Artisans en otage

26 mars 2008

La CAPEB demande le retrait immédiat de la mesure portant suppression des exonérations de cotisations “accidents du travail - maladies professionnelles” issues de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 en Outre-mer, car elle contredit la loi Girardin.

Le nouveau secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Yves Jégo, arrive demain jeudi, et la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) veut faire entendre son inquiétude. Outre le fait que la CAPEB déplore d’être oubliée de la liste des acteurs économiques invités à discuter de la future loi Programme à la rue Oudinot, Franck Legros, Président de la CAPEB-974, regrette que le gouvernement réalise un hold-up sur les artisans et les petites entreprises du BTP. « Le gouvernement a remis en cause, en fin d’année dernière, la loi Programme pour l’Outre-mer (LOPOM) dite loi Girardin », constate, outré, Franck Legros. Ce serait, selon l’organisation syndicale, « pour financer en partie les caisses déficitaires de la Sécurité sociale ».
Déjà, les artisans et les petites entreprises réunionnaises observent une hausse de leurs cotisations patronales de la Sécurité sociale, cela à compter du 1er janvier 2008. « De l’ordre de 15.000 euros par an pour une entreprise employant 10 salariés », relève la CAPEB. Cela représente une somme énorme pour certains artisans et bien des petites entreprises. « Cette augmentation (...) est due au retrait de la cotisation “accident travail” des exonérations de charges disposées par la LOPOM », explique Franck Legros. Et le président de la CAPEB-Réunion de poursuivre : « La LOPOM consacre le bénéfice de l’exonération des charges patronales de Sécurité sociale à 100%, et dans la limite de 1,3 fois le SMIC, aux entreprises du bâtiment occupant moins de 50 salariés », celui-ci relevant que le gouvernement oublie que le développement économique de l’Outre-mer ne peut se faire au détriment de l’avenir des artisans et des petites entreprises du BTP.

Catastrophe pour la trésorerie

Pour Franck Legros, cela aura une conséquence plausible : le travail au noir. Si les artisans sont pris en otages par une mesure qui contraint leur trésorerie, il faudra s’attendre à des catastrophes. Le gouvernement et les politiques locales incitent les artisans et les petites entreprises à l’embauche, pour faire reculer le chômage. Va-t-on vers un chantage au chômage ? Les artisans sont déjà à bout de souffle. « Tous les artisans qui se sont engagés sur le marché vont recevoir un sacré coup dans leur trésorerie », prévient le président de la CAPEB-Réunion. Et puis, pourront-ils répercuter sur le prix du marché, alors que le chantier est en cours d’exécution et que les clients ont déjà bouclé leur dossier de financement ?
Les banques ne prêteront pas les 1% ou 2% que l’artisan réclame pour équilibrer sa trésorerie. Et il est moins sûr que les clients se plient à un changement de prix à chaque fois que le gouvernement décide de s’attaquer aux artisans ou autres petites entreprises. Bref, les artisans sont incapables de répercuter sur les marchés leur coût, et le gouvernement n’hésite pas à piquer dans les petites poches, tandis qu’il tient une démarche plus souple avec les grandes entreprises. UMP, MEDEF, tout se tient. Par ailleurs, la CAPEB déplore l’absence d’alertes ou d’informations de la part des parlementaires. « Ils auraient pu dire qu’il y avait danger ! », note Franck Legros.

A propos de la venue d’Yves Jégo

Qui pourrait dire haut et fort que les artisans et les petites entreprises ne tiennent pas une place indéniable dans notre économie ? Qui pourrait dire qu’ils n’ont aucun rôle dans la lutte contre le chômage ? « La CAPEB rappelle que les artisans et les petites entreprises du BTP sont un modèle de cohésion et d’équilibre à l’échelle territoriale. Pour preuve, dans l’artisanat et les petites entreprises du bâtiment, l’ascenseur social n’est pas éphémère : tout apprenti peut espérer un contrat de travail durable », déclare Franck Legros. Ce rôle social, espérons que le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer saura l’entendre ! Et espérons qu’il saura faire entendre au gouvernement l’appel de la CAPEB ! Tout n’est donc pas joué. Oubliée des négociations, mal comprise, la CAPEB souhaite que Yves Jégo soit attentif, et réactif, à sa demande : le retrait immédiat de la mesure remettant en cause les dispositions de la loi Girardin. Par ailleurs, et peut-être que ce sera un autre sujet de discussion avec le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, la CAPEB met en exergue certaines pratiques commerciales qui accablent les artisans et les petites entreprises, pointant déjà du doigt « un certain nombre de donneurs d’ordre et de fournisseurs de matériaux de construction qui abusent de leur position dominante ». Pour l’heure, aucune date, ni heure n’ont été communiquées à la CAPEB pour cette rencontre. Dimanche, de retour de Mayotte, Yves Jégo recevra les acteurs du monde économique. Espérons qu’il n’a pas oublié les artisans du BTP. Eux ne l’ont pas oublié.

Willy Técher


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