Conséquence de la guerre monétaire

Crise financière : le plus puissant fonds souverain du monde entre les mains de Washington

7 octobre 2008

Vendredi, en votant le plan de 700 milliards de dollars, les parlementaires des Etats-Unis ont signifié l’acte de naissance du plus puissant fonds souverain du monde. Désormais, le gouvernement américain a les moyens de mener l’offensive pour permettre aux Etats-Unis de tenir « leur rôle de leader dans l’économie mondiale » comme l’a dit George Bush, au moment de promulguer la loi qui accorde les pleins pouvoirs en matière économique à la Maison-Blanche.

« Nous avons montré au monde entier que les Etats-Unis (...) tiendront leur rôle de leader dans l’économie mondiale », a déclaré George Bush au moment de promulguer la loi validant la mise à disposition de 700 milliards de dollars au gouvernement américain. Le "New York Times" ne s’y trompe pas en voyant derrière ce vote la naissance de « l’une des plus grandes entreprises de gestion des actifs au monde, avec un impressionnant trésor de guerre de 700 milliards de dollars ». Seul un fonds des Emirats arabes unis, Abu Dhabi Investment Authority, dépasse en actifs le montant accordé au gouvernement américain. Mais à la différence du plan américain de 700 milliards de dollars, le fonds d’Abu Dhabi n’a pas comme objectif de donner les moyens à son économie nationale de dominer le monde en la délestant de ses "créances douteuses", il vise à valoriser la rente pétrolière en épargne pour les générations futures (1).
On a vu que le gouvernement américain a profité de la crise pour restructurer l’industrie financière. Il a également contribué à la baisse du dollar par diverses opérations, dont la vente aux enchères de bons du Trésor qui ont atteint un taux de rendement historiquement bas. Maintenant, il choisit d’augmenter la dette nationale de 700 milliards de dollars, pour dégager des marges de nouvelles marges de manoeuvres afin que son économie puisse repartir à la conquête du monde.
En effet, depuis plusieurs années, les Etats-Unis voient leur leadership économique contesté. Le mode de vie aux Etats-Unis a conduit à faire de ce pays le plus endetté du monde, il vit constamment à crédit. Ce système mine la stabilité des institutions financières américaines, comme l’a rappelé la crise des subprimes. Il aggrave la situation sociale. Il nuit également à la position de Washington dans le monde, car le fait d’être très endetté nuit à son crédit lorsqu’il demande à des pays de lutter contre leurs déficits publics.
La mondialisation de l’économie a également fait de nombreux perdants dans aux Etats-Unis, du fait de la concurrence étrangère et des délocalisations.
Il importe donc à Washington de réagir, et c’est ce que fait le gouvernement américain. Grâce à des conditions favorables, George Bush a réussi à obtenir des pouvoirs considérables pour son gouvernement. Ce dernier peut décider précisément où il peut porter les coups, car il a toute latitude pour décider. Et pendant que l’Europe s’enfonce dans la crise, les Etats-Unis peuvent profiter d’un dollar sous-évalué pour exporter davantage et améliorer leur situation sociale en créant des emplois.
C’est à partir de maintenant que se déploie le deuxième volet de l’offensive de Washington. Après la déstabilisation des marchés, vient le moment de porter les coups décisifs grâce au fonds souverain le plus puissant du monde.
Et cela sans que l’Union européenne ait eu le temps de s’organiser. L’absence de réunion du G8 depuis l’amplification de la crise est un indice qui ne trompe pas sur la volonté du gouvernement américain de mener à bien une offensive stratégique, pour faire taire toute contestation de son hégémonie.

Manuel Marchal

(1) « Les fonds souverains d’épargne. Leurs objectifs s’inscrivent dans le long terme. Leur activité réside non seulement dans la préservation de la richesse, mais aussi dans la création de valeur supplémentaire à transmettre aux générations futures et à recycler éventuellement dans le développement national. Il s’agit notamment d’Abu Dhabi Investment Authority, riche de 875 milliards de dollars à ce jour », "Les fonds souverains : une menace à relativiser, un partenariat à construire", rapport de la Commission des Finances du Sénat publié le 15/05/2008, p. 33.


Les fonds souverains asiatiques victimes de l’offensive monétaire

Dans un article publié le 3 octobre dernier, "le Figaro" faisait état de pertes importantes pour les fonds souverains asiatiques qui avaient investi dans les banques américaines et européennes.
« Il y a quelques mois, les fonds souverains de Dubaï, d’Abu Dhabi, du Qatar, de Singapour ou encore de Shanghaï ont investi tous azimuts pour renflouer, dans une première vague, les banques américaines et européennes. Au total, ils auraient englouti plus de 50 milliards de dollars depuis janvier 2007. Seraient-ils les dindons de la farce ? La crise s’étant aggravée, Washington, Londres et Bruxelles organisent le sauvetage des banques les plus malades. Quitte à réduire à peau de chagrin la mise de ces actionnaires. L’assureur-vie chinois Ping An, qui a déboursé près de 2 milliards d’euro dans Fortis, a vu sa mise fondre de moitié alors que Fortis est nationalisé. Merrill Lynch a levé en janvier 5 milliards de dollars auprès d’un fonds de Singapour contre 10% de son capital. Depuis, le titre Merrill Lynch a perdu près de 70% de sa valeur, avant de voir la firme de Wall Street s’adosser en urgence à Bank of America. Bear Stearn a été avalée par JPMorgan Chase en un week-end pour 9 dollars par action, alors que certains fonds étaient entrés un an plus tôt pour un prix 10 fois supérieur. Les fonds de Singapour et du Moyen-Orient qui ont réinjecté 11,5 milliards de dollars dans UBS il y a quelques mois pourraient s’inquiéter face au cas de Washington Mutual. La 6e banque américaine a été "ramassée" par JPMorgan Chase pour 1,9 milliard de dollars, soit cinq fois moins que le prix proposé avant l’été. Autant dire que ses actionnaires ont tout perdu ».


La situation s’aggrave en Europe

La Bourse de Paris continue de chuter alors que la première banque d’Italie est à la recherche de 6,6 milliards d’euros pour tenter d’augmenter son capital.
En Europe, la confiance continue de fuir les banquiers. Hier à Paris, toutes les actions des banques étaient en chute hier. Dexia perdait hier matin 12,25%, Natixis 8,21%. Même BNP qui venait d’annoncer le rachat d’une partie de Fortis, diminuait de près de 4%.
Ce rachat permet à la BNP de devenir la première banque de dépôts en Europe, avec 600 milliards d’euros dans ces coffres. L’opération permet également à l’Etat belge d’être le premier actionnaire de la BNP, avec 11,7% du capital.
En Italie, Unicredit, la première banque du pays, est en pleine tournente. Elle est à la recherche de 6,6 milliards d’euros pour financer une augmentation de capital.

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