Sommet du G20

Comment sortir de l’hégémonie du dollar ?

3 avril 2009

Alors que le monde traverse aujourd’hui la plus grave crise de son Histoire depuis la Seconde Guerre mondiale, le G20 se réunit à Londres depuis hier, 2 avril. Plusieurs sujets y sont abordés, entre autres les fonds spéculatifs, la réforme des institutions internationales comme FMI ou de la Banque Mondiale, le protectionnisme, le rôle du dollar.

Le Produit Intérieur Brut (PIB) de la planète reculera de 1,7% en 2009, selon les prévisions de la Banque Mondiale publiées mardi 31 mars. C’est la première fois qu’un recul est constaté depuis 1945. La chute atteindra -2,9% dans les pays riches, mais ceux en développement résisteront de leur côté, avec une croissance de +2,1%.
L’Europe orientale et l’Asie centrale régresseront de -2% (-4,5% pour la Russie, l’Amérique latine et les Antilles de -0,6% et -2% pour le Mexique), l’Asie orientale et méridionale ainsi que le Pacifique demeurant positifs notamment grâce à la Chine (+6,5%) et à l’Inde (+5%). Selon son économiste en chef, Justin Lin, « les niveaux de chômage continuent d’augmenter dans la quasi-totalité des pays jusqu’à une bonne partie de 2011 ». Face à cette crise sans précédent, le G20 est en réunion à Londres depuis le 2 avril.
Plusieurs sujets sont actuellement abordés comme celui des fonds spéculatifs, du salaire des patrons de banques, de la réforme des institutions internationales comme le Fonds Monétaire International (FMI) ou de la Banque Mondiale, celui du protectionnisme, et du rôle du dollar. Sur ce dernier point, la Chine a proposé la création d’une monnaie unique internationale. Cette proposition a été immédiatement rejetée par les Etats-Unis.
La Chine, premier créancier des Etats-Unis, avec 696,2 milliards de dollars (525 milliards d’euros) en bons du Trésor en décembre 2008, a fait monter d’un cran ses inquiétudes sur la chute du billet vert en les portant sur la scène internationale. Son gouverneur, Zhou Xiaochuan, explique que la crise a mis en évidence « les faiblesses inhérentes du système monétaire international actuel ». Cela reflète la nécessité d’avoir une monnaie de réserve internationale « déconnectée des nations individuelles », de leurs enjeux intérieurs et « capable de rester stable sur le long terme ».
Il est vrai que le dollar a été soumis dernièrement à de fortes pressions. Il avait perdu quasiment 6% la semaine passée, lorsque la Réserve fédérale américaine (FED) avait annoncé son intention de racheter pour 300 milliards de dollars de bons du Trésor. Les analystes de Crédit Suisse déclarent qu’ils ne seraient pas surpris s’il « chutait » jusqu’à 1,45 dollar pour 1 euro.

Les points mis en avant par la Chine sont justes

Selon les analystes de la Commerzbank, « les points que la Chine met en avant sont justes. Les tentatives de la FED pour stimuler l’inflation (ou au moins combattre la déflation) sont uniquement motivées par des considérations domestiques. Elles sont en opposition avec les intérêts des détenteurs étrangers de dollars ».
On connaît à ce jour les limites des Etats-Unis. Le fait que la monnaie d’un pays (en l’occurrence le dollar) soit une monnaie internationale pose le problème de la stabilité de cette monnaie. En effet, les autres pays détenteurs de dollars n’ont aucune marge d’infléchir sur la politique américaine. La réaction immédiate américaine afin d’imposer le dollar comme monnaie internationale pose la question de la domination américaine sur le monde. La création d’une monnaie unique mondiale va faire son chemin. Le mouvement pour la fin de la suprématie du dollar va continuer. On comprend tout à fait l’inquiétude des pays émergents qui ont des réserves sur le dollar. Si cette monnaie venait à se dévaluer, les pays détenteurs de réserves en dollars ont du souci à se faire.

Vives condamnations du protectionnisme par les pays émergents

Autre point abordé lors de ce Sommet, celui du protectionnisme. Au début de la mise en œuvre d’une économie mondiale, les Etats-Unis cherchent à changer les règles du jeu en se protégeant. Face à un modèle américain en pleine déconfiture, les pays émergents veulent faire entendre leur voix. Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine ont leur mot à dire. C’est ce qu’a laissé entendre le Président brésilien Luiz Inacio Lula, qui accuse les banquiers des pays occidentaux d’avoir adopté un « comportement irrationnel », à l’origine de la crise financière qui touche durement les pays émergents. « Considérés comme responsables de la crise, les pays industrialisés doivent entendre les doléances que formulent la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil ». Tous les quatre clament à l’unisson leur refus du protectionnisme et réclament aux grandes puissances de faire l’effort nécessaire pour relancer l’économie. Très dépendants de leurs exportations, les pays émergents craignent en effet un retour du protectionnisme.
A la tête de l’une des principales économies du monde, le Président Lula condamne le protectionnisme.
Cette position du Brésil est également partagée par la Chine ou l’Inde. « Nous demandons au G20 de manifester son opposition au protectionnisme commercial », a déclaré le vice-ministre chinois des Finances, Li Yong, lors d’une conférence de presse. « Le protectionnisme retarderait sérieusement la reprise économique », a-t-il ajouté.
Il y a une dizaine de jours, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, qui sont les principaux pays émergents, ont déjà appelé à « éviter le protectionnisme sous toutes ses formes », à l’issue la réunion des ministres des Finances et banquiers centraux du G20 à Horsham, près de Londres.
« Nous réalisons que le protectionnisme est une menace de plus en plus réelle pour l’économie mondiale », ont affirmé les représentants de ces quatre puissances émergentes dans un communiqué.

Définir un projet de co-développement face aux APE

Ramené au niveau local, ce débat au niveau du G20 est d’actualité avec l’entrée en vigueur des APE (Accord de Partenariat Economique). Comment nos producteurs locaux pourront-ils faire face à la concurrence des produits en provenance de pays où les coûts de production sont nettement plus bas que sur notre île ? Comment préserver l’immédiat sans hypothéquer l’avenir ? Comment va-t-on gérer la cohérence des relations avec les pays voisins qui ont des niveaux sociaux différents ? Si l’économie réunionnaise doit être intégrée à un niveau régional, les élus locaux auront-ils les moyens de négocier les tenants et les aboutissants ? Où va-t-on imposer un plan venu de Paris ? Les acteurs économiques locaux devront réagir afin de trouver des solutions. Il faut anticiper en définissant un projet régional de co-développement où aucun pays ne soit perdant. Avec l’aide de l’Europe, l’espace COI est un échelon géopolitique d’intérêt expérimental.
Ce grand chantier appelle à la responsabilité de chacun d’entre nous. Nous pouvons monter tous ensemble dans le train de l’Histoire.

Risham Badroudine

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