Aujourd’hui à Camp David

Crise financière : réunion des responsables de la pauvreté dans le monde

18 octobre 2008, par Manuel Marchal

Ce samedi à Camp David aux Etats-Unis, le président des Etats-Unis rencontre les présidents de l’Union européenne et de la Commission européenne. Ce sont les représentants d’un Occident discrédité par les événements de ces dernières semaines qui sont placés sous les feux de l’actualité. Dans l’ombre tentent de survivre des milliards de personnes, elles sont victimes d’un système économique et monétaire aux règles imposées par l’Occident, mais que les dirigeants de l’Occident ne cessent de transgresser. L’Occident n’est plus crédible.

Face à l’aggravation de la crise, l’Occident a mobilisé des sommes considérables pour tenter de sauver le système économique et financier. Ces mesures sont accompagnées par le début d’un procès en responsabilité.
Tout le monde a pu voir le président de l’Union européenne demander des comptes, et appeler à un nouveau "Bretton Woods" pour que pareille crise ne se reproduise plus.
De jour en jour, les regards se tournent davantage vers Washington, accusé de mettre en pratique une idéologie qui vient de produire des effets désastreux.
Mais le procès en responsabilité ne doit pas se limiter à juger l’attitude du gouvernement des Etats-Unis. C’est tout l’Occident qui est appelé à se remettre en cause. Car les événements de ces dernières semaines ont montré au monde entier que les dirigeants de l’Occident ne sont plus crédibles, et cela pour quatre raisons.

"Actifs pourris" et gouvernance

La première est celle du modèle de "gouvernance" que ces pays veulent imposer au monde. Depuis des décennies, l’Occident dit aux pays pauvres que s’ils sont pauvres, c’est parce qu’ils sont corrompus, parce qu’ils ne sont pas capable de se gouverner.
La crise financière a montré que l’Occident croule sous les "actifs pourris", et ces "actifs pourris" contaminent le monde entier. Or, qu’est-ce qu’un "actif pourri" sinon la preuve manifeste de la mauvaise gouvernance. Autrement dit, le modèle de "bonne gouvernance" à l’occidentale n’est plus crédible.
La seconde raison est celle de la dette. L’Occident dit aux pays pauvres que s’ils sont pauvres, c’est parce qu’ils s’endettent et donc qu’ils ne savent pas gérer. Le Fonds monétaire international (FMI) est donc appelé à la rescousse pour dire aux pays pauvres comment mieux gérer : ce sont les plans de réajustement. Ces plans sont des financements conditionnés à des décisions politiques de la part des gouvernements des pays pauvres. Mais malgré le fait que cette dette écrase les peuples du Sud, l’Occident refuse de l’effacer alors qu’elle ne représente que 20 milliards d’euros, soit une somme bien inférieure à tous les fonds que les gouvernements occidentaux lèvent pour sauver leurs banques.
A titre de comparaison, les Etats-Unis ont une dette qui dépasse 12.000 milliards de dollars. On a jamais vu personne exiger des Etats-Unis qu’ils remboursent leur dette, et encore mois le FMI imposer à Washington un plan de réajustement en disant aux dirigeants des Etats-Unis qu’ils gèrent mal l’argent public.

Nationalisations en Occident

La troisième raison concerne la mondialisation libérale et la construction d’un marché unique mondial. L’Occident dit aux pays pauvres qu’avec l’abattement des frontières et la division internationale du travail en fonction des intérêts des dirigeants de l’Occident, les pays pauvres pourront vivre mieux car la richesse sera mieux partagée.
Cette mondialisation est un des facteurs de la crise alimentaire, de la pénurie des matières premières. Et on voit qu’à l’OMC, les Etats-Unis refusent d’abattre leurs frontières car ils ne veulent pas que leurs agriculteurs soient en concurrence avec le monde. Cette position décrédibilise l’Occident.
Cela amène à évoquer la quatrième raison. Les idéologues occidentaux de la mondialisation libérale appellent à la concurrence libre et non faussée, à l’économie sans entrave. Ils affirment que l’Etat n’est pas là pour s’occuper de l’économie et que le salut passe par les privatisations.
A la première bourrasque, on voit les Occidentaux nationaliser des pans entiers de leur économie, et que cela soit en Europe ou en Amérique du Nord, c’est l’Etat qui devient actionnaire des banques. Or, depuis des décennies, l’Occident met la pression sur les gouvernements du Sud afin qu’ils privatisent pour soi-disant développer leur pays. Là aussi, le langage de l’Occident est totalement décrédibilisé.

Les plus endettés commandent

Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi des pays aussi endettés peuvent avoir des positions aussi dominantes dans les organisations internationales.
Aujourd’hui, Camp David est donc le rendez-vous des dirigeants des pays qui sont les responsables de la pauvreté dans le monde, car leurs pays vivent à crédit en appauvrissant le monde.
D’ores et déjà, tirant les premiers enseignements de la crise, les chefs d’Etat et de gouvernement du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud appellent à remettre en cause cette injustice. À eux seuls, ces trois pays ont une population supérieure à celle des Etats-Unis et de l’Union européenne réunies, et un dynamisme démographique sans commune mesure avec la vieille Europe et l’Amérique du Nord. Autant dire que la sortie de crise passe par un rééquilibrage profond des systèmes économiques et monétaires mondiaux.

Manuel Marchal


Les Etats-Unis valent-ils 12.000 milliards de dollars ?

A titre d’exemple, les Etats-Unis ont un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais si tous les créanciers des Etats-Unis exigeaient le remboursement immédiat de la dette de ce pays, soit 12.000 milliards de dollars, alors les Etats-Unis ne seraient pas plus riches qu’un pays africain.
Et seraient-ils même capable de rembourser 12.000 milliards de dollars sans faire marcher la planche à billet ? Les créanciers des Etats-Unis pourraient donc envisager de racheter pour l’euro symbolique les quartiers d’affaire des grandes villes américaines ou des pans de l’industrie de ce pays en échange de l’effacement de la dette.

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