Crise mondiale

Août 2010 - Octobre 2012 : deux années d’errements économiques

29 octobre 2012

On tente — tous gouvernements confondus — de nous faire croire qu’on va sauver le malade en lui administrant les médicaments frelatés qui l’ont conduit au bord de l’agonie.

Et plus l’état du malade s’aggrave, plus les Dr Diafoirus se pressent auprès du malade. Tous, ils préconisent une nouvelle saignée. Le malade défaille-t-il ? C’est parce que la saignée n’a pas été assez longue pour le vider de ses humeurs viciées psalmodient en chœur les médicastres ! Le malade est-il sur le point de trépasser ? Saignez-le, et cette fois-ci, pas de demi-mesure ! Le malade meurt-il ? Ses médecins expriment leur satisfaction : le malade est mort, certes, mais guéri !

Si vous trouvez que la comparaison vous rappelle la situation que nous subissons, vous avez raison. Vous voilà rassurés ? Pas vraiment car aucun de vous n’aspire à la mort par guérison ou l’inverse.

Lisez plutôt et vous verrez qu’en dépit des alertes, de l’enchaînement des catastrophes économiques et du caractère massif des drames humains qu’elles engendrent, nos docteurs la finance sans finesse exigent sans cesse de nouvelles saignées en Grèce et en Espagne notamment. Ils affichent une mine vraiment réjouie en voyant que les gouvernants de la France rechignent de moins en moins à infliger de sévères saignées à son économie.

Ces médecins, économistes de pacotille, nous entraînent vers l’abîme. Ils refusent même d’entendre les conseils d’un économiste, l’un des leurs, reconnu pas ses pairs économistes libéraux qui l’ont fait Nobel de l’économie en 2001.

Voici ce que cet économiste, dont on a compris qu’il n’a rien du dangereux révolutionnaire au couteau entre les dents, disait, en août 2010, des politiques d’austérité en nous prévenant de leurs effets néfastes.

Joseph Stiglitz dans les “Échos” en août 2010

« L’austérité est une menace pour la reprise économique »

Il n’y a pas si longtemps, nous pouvions dire : « Nous sommes tous devenus keynésiens. » Le secteur financier et l’idéologie de l’économie de marché avaient conduit le monde au bord du gouffre. En réalité, l’« innovation » financière a été conçue pour contourner les normes comptables et échapper aux impôts nécessaires pour financer les investissements publics en matière d’infrastructure et de technologie (comme Internet) qui sous-tendent la croissance réelle et non la croissance fantôme promue par le secteur financier.

Le secteur financier a prétendu avoir sa propre manière de faire face à une récession. Chaque fois qu’une économie entre en récession, les revenus chutent et les dépenses (par exemple les indemnités de chômage) augmentent, tandis que les déficits se creusent.

Les faucons de la lutte contre le déficit proclament que l’État doit donner la priorité à l’élimination du déficit, de préférence en diminuant les dépenses. La réduction du déficit doit restaurer la confiance, ce qui fait revenir les investissements et, en conséquence, la croissance. Mais si logique que soit ce raisonnement, l’histoire l’a infirmé à plusieurs reprises.

Quand le président Herbert Hoover a essayé cette recette, cela a contribué à transformer le krach de Wall Street de 1929 en Grande Dépression. Lorsque le FMI a fait la même chose en Asie en 1997, le ralentissement s’est transformé en récession, puis en dépression.

Le raisonnement qui sous-tend ces épisodes se fonde sur une analogie erronée. Un ménage dont la dette est supérieure à sa capacité de remboursement doit réduire ses dépenses. Mais lorsqu’un État fait de même, la production et les revenus diminuent, le chômage augmente et sa capacité de remboursement peut diminuer. Ce qui est vrai au niveau d’une famille, ne l’est pas au niveau d’un pays.

Les thèses keynésiennes ont fonctionné : sans les mesures de relance et les stabilisateurs automatiques, la récession aurait été plus grave et plus longue et le chômage plus important. Cela ne veut pas dire qu’il faut se désintéresser du niveau de la dette, mais c’est la dette à long terme qui compte.

C’est une recette keynésienne toute simple : mettre fin aux dépenses improductives comme les guerres en Afghanistan et en Irak et les plans de sauvetage inconditionnel des banques. Deuxièmement, encourager les dépenses et promouvoir l’équité et l’efficacité en favorisant les entreprises qui investissent en diminuant leur fiscalité. Ou alors augmenter les impôts sur les bénéfices issus de la spéculation (par exemple immobilière) et sur les sources d’énergie les plus polluantes, tout en diminuant les impôts des faibles revenus.

Les marchés financiers sont parvenus à instituer un système qui les conforte dans leur fonctionnement : avec un marché des capitaux entièrement libre, un petit pays peut être inondé sous un flux de capitaux pour devoir immédiatement après faire face à des taux d’intérêt élevés ou bien à une fermeture du robinet financier. Dans cette situation, les petits pays n’ont pas le choix, ils doivent se soumettre au diktat du marché.

Le lendemain de l’annonce par l’Espagne de son programme d’austérité, ses obligations chutaient. Le problème n’était pas dû à un manque de confiance dans les promesses du gouvernement, mais à la certitude qu’il allait s’y tenir et que ça allait réduire la croissance et augmenter le chômage. Autrement dit, après avoir entraîné le monde au bord de l’effondrement économique, le marché financier dit maintenant à des pays comme la Grèce et l’Espagne : malheur à vous si vous diminuez les dépenses, et malheur à vous si vous ne les diminuez pas !

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