Après le sommet de Camp David

Crise financière : faire entendre les voix de 80% de l’humanité

20 octobre 2008, par Manuel Marchal

Le sommet Europe-Etats-Unis a débouché sur le principe d’une réunion avant la fin de l’année. Mais Washington ne veut pas encore entendre parler d’un nouveau Bretton Woods, concentrant son action sur la mise en oeuvre de solutions nationales. Quant aux pays du Sud, ils risquent de payer une facture encore plus importante avec la récession en Europe et aux Etats-Unis. Ce sont en effet les plus importants marchés d’exportation du monde qui affrontent une grave crise, ce qui amplifie les difficultés de 80% de la population mondiale pour qui survivre est un combat quotidien.

Réunis samedi à Camp David, les présidents des Etats-Unis, de l’Union européenne et de la Commission européenne ont convenu de la tenue de plusieurs sommets internationaux sur le sujet de la crise financière. Les dates et les participants n’ont pas été annoncés. Quant au lieu, le premier pourrait se tenir à New York.
Malgré tout, le sommet Europe-Etats-Unis a pu se tenir. Cela n’était pas gagné d’avance lorsque l’on constate le rôle joué par le gouvernement américain dans l’amplification de la crise. Reste également un désaccord sur le fond. Si les représentants des pays les plus riches du monde ne remettent pas en cause l’économie de marché, les divergences se font jour quant à la régulation de ce système.
Lors du dernier sommet européen à Bruxelles, le président de l’Union européenne avait dit que l’heure était venue d’aller vers un nouveau "Bretton Woods". Tenue en 1944, cette conférence avait donné aux Etats-Unis une des compensations qu’ils recherchaient en échange de leur entrée en guerre : un système financier organisé autour de leur monnaie nationale, le Dollar. Cela a permis aux Etats-Unis de disposer d’un avantage décisif sur les autres pays et d’imposer leur domination économique sur le monde.
Ce leadership a connu une première brèche lorsque l’Union européenne a créé une monnaie unique. Malgré le refus de la Grande Bretagne d’utiliser l’euro, la monnaie des Européens a réussi à devenir une devise forte. Cet exemple a inspiré les pays du Moyen-Orient, qui s’apprêtaient avant la crise à mettre en place leur monnaie unique en 2010.
Remettre en cause le système de Bretton Woods ? Il n’en est pas question comme l’indique à mot couvert Tony Fratto, porte-parole de la Maison-Blanche. Ce dernier n’a pu que constater que de plus en plus de voix se font entendre pour demander une refonte du système financier international. « Bretton Woods a duré trois semaines et a impliqué 44 pays, à une époque où il y avait moins de pays dans le monde », a-t-il dit. Le premier sommet aurait pour objet de « discuter la crise financière actuelle et de formuler des principes qui guideraient les suivants », a-t-il précisé. Quant au nombre des participants, le représentant de George Bush s’est limité à dire qu’ils seraient plus nombreux que les seuls membres du G8. Or, force est de constater que l’impact de la guerre monétaire lancée par Washington pour consolider son hégémonie sur l’économie mondiale ne fait pas que des dégâts dans les pays de la zone euro. Car la récession économique qui touche l’Europe et les Etats-Unis a des conséquences sur les pays du Sud, qui exportent des marchandises vers l’Occident. Elle va aggraver le chômage et les tensions sociales dans les pays du Sud, où vit 80% de l’humanité.
Le secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf a rappelé ce week-end que « les plus défavorisés, comme toujours, paieront le plus lourd tribut » à cette crise. Déjà, avec la flambée des prix alimentaires et énergétiques en 2008, le nombre des personnes souffrant de la faim a augmenté de 75 millions dans le monde par rapport à 2005, à près de un milliard. C’est bel et bien les fondements d’un système injuste et prédateur dont il est question, et cette remise en cause devra tenir compte des propositions de 80% de la population mondiale qui subit quotidiennement les conséquences de ce système.

 Manuel Marchal 


Plus d’un an de récession pour les pays riches

Alors que les Etats-Unis envisagent un plan de soutien de l’économie de 150 milliards de dollars, plusieurs pays européens manquent de capitaux : l’Ukraine, la Hongrie et l’Islande vont-ils être en cessation de faillite ?

La récession provoquée dans les pays riches par la crise financière « durera plus d’un an, entre un an et un an et demie », a affirmé vendredi le chef du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Kemal Dervis.
De fait, les mauvais indices économiques se multiplient. Le marché américain du logement a poursuivi sa descente aux enfers avec des mises en chantier tombées en septembre à un plus bas depuis plus de 17 ans. Et les analystes prévoient une dégringolade du marché automobile en 2008, avec un plongeon de 30% des ventes sur un an, à un plus bas depuis la récession du début des années 1980.
Les Etats-Unis envisagent d’ailleurs un plan de relance économique qui pourrait être adopté avant même l’entrée en fonction du prochain président en janvier. La présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, a ainsi demandé au Congrès de se réunir juste après la présidentielle du 4 novembre pour étudier un plan pour "reconstruire l’Amérique", d’un montant de 150 milliards de dollars.
Cette idée est soutenue par Paul Krugman et par le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn.
En Europe, l’Irlande est déjà en récession et l’Italie pourrait la rejoindre, avec une baisse du PIB de 0,2% attendue pour 2008 par le patronat local. Quant à l’Allemagne, elle compte au mieux sur une croissance de 0,2% désormais en 2009. D’autres pays viennent même à manquer de capitaux. L’Ukraine négociait vendredi un prêt de 14 milliards de dollars auprès du FMI. La Hongrie a bénéficié d’une aide d’urgence de la Banque centrale européenne : un prêt de 5 milliards d’euros.
Quant à l’Islande, elle décidera d’ici une semaine si elle sollicite ou non une aide du FMI, ce qui serait une première pour un pays occidental depuis 1976.

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