Les Ententes interdépartementales pour la démoustication

Piliers du développement de l’industrie touristique

4 octobre 2006

Depuis le mois dernier, la Camargue est sur le pied de guerre. Pilotée par l’Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen, l’opération concerne 400 kilomètres carrés de zones humides du Sud de la France. Coup de projecteur sur ce type de service public initié en France par les collectivités locales, soutenues par l’État.

Contrôler la population des moustiques pour que ce vecteur de maladies ne soit plus un frein au développement, tel est une des raisons d’être des 3 Ententes interdépartementales pour la démoustication qui officient en France. Véritable service public de la démoustication, elles ont contribué en particulier à l’installation sur les 2 façades océaniques françaises d’une industrie touristique créatrice de centaines de milliers d’emplois.
Depuis le 8 septembre dernier, la Camargue est le lieu d’une vaste campagne de démoustication à base de Bti. “Démoustication Camargue” est le fruit d’une prise de conscience suite à une prolifération de l’insecte détectée voici 12 mois, accélérée par les enseignements tirés suite à la crise du chikungunya à La Réunion.
Ce plan de lutte est coordonné par l’Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID).
"Cette institution financée exclusivement par les collectivités publiques", explique un article de “Libération” du 1er juillet dernier, "est la seule habilitée à démoustiquer sur le littoral méditerranéen". Et de préciser que "depuis presque un demi-siècle, cet opérateur traque le moindre moustique et élimine ceux qui piquent l’Homme, depuis Cerbère, situé à la frontière espagnole, jusqu’à Marseille".

"Développer le tourisme et l’économie"

Définie lors de sa création en 1958, les actions de l’EID Méditerranée visent à limiter la population de moustiques à un niveau acceptable pour "développer le tourisme et l’économie".
Dans les anciennes zones impaludées du Sud de la France, il ne fait guère de doute que la lutte anti-moustique a permis une “sécurisation sanitaire”, condition du développement. Car en 1958, tout restait à construire dans cette vaste zone marécageuse bordant le littoral de la Méditerranée, courant de la frontière espagnole à Marseille.
Depuis cette date, des pôles industriels sont sortis de terre. Fos-sur-Mer draine une importante main-d’œuvre dans l’industrie traditionnelle. Quant à la côte languedocienne, la démoustication a favorisé la création d’une industrie touristique qui génère des emplois par milliers, et fait du Languedoc un des lieux de villégiature estival les plus courus par la société européenne.
En France, d’autres EID existent. Celui du Rhône-Alpes a par exemple la mission de traquer le moustique dans les Dombes, une zone de lacs artificiels séculaires, ancien foyer de paludisme. Quant à celui de l’Atlantique, il exerce ses missions sur la façade océanique de l’Ouest de la France.

Protéger l’environnement

La création de ces institutions dénote, de la part des pouvoirs publics en France, la prise en compte du rôle essentiel joué par la sécurité sanitaire dans la promotion d’une destination touristique. Façade atlantique, côte languedocienne, lac du Bourget sont autant de zones au riche potentiel qui sont surveillées et traitées par ces établissements publics. Cela donne un relief particulier à la situation réunionnaise où, au contraire, le service public de prophylaxie en charge de la prévention et de la lutte a peu à peu été abandonné alors que dans le même temps, l’industrie touristique était en plein essor. Aujourd’hui, avec le chikungunya, ce sont des milliers de Réunionnais qui paient les conséquences de manque de discernement.
Par ailleurs, un soin tout particulier est accordé à la protection de l’environnement. L’EID Atlantique affirme utiliser un larvicide biologique, celui du Rhône-Alpes emploie le Bti depuis 18 ans. Et en Camargue, l’EID Méditerranée lance des épandages aériens à base de Bti.
Et au-delà de la lutte contre les moustiques, ces initiatives émanant de collectivités locales, soutenues par l’État, ont des missions qui font d’elles de véritables partenaires dans l’aménagement du territoire. Les EID sont de véritables acteurs du développement de leurs régions. Gageons que le futur service public de prophylaxie pourra jouer ce même rôle à La Réunion, et qu’il aura les moyens de s’affirmer comme un des piliers du développement de notre pays.

M.M.


Les “irréductibles” du Téméphos

Pour l’EID du littoral méditerranéen, certaines résistances se font entendre de la part des partisans du Téméphos, insecticide chimique largement épandu à La Réunion avec pour résultat des conséquences néfastes.
Mais en Camargue, c’est bel et bien le Bti qui est utilisé, dans le souci de protéger la biodiversité de cette région. Parmi les arguments qui ont pesé dans la balance, l’expérience réunionnaise. En conférence de presse, le Président de l’EID, la Vice-présidente du Conseil général de Martinique et André Yébakima, Directeur du service de démoustication martiniquais, ont dit au sujet de La Réunion que "si le Téméphos n’y est plus retenu, tout spécialiste sait que ce n’est pas en raison des caractéristiques du produit mais à cause de la manière dont il a été appliqué, en urgence, dans le cadre de l’épidémie de chikungunya". Or, cet argumentaire entre en contradiction avec le souhait de la population, traduit dans la conclusion d’une étude sociologique menée par le CNRS citée par “Libération” : "72% des personnes interrogées sont pour la démoustication, à condition toutefois que cela ne détruise pas la nature".


L’EID Rhône-Alpes : acteur de l’aménagement du territoire

"Établissement public de lutte contre les moustiques et de gestion des zones humides", l’EID Rhône Alpes a comme première vocation la lutte contre la prolifération des moustiques : "Elle est, dans un premier temps, chargée de faire une expertise pour identifier les lieux de développement et met ensuite en place les méthodes nécessaires à la régulation des populations nuisantes", précise-t-elle sur son site. Mais ses missions visent également à la prévention, à travers des opérations facilitant les interventions futures dans les zones inondables de ces régions par "la création d’accès permanents par déboisement, débroussaillement et fauche pour faciliter les traitements". Par conséquent, l’EID Rhône-Alpes est davantage qu’un groupe d’intervention anti-moustique, elle se définit également comme "un organisme gestionnaire d’espaces naturels sensibles dont la compétence est reconnue par les collectivités locales et les conservatoires de milieux naturels".
Agissant sur le territoire de 203 communes réparties sur 4 départements, l’EID est une initiative des Conseils généraux de l’Ain et de la Savoie datant de la fin des années 60. C’est une réponse des collectivités locales au fléau "que constituaient les moustiques dans les régions riveraines du Rhône et du lac du Bourget, pour les populations locales comme pour les touristes".
Une prolifération facilitée par "l’abandon du milieu rural par les populations" et "l’avènement de la société des loisirs : hôtellerie, camping, promenade, pêche, chasse, construction de résidences secondaires". Permettant notamment de fédérer les forces vives locales, ce service public emploie des méthodes validées par un conseil scientifique et technique placé sous l’autorité du Préfet de Région.


Pour le développement du tourisme sur le littoral Atlantique

L’EID de l’Atlantique se dit "Service public de démoustication spécialisé dans la lutte contre les moustiques des zones humides et urbaines" sur un littoral compris entre la Bretagne et la Gironde. Son histoire débute à la fin des années 60, dans le département de la Charente-maritime. Sur son site, l’EID Atlantique explique qu’à cette époque : "Le développement touristique du département passant par un accueil optimal des touristes, il s’est rapidement avéré urgent de rechercher des solutions adaptées à la nuisance que représentait alors l’invasion de moustiques, notamment en période estivale".
Les départements de la Vendée, de la Loire-Atlantique, de la Gironde et du Morbihan ont tour à tour rejoint l’Entente.


40 hectares à l’heure traités au Bti

Les actions de l’EID Atlantique se déclinent dans la surveillance permanente des éclosions larvaires et à travers une lutte intégrée en 4 étapes décrite ci-après.
"Les traitements anti-larvaires ponctuels effectués après chaque éclosion à l’aide d’appareils à dos rempli d’un larvicide d’origine biologique ; les travaux de lutte physique qui permettent par l’entretien ou la rénovation des marais de supprimer les gîtes larvaires ; la gestion de l’eau au quotidien dans ces marais dans l’objectif de réduire le rythme des éclosions larvaires et éviter l’évolution des milieux en biotopes à moustiques ; l’information importante dans le cadre de la lutte urbaine, spécialement sur Culex pipiens".
La lutte anti-larvaire pratiquée par l’EID de l’Atlantique traite des gîtes allant de quelques centimètres carrés à plusieurs hectares. Très ciblée, "elle permet d’adapter le traitement au milieu et donc de respecter l’environnement", précise l’EID.
Concilier démoustication et protection de l’environnement, telle est également la motivation de l’EID Rhône-Alpes comme en témoigne ses
techniques de lutte :
"Il faut d’abord choisir le larvicide le plus sélectif et le moins rémanent. Il était chimique jusqu’en 1988, puis le Bacillus thuringiensis israëlensis H14 l’a remplacé. À ce jour, son utilisation est exclusive. Sa sélectivité vis-à-vis de la faune annexe, et principalement l’entomofaune, est incomparable" (...).
"Pour les grandes surfaces (jusqu’à plusieurs centaines d’hectares), nous utilisons actuellement l’hélicoptère qui épand des granulés qui sont un mélange de Bacillus thuringiensis collé sur du sable avec de l’huile. Ces granulés nous permettent d’atteindre l’eau ou se développent les larves, même sous un feuillage dense.
Nous traitons en moyenne environ 40 hectares à l’heure avec l’hélicoptère".


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