nique. Il reste à stabiliser le littoral, très attaqué par la houle. Il y a dans l’air un projet de digue et des parapets protégeant la plage de la houle cyclonique. « Un projet comme celui-là coûte 6 à 10 millions d’euros... Et il y a des priorités dans une ville. On en est aux études de maîtrise d’œuvre », conclut Alain Moreau, en soulignant la complexité de réalisations qui vont devoir se faire “en tiroir”, c’est-à-dire étroitement articulées les unes aux autres, pour limiter les coûts.

P. D.


Jean-Yves Langenier, Maire du Port

Vers la renaissance de la ville, ouverte sur la mer

Fin 2006, le Maire du Port a participé à une Conférence internationale de l’AIVP, à Sydney, qui a validé la Convention signée un an plus tôt entre les ports de Durban, Toamasina, Port-Louis et Le Port-Réunion, pour la création d’un Observatoire des villes portuaires de l’Océan Indien, conçu comme un outil de connaissance et de concertation pour la mise en œuvre de stratégies de développement touristique. « Avec l’Observatoire, nous allons mettre en avant nos complémentarités », assure le Maire du Port, qui a retrouvé à Sydney ses homologues de l’Océan Indien.

La Ville du Port a un grand projet, qui est celui de sa “réunification”, sur la base du constat de ce que vous appelez “un développement séparé”. Qu’est-ce que cela veut dire ?
- Sur le plan du tourisme maritime, le Port est la porte d’entrée de La Réunion et c’est un outil essentiel qui peut jouer un rôle tout à fait particulier. Le port de commerce et la ville ont eu en effet des développements séparés et il n’y a pas eu de synergie entre eux. Je ne connais pas de port au monde qui fonctionne sur le mode du nôtre, avec cette coupure entre d’une part un outil purement industriel, dédié à l’activité économique et la ville d’autre part, qui a été privée, en quelque sorte, du dynamisme portuaire. L’enjeu est là : rétablir cette synergie et s’ouvrir sur l’Océan Indien.

Comment l’Observatoire des villes de l’Océan Indien va-t-il vous y aider ?
- Nous nous sommes revus à Sydney, avec les autres maires et nous pensons mettre l’Observatoire sur pied dans le courant 2007. Les villes portuaires, grandes ou petites, ont toutes des problèmes d’aménagement, liés à l’organisation des transports (maritimes, routiers, ferroviaires). Aussi, profiter des expériences des uns et des autres ne peut être que bénéfique, tant pour le développement économique que social.

Quelles sont, selon vous, ces complémentarités que vous avez relevées entre ports de l’Océan Indien ?
- Cela part de la grande diversité qui caractérise nos pays. C’est l’atout qu’il nous faut utiliser pour aller vers la complémentarité dans les offres de produits touristiques. La Réunion a de magnifiques paysages de montagnes. Nous pouvons y développer un certain type de tourisme, qui peut représenter un élément d’un ensemble, apportant quelque chose de particulier. Et plus spécifiquement au Port, la darse de plaisance est un élément fort pour le développement de la croisière et des activités liées à la mer. Nous avons ici la base nautique, qui est un atout très important pour le tourisme. L’image du Port a évolué et évoluera encore. Avec ces projets, je pense que nous allons vers une “renaissance” de la ville, ouverte sur la mer.

Propos recueillis par P. David


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Messages

  • Je suis une zoreille, mais ma terre est créole et ma ville Le Port. J’y ai vécu plus de 10 ans et je suis prête à y revenir. J’ai connu la construction du nouveau port avec se drague géante, les bateaux "formosans" qui n’arrêtaient jamais leur moteur, les silos qui sentaient bons le sucre de canne, le "Forban", un repaire de filles à marins et de marins soûls, le Rugby Club Portois dans ses heures de gloire contre les Lyons, la zup, ses boutiks, ses gens mélangés et ses bidonvilles, la petite maternité sans clim sous le ciel étoilé de décembre... et un maire communiste qui donnait à chaque enfant un casse-croûte, lorsqu’il s’en retournait à sa case le samedi midi, à chaque mère de famille un cadeau (tiré au sort) pour la fête des mères et une bûche de Noël dans chaque foyer... Mon enfant métis a passé sa petite enfance au Port. Nous gardons un oeil bienveillant sur notre cité qui avance aprés avoir été la "zone" réunionnaise et nous sommes fiers d’elle, de sa "créolité" et des gens qui la gérent. Restez solidaires pour cette ville ouverte vers l’infini !

    • Je suis content de voir qu’il y a des passionné(e)s de "leur cité" d’adoption. Nous avons des points communs ! Zoreille (de Toulouse) mais depuis des années, Portois - Je suis toujours au RC Portois (première licence au RC Portois en 1978 avec un titre de champion ). Nous avons surement du nous rencontrer sur le stade de Lambrakis. Oui ! Que de souvenirs (Forban - Zup ... je suis également un ancien marin...). En espérant que le club retrouve des années de gloire, dans une ville trés sportive.
      Mon fils, formé au club, joue actuellement au Castres Olympique. Je suis fier de lui !!!
      Comme quoi les rugbymens Réunionnais et Portois ont de l’avenir dans ce sport qui demande beaucoup mais qui rend énormément ... (une vrai école de vie). Il faut savoir être fier de ses origines.
      Michel Petit


Témoignages - 80e année


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