Projet de loi de modernisation de l’économie

Adapter ce projet aux spécificités locales

31 mai 2008, par Sophie Périabe

Le projet de loi de modernisation de l’économie présenté au Conseil des ministres le 28 avril dernier, après avis du Conseil d’État, devrait être soumis au Parlement à partir du 15 juin prochain. La ministre de l’Economie affirme attendre 50.000 emplois par an les 5 premières années et devrait rapporter à terme 0,3% point de croissance supplémentaire.
Inquiète, la CCIR a adressé aux sénateurs un ensemble de propositions complémentaires et d’amendements, permettant d’adapter ce projet aux spécificités locales.

Préparé en étroite collaboration avec tous les acteurs concernés et avec les parlementaires, le projet de loi « s’attaque à des verrous et à des blocages qui ne sont plus supportables dans notre société », a expliqué la ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, Christine Lagarde, le 25 avril au journal “Le Parisien”. L’ensemble des mesures du texte, qu’elles concernent la grande distribution ou l’entreprenariat individuel, devraient permettre la création de 50.000 emplois par an pendant les 5 premières années.
Organisée selon 4 grands volets présentés par Christine Lagarde le 26 mars 2008, la loi sur la modernisation de l’économie doit bénéficier à tous les acteurs de l’économie :

- aux entrepreneurs ;

- aux consommateurs, qui devraient voir les prix baisser sous l’action de la concurrence ;

- aux épargnants, qui pourront trouver leur Livret A dans toutes les banques ;

- aux investisseurs étrangers, qui bénéficieront de conditions attractives pour venir en France.

Le contexte particulier réunionnais

La Réunion connaît depuis de nombreuses années une croissance économique remarquable matérialisée par une dynamique en matière de création d’entreprises et un taux de chômage qui décroît de manière significative.
« Certes, nos efforts doivent être poursuivis, mais les tendances montrent que les politiques et actions publiques ont réellement participé à l’amélioration des conditions économiques et sociales de notre île », précise dans un communiqué la CCIR.
Le projet de Loi de Modernisation de l’Economie a pour ambition de favoriser le retour à la croissance et à l’emploi pour notre pays. Les éléments proposés modifieront donc significativement l’environnement économique de notre pays.
Comme reconnu par l’article 299-2 du Traité d’Amsterdam, La Réunion est une Région Ultra-Périphérique caractérisée par son éloignement, son exiguïté et son insularité. Plus qu’en Métropole, ces spécificités imposent d’être attentif aux facteurs susceptibles d’impacter le tissu économique constitué à 98% de TPE et de modifier les conditions d’une saine concurrence.
Etant donné l’enjeu majeur que constitue ce projet législatif, la Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion a mené une réflexion et une analyse sur le texte qui a été adopté par le Conseil des Ministres. Il en résulte une série de recommandations et propositions d’amendement (voir encadrés) que la CCIR a communiqué aux sénateurs.

SP


L’actualisation du régime fiscal de la micro-entreprise en relevant le seuil du dispositif

Les seuils de chiffres d’affaire qui définissent l’éligibilité au régime fiscal “micro-entreprise” sont devenus trop bas en raison de l’inflation et de l’augmentation du coût de la vie. Ces plafonds peu importants provoquent, de fait, « des sorties brutales » du dispositif, ce qui entrave la phase de maturation d’une entreprise.
A ce titre, la CCIR propose qu’un article supplémentaire soit introduit, article qui viserait à majorer les seuils qui définissent l’éligibilité au régime fiscal de la micro-entreprise. Les nouveaux seuils s’étableraient :

- à 100.000 euros HT pour les activités de revente (au lieu de 76.300 euros HT) ;

- à 50.000 euros HT pour les activités de prestations de service (au lieu de 27.000 euros HT).

L’élargissement de la protection du patrimoine

Les cessations d’activités constituent de véritables catastrophes économiques, mais plus encore, des drames humains. Elles entraînent des pertes d’emplois et représentent souvent un constat d’échec dans un projet ayant mobilisé les efforts de toute une vie.
La Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique précise à l’article L.526-1 qu’« une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ».
Cette législation mérite qu’un amendement étende ces mêmes dispositions aux entrepreneurs résidants dans des logements sociaux ou très sociaux (les personnes concernées, ayant par essence de faibles revenus) sans obligation préalable de déclaration auprès d’un notaire.
Cette évolution législative permettra ainsi de ne plus ruiner le futur d’une partie de notre population qui, pour sortir d’une situation difficile (chômage, etc...), décide de créer une entreprise dans le domaine de l’économie sociale ou alternative.

Négociabilité des conditions générales de vente

Régies par l’article L. 441-6 du Code de commerce, les conditions générales de vente entre professionnels ne sont pas négociables. Cette règle a été fixée pour éviter les discriminations entre acheteurs.
Les articles 22 et 23 du projet de loi, par l’introduction de la liberté tarifaire entre les fournisseurs et les distributeurs, autorisent une plus grande concurrence entre les entreprises sur les prix de vente pour augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs.
La fragilité du tissu productif local ainsi que l’organisation progressive de certains professionnels au sein de filières commande la CCIR de rejeter cette évolution au risque de voir disparaître nombre d’entreprises de type PMI ou TPI.
La CCIR souhaite donc que les conditions générales de vente ne soient pas différenciées.

Urbanisme commercial : harmonisation du seuil avec celui de l’INSEE de 400 m2 et élargissement de l’article L720-4 du Code de commerce

L’article 27 du projet de loi permettra l’installation de nouvelles enseignes dont la surface ne dépassera pas 1.000 m2, sans aucun examen et aucune autorisation préalable. Aujourd’hui, le seuil de déclenchement du passage en CDEC (Commission Départementale d’Equipement Commercial) est de 300 m2.
Avec cette mesure, les commerces de proximité risquent d’être une nouvelle fois fragilisés. Si ce constat est vrai en Métropole, il est accentué à La Réunion. En effet, sur un territoire exigu de 2.512 km2, toute nouvelle enseigne de moins de 1.000 m2 se situera obligatoirement à proximité et en concurrence immédiate des petits commerces.
La CCIR considère donc impératif que soit harmonisée à 400 m2 la limite plafond à la liberté de création d’une entreprise commerciale. L’article L. 752-1 du Code de commerce doit être modifié en conséquence.

Maintien des Chambres consulaires dans les CDEC

Le projet de loi de modernisation de l’économie prévoit de modifier l’article L. 751-2 du Code de commerce. Désormais, les membres qui composeraient les CDEC seraient le maire de la commune d’implantation, le président de l’intercommunalité compétente, le maire de la commune la plus peuplée de l’arrondissement, un élu du Conseil général et du Conseil régional. A cela s’ajouteraient trois personnalités désignées par le préfet et qualifiées en matière de consommation, d’urbanisme, de développement durable et d’aménagement du territoire :
La CCIR considère que les Chambres consulaires doivent rester membres de droit des commissions, dans la mesure où elles apportent une réelle valeur ajoutée dans l’analyse d’un projet qui est par définition un projet économique.

Maintien des ODEC et des SDC

Les observatoires de l’équipement commercial (ODEC) apportent une vision de l’appareil commercial à des moments précis. Les Schémas de développement commercial (SDC) offrent quant à eux une vision prospective du développement du commerce.
Sur des territoires exigus comme ceux des Départements d’Outre-mer où le foncier est contraint, il est primordial d’avoir une réelle visibilité de l’activité commerciale à court et moyen terme. De fait, la CCIR souhaite que soient maintenus les ODEC et les SDC, en les intégrant aux SCOT et PLU, ce qui les rendrait juridiquement opposables.

Vente à perte

Alors que dans les conditions actuelles, les TPE du secteur du commerce sont pour nombre d’entres-elles en difficulté, il est bien évident que l’autorisation de vente à perte dans les GMS et GSS ne fera qu’accroître les risques de fermetures d’entreprises.
Sans précision supplémentaire, certaines grandes surfaces pourraient utiliser cette possibilité pour baisser les prix de certains biens de première nécessité, baisse qui serait compensée par les marges réalisées sur les autres produits.
Mais pour les commerces de proximité, le facteur d’attractivité supplémentaire en faveur des grandes surfaces contribuera à les fragiliser davantage.
En conséquence, la CCIR souhaite que l’article 6 du projet de loi de modernisation soit abrogé.

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