Profondes divergences entre Production locale réunie et le gouvernement, principal financeur public

Agroalimentaire : l’urgence de faire toute la transparence sur le « modèle de production vertueux »

23 juillet 2019, par Manuel Marchal

Quatre jours après un communiqué du gouvernement annonçant le maintien pour la durée de la Convention canne de l’aide de 28 millions d’euros à la filière, et demandant aux acteurs concernés de faire des propositions d’ici juillet 2020 pour « bâtir un modèle agricole », des professionnels de l’agroalimentaire regroupés dans Production locale réunie ont réagi de manière assez virulente. Ils jugent que cette demande de l’État est une attaque contre le modèle actuel, qu’ils jugent « vertueux ». Pour éviter une crise de confiance avec le principal financeur public de l’agroalimentaire réunionnais, il est urgent de faire toute la transparence sur le « modèle de production vertueux » que Production locale réunie est prête à « améliorer » sans en changer le fond.

Le 18 juillet dernier, après plusieurs semaines d’incertitudes, le gouvernement annonçait la reconduction pour la filière canne de l’aide annuelle de 28 millions d’euros dans les conditions prévues par la Convention canne signée par l’État. Rappelons que la Convention canne s’applique jusqu’en 2021.

Le gouvernement demande que d’ici juillet 2020, les professionnels concernés sont invités à « s’engager à bâtir (…) un modèle agricole qui permette de relever les défis climatiques et sociétaux auxquels il doit faire face tout en tenant compte de l’évolution des tendances de marché ». Et de souligner au sujet de la canne à sucre : « l’accompagnement durable par l’État de cette filière sera lié à la capacité qu’elle aura à s’adapter en construisant avec l’ensemble des acteurs des territoires concernés un projet global, soutenable dans le temps ».

Quatre jours plus tard, dans un communiqué publié hier, la Production locale réunie a donné sa position. Cette structure est composée des principaux acteurs de l’agroalimentaire à La Réunion dont les plus grandes coopératives et le Syndicat du sucre, qui aujourd’hui ne comprend plus qu’un seul producteur, Tereos.
La Production locale réunie avait voici plusieurs semaines tiré la sonnette d’alarme. L’incertitude autour du versement de l’aide de 28 millions d’euros à la filière canne était révélateur d’un changement de comportement du gouvernement, qui à la différence de ces prédécesseurs n’écoutait plus les représentants de l’agroalimentaire.

Réaction virulente

Cette stratégie souligne une chose : le lobby ne marche plus. Car jusqu’alors, les membres de Production locale réunie avait obtenu via notamment la FEDOM la satisfaction de leurs revendications.
Manifestement, le communiqué du gouvernement est mal perçu par Production locale réunie qui l’a fait savoir hier :

« Ce communiqué, qui constitue une forme de dénigrement du modèle de production vertueux bâti au prix d’années d’efforts acharnés par les acteurs réunionnais a profondément heurté l’ensemble des membres de la Production Locale Réunie »
« Le communiqué de l’État passe complètement sous silence les réalités de notre modèle de développement, dont il renvoie, sans arguments, une image présentée comme dépassée. (…) Les acteurs de la production locale souhaitent solennellement rappeler, par la présente, la pertinence du modèle de développement agricole de La Réunion, et les résultats remarquables qu’il permet d’obtenir en termes de sécurité alimentaire, de développement durable et d’aménagement du territoire, d’emploi, de maintien d’un tissu de structures familiales et de prix juste pour le consommateur ».

Conclusion :

« Les acteurs de la production locale sont bien entendu ouverts à échanger avec l’État sur les améliorations à apporter à ce modèle. Cependant, cette discussion devra s’établir sur des bases prenant en compte et reconnaissant le travail accompli au cours des trois dernières décennies par les différentes filières de notre territoire ainsi que les résultats obtenus afin de poursuivre la construction d’un modèle solide permettant d’affronter l’avenir »

.

À qui bénéficie « le modèle de production vertueux » ?

Il est clair que deux logiques s’affrontent. D’un côté, Production locale réunie estime que le modèle actuel doit être au fond préservé pour être amélioré. D’un autre côté, le gouvernement ne partage pas cette analyse et met l’agroalimentaire réunionnais au pied du mur : il attend des propositions pour construire un autre modèle agricole.
Une telle divergence d’analyse ne peut que déboucher sur une crise de confiance entre le gouvernement, qui décide du versement des aides après validation par l’Union européenne, et Production locale réunie.

Dans ces conditions, il est nécessaire que toute la transparence soit faite sur « le modèle de production vertueux » mis en avant par les membres de Production locale réunie. Au travers de cette exigence de transparence figure notamment la part de chacun des acteurs (producteurs de matière première, transformateurs et négociants) dans le partage des richesses issues de ces filières qui bénéficient d’un important accompagnement public.

Seule cette transparence permettra d’éviter la crise de confiance, et de construire sur de bonnes bases un modèle « solide » selon Production locale réunie, ou « soutenable » selon le gouvernement.

M.M.

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