À propos de la vie chère
5 novembre, par
Voici des remarques pour un débat.
1- C’est une logique économique. La vie est chère parce qu’il y a des gens capables d’acheter la vie chère. Si un commerçant constate qu’un marché solvable existe, il ne va pas baisser les prix. Nous évoluons dans une économie libérale où le principe est la liberté du commerce ; le commerçant est libre de fixer les prix. Il ne doit pas vendre à perte. Il existe des cas où les prix sont contrôlés. Un journal ou un livre, le prix est inscrit sur le produit. Le carburant est encadré mais la transparence n’existe pas.
2- C’est une logique politique. En 2016, dans le livre de Bojan « L’immortel », Paul Vergès tente une mise en perspective historique. « …si Marx était encore en vie, je suis certain qu’il prendrait La Réunion en exemple pour expliquer les dysfonctionnements de notre société ! On met en place un système de surrémunération des fonctionnaires et on crée donc des marchés qui entraînent des monopoles dans tel ou tel secteur ; ensuite, c’est la grande mascarade des ministres qui viennent s’indigner contre les monopoles existant à La Réunion… il faut être cohérent. Si l’on ne corrige pas d’ici vingt ans cette source d’inégalités sociales profondes, on causera inévitablement l’effondrement de La Réunion. Rien que pour réparer les erreurs sans risquer l’implosion, on aura pour une génération, sachant que l’on aura d’ici-là cent cinquante mille habitants de plus. On ne peut concevoir de régler les problèmes les uns après les autres : il faut agir sur des leviers simultanés dans une logique de perspectives. »
3- C’est une logique coloniale. En 2000, le Député Elie Hoarau fait adopter un amendement à la loi sur les orientations de l’outre mer (LOOM). Art. 43 « il est créé dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion un observatoire des prix et des revenus. Un décret pris en Conseil d’État fixera la composition, les missions ainsi que les modalités de fonctionnement de cet observatoire ». L’objectif est de faire la transparence sur la formation des prix et préparer l’harmonisation des revenus. Les gouvernements successifs n’ont pas pris le décret d’application. Durant 10 ans ! Pourquoi ? A la place, le pouvoir a inventé une caricature d’Observatoire qui est restée muette lorsque le prix d’électricité augmentait de 44% !
A la base, il y a l’idéologie
En effet, à la sortie de la guerre, l’économie réunionnaise fragile a été intégrée à l’économie française qui elle-même sera intégrée à celle de l’Union Européenne… qui contrôle le budget français. Rien ne doit entraver l’expansion monopoliste : les plus gros éliminent les plus petits. Dans cette logique, l’octroi de mer est considéré comme une entrave, l’Union européenne demande sa disparition. Le statut des RUP ne nous protège plus. La canne à sucre a appris à ses dépens. Bizarrement, personne ne demande de supprimer la TVA. Pourtant, elle n’existe pas en Guyane. Il y a un prélèvement de TVA sur votre facture d’eau et d’électricité, mais pas d’octroi de mer. La TVA part totalement à Bercy. L’octroi de mer reste totalement à La Réunion. La masse de TVA est supérieure à celle de l’Octroi de mer.
L’amendement d’Elie Hoarau avait pour but de faire la lumière sur cette idéologie ultra-libérale du capitalisme français, européen. L’Observatoire devait être composé de citoyens domiens, organisés ou non. En clair, l’État et ses fonctionnaires se mettaient au service de l’Observatoire. Lorsqu’au bout d’une décennie, un décret fut pris, c’est un haut fonctionnaire qui a été placé à la tête de l’institution. Les citoyens sont devenus des supplétifs, sans pouvoir. C’est ce machin qui amuse la galerie en abaissant des centimes sur quelques produits.
Or, il suffit de partir des inégalités de revenus et du niveau de la pauvreté pour penser à la création de richesse par l’économie de développement et l’économie du bien commun.
En guise de conclusion
Plus que jamais le débat est idéologique et politique. Discutons-en, mais c’est un mensonge d’entretenir l’illusion que les prix vont baisser, dans le régime politique actuel. S’il n’y avait pas les milliards en circulation, les enseignes de la grande distribution française n’auraient pas fait 10 000 kilomètres pour nos beaux yeux. A La Réunion, le chiffre d’affaires annuel dépasse 30 milliards d’euros. (Vous prenez 1000 personnes et vous remettez à chacune 1 million, c’est cela Un milliard). Nous n’avons même pas UN million d’habitants. Le problème est bien structurel .
Ary Yee-Chong-Tchi-Kan