Après Washington (700 milliards de dollars), Londres annonce un plan de 450 milliards de livres sterling (783 milliards de dollars)

Crise financière : l’euro survivra-t-il à la guerre monétaire ?

9 octobre 2008, par Manuel Marchal

Le nouvel effondrement des bourses européennes, notamment en France et en Allemagne, observé hier ne peut que conduire à un nouvel affaiblissement de l’euro. Or, mardi, le gouvernement britannique a annoncé un plan destiné à restaurer la confiance en Grande-Bretagne. 200 milliards de livres, soit 260 milliards d’euros, seront accessibles aux banques britanniques. Ce plan n’est pas sans rappeler celui de la Maison-Blanche, et tout comme ce dernier, il s’est fait sans concertation avec le G8 ou le FMI. Les gouvernements britanniques n’ont jamais voulu l’euro. Et ce plan risque encore d’affaiblir davantage la monnaie unique européenne, déjà ébranlée par l’impact de la guerre monétaire lancée par Washington.

Hier, les Bourses européennes connaissaient encore une journée difficile. Dès hier matin, la Bourse de Paris lâchait 8,18%. Londres, Francfort, Milan, toutes les bourses européennes étaient touchées. A Moscou, la chute était telle que les cotations ont dû être suspendues.
La veille, la Bourse de Tokyo avait enregistré une chute sans précédent depuis 20 ans : -9,3%.
Face à la dégradation de la situation, les Européens réagissent toujours en ordre dispersé. Londres a décidé de dégager une ligne de crédit de 200 milliards de livres sterling (260 milliards d’euros) afin de venir en aide aux banques britanniques. Des nationalisations partielles sont envisagées en échange de l’accès aux fonds publics. Le plan prévoit aussi « la garantie du gouvernement d’un montant de 250 milliards de livres pour le refinancement de la dette de ces banques ». Il s’agit donc au total d’au minimum 450 milliards de livres, soit 575 milliards d’euros. Ce plan coûtera entre 54 et 65 milliards de dollars aux contribuables britanniques. Il a été mis au point mardi dans le bureau du Premier ministre britannique. Ce plan n’est pas sans rappeler celui du gouvernement américain.

L’Asie touchée

Pour sa part, l’Espagne a annoncé qu’elle débloquait 30 milliards d’euros pour aider son secteur bancaire.
Comme deux jours auparavant, les bourses européennes sont touchées par les conséquences de l’offensive monétaire. Les autorités politiques européennes n’arrivent pas à restaurer la confiance face à l’aggravation de la situation des banques. Et la confiance quitte la zone euro.
Comme lundi dernier, la conséquence de cette crise de confiance va être un affaiblissement de l’euro.
La chute brutale de la Bourse de Tokyo souligne également la perte de confiance des investisseurs dans cette région du monde. Ce qui se passe à Tokyo illustre que l’impact de la crise se propage à l’Asie. On aurait pourtant pu penser que le Japon pouvait sortir renforcé de la crise. La journée d’hier démontre le contraire.
Lorsque l’on compare cette situation à celle des marchés financiers aux Etats-Unis, force est de constater que le recul enregistré par Wall Street est moins important que celui que connaissent les Bourses européennes et la Bourse japonaise.

Qui a intérêt à couler l’euro ?

A la différence des Européens, les Etats-Unis ont en main un plan d’action coordonné par une seule autorité dotée des pleins pouvoirs. Le gouvernement américain dispose d’un fonds souverain de 700 milliards d’euros qu’il peut utiliser à sa guise pour décider quelles seront les institutions financières américaines qui survivront à la guerre monétaire. Autrement dit, seront aidées les banques qui servent les intérêts de Washington. Si Wall Street baisse et que des banques font faillite est une donnée intégrée dans la stratégie de la Maison Blanche : une guerre demande des sacrifices.
Avec ce plan, les Etats-Unis ont un instrument de guerre psychologique : il est là pour restaurer la confiance et transférer des capitaux vers les Etats-Unis. La conséquence est une crise de confiance en Europe, et un affaiblissement de l’euro, la seule monnaie capable avant l’offensive monétaire de tenir tête à plus de 60 ans d’hégémonie du dollar.
Il est à noter qu’un pays européen qui a toujours refusé d’utiliser l’euro vient de mettre au point un plan qui ressemble beaucoup à celui de Washington : 200 milliards de livres sterling (260 milliards d’euros) pour venir en aide aux banques britanniques. Comme le plan américain, le plan britannique a été élaboré en dehors de toute concertation internationale, et il ne s’applique qu’aux banques britanniques. Et tout comme le plan de la Maison Blanche, le plan de Londres vise à restaurer la confiance dans un pays qui n’utilise pas l’euro, et 783 milliards de dollars sont mis sur la table pour rassurer les investisseurs.
De tels faits amènent à se demander si les gouvernements britannique et américain ne sont pas en train d’unir leurs efforts pour casser l’euro, dans le but de donner les moyens à Washington d’être le leader incontesté de l’économie mondiale.

Manuel Marchal

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