Développer l’autonomie énergétique et l’autosuffisance alimentaire régionale
Attaques dans le Canal de Suez : illustration de l’impasse du système à La Réunion
26 décembre 2023, par
Suite à l’intensification de la guerre coloniale en Palestine, des navires commerciaux ont été attaqués à proximité du Canal de Suez. Plusieurs compagnies maritimes ont décidé d’allonger la durée du transport en contournant l’Afrique par le Cap de Bonne Espérance plutôt que de transiter par la Méditerranée, le Canal de Suez, la Mer Rouge et le Golfe d’Aden. Le coût du transport augmentera. Cela concernera de nombreux produits à La Réunion, car plus de 70 % des importations passent habituellement par le Canal de Suez.
Cette situation rappelle l’importance pour La Réunion du co-développement régional dont un des objectifs est de favoriser les échanges commerciaux dans notre région.
Elle souligne également la dépendance de La Réunion aux énergies primaires importées : pellets de bois et agro-carburant des centrales Albioma et EDF transitent habituellement par le Canal de Suez.
La Réunion dispose d’énergies renouvelables en abondance. Avec l’évolution technologique, le coût de production à partir d’énergies renouvelables diminue. Dans notre région, l’électrification rurale se base sur le solaire, c’est le même soleil qui brille à La Réunion.
Cette situation renforce l’importance de Paris sur la scène internationale : l’occupation des îles malgaches du Canal du Mozambique donne à l’ancienne puissance coloniale la clé de cet axe maritime stratégique pour le monde.
Une nouvelle Crise de Suez pour La Réunion ? Le choix fait par des compagnies maritimes desservant La Réunion de contourner l’Afrique par le Cap de Bonne Espérance au lieu de passer par le Canal de Suez aura des répercussions à La Réunion. Sur plus de 5 milliards d’euros de marchandises importées chaque année, plus de 70 % vient d’Europe et passe donc habituellement par le Canal de Suez. A cela s’ajoute désormais l’agro-carburant à base d’huile de colza pour la centrale thermique EDF qui transite par ce lieu. Mais avec l’intensification de la guerre coloniale en Palestine, le trafic maritime dans la région est perturbé. Des navires ont été la cible d’attaques. Une a été médiatisée : la prise par abordage d’un cargo par des combattants Houthi, des rebelles qui administrent aujourd’hui la majorité de la population du Yémen. Ces actions sont motivées par le soutien à la cause des Palestiniens qui sont victimes d’une guerre coloniale qui s’est intensifiée depuis le 7 octobre 2023. Les perturbations du trafic maritime sont donc une conséquence de la guerre coloniale en Palestine, pays du Moyen Orient à plusieurs milliers de kilomètres au Nord de La Réunion, situé sur un autre continent.
Conséquence de la guerre au Moyen-Orient
Par conséquent, plusieurs compagnies maritimes ont décidé de ne plus naviguer dans le Canal de Suez et la Mer Rouge. Pour rejoindre La Réunion depuis l’Europe, cela signifie traverser l’océan Atlantique du Nord au Sud, puis doubler le Cap de Bonne Espérance. Ce détour allonge le trajet de plusieurs jours. Ceci a des répercussions sur le coût du transport, évaluée à une hausse plafonnée à 10 %.
Durant le siècle dernier, le Canal de Suez fut fermé pendant plusieurs années. La Réunion n’avait pas alors subi de perturbations. Le Canal fut rouvert en 1975. A cette période, la société de consommation n’était pas encore le modèle dominant à La Réunion. Il fallait alors lutter pour obtenir un progrès dans l’application de la loi du 19 mars 1946, qui prévoyait pourtant l’égalité sociale dès le 1er janvier 1947. La Réunion était loin des 30 000 véhicules automobiles importées par an, et grâce à une bonne année de pluie, la totalité de l’électricité produite à La Réunion provenait des centrales hydroélectriques, c’est-à-dire du 100 % énergie renouvelable réunionnaise.
Autant dire que la fermeture du Canal de Suez pendant plusieurs années n’avait que peu de conséquences sur La Réunion.
Plus de 70 % des importations passent par Suez
Aujourd’hui, le contexte est totalement différent et inédit. Ce qui n’a pas changé, c’est la nature de notre principale exportation en volume : le sucre. Cette marchandise est vendue en Europe. Le trajet habituel passe par le Canal de Suez. Si la compagnie maritime préfère contourner l’Afrique par l’Atlantique, alors le coût du transport du sucre augmentera.
Ce qui a changé, c’est la valeur des importations et le taux de couverture. Ce que vend La Réunion au monde couvre à peine 7 % de ce que La Réunion achète au monde. Ce qui est importé représente plus de 5 milliards d’euros. La transition énergétique pilotée par EDF et Albioma rend La Réunion encore plus dépendante des approvisionnements transitant par le Canal de Suez. Les pellets de bois en provenance d’Amérique du Nord et à destination des centrales thermiques Albioma et l’agro-carburant à base d’huile de colza pour la centrale thermique EDF du Port passent habituellement par le Canal de Suez. Ils ont remplacé le charbon qui venait d’Afrique du Sud et le fioul d’Asie. Albioma a récemment annoncé une acquisition en Australie, afin de couper chaque année jusqu’à 300 000 tonnes de bois pour alimenter les chaudières des centrales de Bois-Rouge et du Gol. C’est en effort important qui rappelle que pour Albioma, ce n’est pas ressource locale produite par les planteurs de canne à sucre qui est son approvisionnement principal.
Importance du co-développement régional
Pourtant, les ressources autour de La Réunion ne manquent pas. S’approvisionner majoritairement en Europe, de l’autre côté de l’Afrique, n’est pas compatible avec l’objectif affiché de la transition énergétique. Cette longueur des chaînes d’approvisionnement place La Réunion sous l’influence d’événements sur lesquels elle n’a pas les moyens de peser.
Ceci rend d’autant plus important de raccourcir ces chaînes d’approvisionnement en allant chercher dans notre région d’Afrique australe ce qui n’est pas produit à La Réunion.
C’est une des ambitions du co-développement régional. Par exemple en termes d’autosuffisance alimentaire, il s’agit de relever ce défi au niveau régional, en augmentant la production à Madagascar pour que la Grande île devienne autosuffisante et exportatrice de produits agro-alimentaires. Le développement du transport ferroviaire en Afrique australe connecte les pays et favorise la circulation de produits industriels, et aussi des travailleurs. Le nombre de pays permettant l’entrée sans visa aux Africains est en augmentation. La Réunion a la chance de se situer dans une région au grand potentiel de développement. Pourquoi ne pas orienter les échanges commerciaux vers ce voisinage immédiat plutôt que d’aller chercher des produits en Europe, à 10 000 kilomètres ?
Le contrôle du Canal du Mozambique encore plus important
Les perturbations touchant le trafic maritime à La Réunion rappellent la nécessité d’une transition énergétique basée sur les énergies renouvelables présentes en abondance à La Réunion, et sur un changement de la politique des transports afin de réduire considérablement les importations de véhicules et de carburants importés.
Pour le moment, les bateaux continuent d’arriver. Cela rend d’autant plus stratégique le contrôle sur le Canal du Mozambique. En utilisant les zones économiques exclusives des îles malgaches toujours sous son administration, Paris peut revendiquer le contrôle de ce passage obligatoire vers le Cap de Bonne Espérance. Ceci explique pourquoi une des préoccupations de l’Union européenne dans la région est la protection des marins. Ce ne sont pas seulement les équipages des cargos ou porte-containers, mais aussi ceux des navires de pêche qui sont concernés. Cela se traduit notamment dans le soutien de l’Union européenne au projet de sécurité maritime dans le Sud de l’océan Indien.
M.M.
Messages
26 décembre 2023, 23:47, par Arthur
L’actualité locale et internationale nous pousse à réagir, prendre conscience de la situation. Espérons que du côté des décideurs aussi, on fasse comme on dit "bouger les lignes". C’est vrai qu’à la Réunion, on peut faire beaucoup mieux car tout est là : le vent, le soleil, l’eau qui tombe et le volcan. Ah, si on pouvait être autonome en énergie !!! Cela ferait de l’île une vitrine, une utopie devenue réalité, sans oublier les emplois locaux que cela entraînerait, comme pour le futur TER, un train péi qui reliera les communes se Ste Rose à St Joseph, enfin, on pourra circuler propre, en silence et confiance, gain de temps, et d’argent, bravo si cela devient concret, Arthur qui vote pour le changement, comme j’espère beaucoup, de tous âges, bonne fin d’année zot tout, dans l’espoir de jours meilleurs......
27 décembre 2023, 06:53, par Maillot joseph Luçay
Les acteurs économiques de la Réunion sont obligés de tenir compte des attaques sur les navires qui passent pas le canal de Suez et la mer rouge pour approvisionner les réunionnais .
Leur première réaction est de changer d’itinéraire et de passer par le cap de bonne espérance ce qui aura des conséquences dramatiques sur les prix des marchandises.
Bien entendu il y a aussi la solution de s’approvisionner dans les pays de la Zone qui pourraient nous fournir ce dont nous avons besoin . Mais il ne faut pas oublier que la plupart de ces pays sont aussi tributaires de ce qui se passe dans l’hémisphère nord et cette solution ne produira pas des miracles .
La solution que nous devons privilégier c’est effectivement de promouvoir tous les projets qui pourraient nous permettre d’accéder à une plus grande autonomie dans la production d’énergie électrique et à une plus grande diversification de notre agriculture et notamment de produire nous mêmes notre riz , notre blé , notre viande etcet . Mais pour cela il faudra une volonté politique commune très forte et la mise en oeuvre d’une solidarité économique sans faille non seulement des réunionnais , mais aussi de la France et de l’Union Européenne . Ce sera certainement très difficile , mais pas impossible .
27 décembre 2023, 16:13, par oscar
Sur la production d’électricité, l’autonomie devrait être possible à La Réunion, en associant le solaire, le vent, les chûtes d’eau , la géothermie ,voire la mer.
par contre au niveau des carburants c’est plus compliqué , au moins à long terme. le train qui fonctionne à l’électricité n’est pas pour demain.
la nourriture, il est clair, que l’on peux faire pousser pas mal de chose. je ne sais pas où en est l’expérimentation sur le riz.il semble que le problème soit le prix de revient supérieur au riz importé.
Quant au pays environnant , cela sera probablement plus que limité ;leurs productions est minime .
reste enfin le problème des appareils , machines , voitures, machines en tout genres.
comme le dit M.Maillot il faut une grande volonté politique de tous les participants ,locaux , métropolitains , européens , pays de l’océan indien ;aussi bien élus que commerciaux , producteurs , industriels, éleveurs et autres .
enfin je regrette que l’article ne condamne pas les rebelles qui attaquent les navires commerciaux