L’inquiétante question de la pauvreté à l’ordre du jour de l’assemblée générale du syndicat

La CGPER pour une plus juste répartition des profits pour les agriculteurs

29 juillet, par Manuel Marchal

L’assemblée générale de la CGPER a souligné une agriculture réunionnaise en crise. Le modèle actuel ne permet pas à ceux qui nourrissent la population de vivre dignement de leur travail. Ceci a un impact sur l’objectif de souveraineté alimentaire. Comment y arriver si la profession est sinistrée ? La CGPER appelle d’urgence à une plus juste répartition des richesses tirés de la production locale, ainsi qu’un meilleur accès des agriculteurs aux fonds européens auxquels ils ont droit. Le syndicat est également candidat aux prochaines élections de la Chambre d’agriculture. Il compte refaire de l’institution le stratège de l’agriculture réunionnaise, avec de nouveaux services pour améliorer la situation des agriculteurs.

Lors de l’assemblée générale de la CGPER ce samedi 27 juillet à Saint-Pierre, la question de la pauvreté de nombreux agriculteurs a été largement évoquée. Jean-Michel Moutama, président de la CGPER, a largement insisté sur la situation sociale des agriculteurs. Ceux qui ont la responsabilité de nourrir de la population sont toujours plus nombreux à ne plus vivre dignement de leur travail. La situation est donc potentiellement explosive. Face à l’urgence, le syndicat interpelle les pouvoirs publics, et notamment l’État. Jean-Michel Moutama, président de la CGPER a rappelé que malgré la manne introduite dans notre agriculture par l’État et l’Europe, de graves problèmes persistent.
Une étude d’AGRESTE publiée par la DAAF la semaine dernière a révélé une situation préoccupante : plus de 42 % des ménages agricoles de La Réunion étaient sous le seuil de pauvreté en 2020. Moins de 40 % des revenus familiaux proviennent du travail agricole, le reste étant assuré par le salaire du conjoint.
Actuellement, les petites exploitations familiales de 5 hectares en polyculture élevage, issues de la réforme agraire de la SAFER, ne sont plus viables, générant en moyenne seulement 17 000 euros de revenus par an. Malgré les aides publiques, 42 % des agriculteurs restent sous le seuil de pauvreté, une situation exacerbée par la crise COVID et la guerre en Ukraine. La CGPER appelle à une action urgente des pouvoirs publics pour une répartition plus équitable des profits des filières agricoles.
Le syndicat propose de revoir le modèle agricole réunionnais et centrer ce modèle autour d’un revenu suffisant pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail.

La culture pivot de l’agriculture en crise

Compte tenu de la complexité pour monter les dossiers, il est nécessaire pour un agriculteur d’être membre d’une coopérative pour avoir droit aux fonds européens. Dans un secteur comme le maraîchage, près de 70 % des producteurs ne perçoivent pas ces fonds alors qu’ils travaillent selon les normes européennes.
La CGPER propose de mettre les moyens pour que ces agriculteurs puissent exercer leur droit à ces aides. Ce point fut évoqué lors de la présentation de la candidature du syndicat aux prochaines élections de la Chambre d’agriculture.
La filière canne-sucre-alcools-énergie est révélatrice de cette crise. La campagne sucrière 2024 à La Réunion a débuté le 11 juillet avec une récolte estimée à 1,4 million de tonnes de canne à sucre, un niveau historiquement bas comparé aux 1,7-1,8 millions de tonnes de la moyenne atttendue et bien loin des 2 millions de tonnes d’il y a 50 ans. Plus de 2000 planteurs cultivent cette canne, mais depuis 2017, ils font face à la concurrence mondiale sans quota ni prix garanti en Europe. La surface plantée a diminué de 10 % en 4 ans, représentant une perte de 100 000 tonnes. Plus de la moitié des exploitations abandonnant la canne avaient un rendement inférieur à 50 tonnes par hectare, principalement des petites exploitations familiales. La baisse touche la moitié des exploitations livrant à Tereos. Cela soulève des questions sur la production vivrière et la souveraineté alimentaire de La Réunion. La canne à sucre est en effet le pivot autour duquel s’organise la diversification des productions qui permettent d’aller vers l’autosuffisance alimentaire de La Réunion. Une refonte de la filière, en termes de gouvernance et de transparence des profits, est donc urgente.

Candidature à la Chambre d’agriculture

Pour la CGPER, la Chambre d’agriculture de La Réunion doit redevenir l’autorité définissant la stratégie de ce secteur économique. La situation financière alarmante a été confirmée par un rapport de la Cour des Comptes, soulignant des dépenses croissantes et une forte dépendance aux subventions de l’institution. La CGPER souhaite une Chambre assainie, proactive et capable de remplir son rôle en fournissant des services adaptés aux demandes des agriculteurs. L’objectif est de redonner confiance et de renforcer la Chambre pour un avenir agricole prometteur.
La CGPER propose que la Chambre d’agriculture soit dotée d’un service pour l’accompagnement des producteurs indépendants afin qu’ils puissent eux aussi avoir droit aux aides. Que les actuels bénéficiaires de ces aides se rassurent, l’augmentation du nombre à La Réunion n’entraînera pas une baisse des subventions individuelles.

Une année d’actions

L’assemblée générale permit également de revenir sur les actions menées l’an dernier par la CGPER. Dès janvier 2023, la CGPER a mobilisé une délégation pour rencontrer des députés européens et présenter des problématiques clés de plusieurs filières agricoles réunionnaises. La CGPER a insisté également sur la réaction nécessaire de Tereos face à la diminution de la production de cannes à sucre et les difficultés des planteurs d’ananas face à la hausse des coûts et au manque de main-d’œuvre.
En mai 2023, lors de la visite de la Première ministre, la CGPER a souligné l’importance de la transition écologique et énergétique de La Réunion, tout en demandant un plan exceptionnel pour soutenir les producteurs locaux face à l’explosion des coûts et aux effets du changement climatique. En août, la CGPER a alerté sur les conséquences du plan d’éradication de la leucose bovine et a demandé des mesures sanitaires renforcées aux frontières pour éviter l’introduction de parasites et de maladies.
En réaction aux rapports de la Cour des Comptes sur l’ODEADOM et les aides publiques, la CGPER a mis en avant l’importance de soutenir les petits et moyens planteurs dans la filière canne-sucre-alcools-énergie. Le syndicat a également participé à des mouvements sociaux pour améliorer les conditions de retraite des agriculteurs et a interpellé le Département sur l’accès aux crédits du FEADER.

M.M.

A la Une de l’actuFilière canne-sucre-alcools-énergieLuttes pour l’emploiLutter contre la vie chèreImpasse du modèleUnion européenne

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?