A quinze jours de la rencontre internationale de Washington

Crise financière : un pays profitera de l’aggravation de la situation

30 octobre 2008, par Manuel Marchal

C’est dans 15 jours que doit se tenir le premier grand Sommet international sur la crise mondiale. Le monde attend beaucoup de cette rencontre, et craint qu’en l’absence d’accord, la situation continue de s’aggraver. Or, les chances d’aboutir à un accord sont minimes. Les Etats-Unis ont déjà fixé des limites à la négociation sur lesquelles ils ne veulent pas transiger. Comment en est-on arrivé là ?

Née voici plus d’un an, la crise des subprimes a fini par toucher sérieusement le mois dernier les grandes banques. En pleine crise, le gouvernement des Etats-Unis met alors en place une stratégie : il décide de sauver des banques, et de laisser d’autres faire faillite. Le 7 septembre, Washington vole au secours de Fannie Mae et Freddie Mac en injectant 200 milliards de dollars. Une semaine plus tard, le gouvernement américain décide de nationaliser l’assureur AIG, mais laisse s’effondrer Lehman Brothers.
Les faillites de plusieurs banques américaines ont une répercussion mondiale, étant donné le haut niveau d’intégration de la finance mondiale. Elles aboutissent immédiatement à une chute du prix du baril de pétrole, et entraînent la propagation de la crise aux institutions financières situées en dehors des Etats-Unis.
Trois jours après la faillite de Lehman Brothers, George Bush annonce un plan de soutien aux banques américaines, et à celles opérant sur le territoire des Etats-Unis. C’est le "Plan Paulson", d’un montant de 770 milliards de dollars. Il donne la possibilité au gouvernement d’amplifier son intervention dans l’économie, en dépit de l’idéologie libérale qui est la ligne de conduite affichée par la Maison Blanche.

Le monde pris par surprise

Ce plan est voté le 3 octobre par les parlementaires US. Ils permettent à leur gouvernement d’agir avec toute latitude dans l’utilisation de ce véritable fonds souverain. George Bush ne s’y trompe pas, en déclarant que ce plan allait permettre d’affirmer le rôle de leader tenu par l’économie américaine dans le monde.
Pendant ce temps, les autres pays de la planète ne sont pas préparés à la crise, et encore moins à la réaction du gouvernement des Etats-Unis. Ils tentent de faire face. Mais comme ces plans ne sont pas coordonnés, ils sont inefficaces.
La crise continue alors de s’aggraver. Partie de la finance, elle se transforme en crise économique. Tous les secteurs sont touchés, et tous les pays du monde le sont également.
Il a fallu attendre le 12 octobre pour que les pays de la zone euro arrivent à se mettre d’accord sur un "plan Paulson bis" pour tenter de préserver leur industrie financière, et de donner les moyens à l’euro de se défendre.
Mais ces réponses ne s’appliquent pas à l’échelle mondiale.
C’est seulement maintenant que les pays du monde prennent conscience de la nécessité de se réunir pour apporter une réponse mondiale à une crise mondiale. Mais on a perdu du temps, de l’argent, et la crise s’est étendue partout.
La date du Sommet est arrêtée au 15 novembre, et il se tiendra aux Etats-Unis.
Mais d’ores et déjà, le gouvernement américain a fixé les limites des négociations. Elles sont au nombre de trois.
Premièrement : pas question de remettre en cause le capitalisme et le libéralisme.
Deuxièmement : pas question de remettre en cause l’hégémonie du dollar sur l’économie mondiale.
Troisièmement : aucune solution ne verra le jour sans l’accord des Etats-Unis.

L’intransigeance des Etats-Unis

Pour leur part, les Européens ont fait part de leurs remarques concernant les responsabilités dans le déclenchement de la crise. Le 3 octobre dernier, Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, déclarait notamment : « ce sont des événements extrêmement importants et graves qui doivent nous conduire à en tirer absolument toutes les leçons sans complaisance ».
Les critiques des Européens ont-elles des chances d’aboutir ?
Si aucun accord n’est possible, la crise va perdurer, et force est de constater que les chances d’une entente au plus haut niveau sont minimes.
Tout d’abord, les Européens ont accepté que la réunion ait lieu aux Etats-Unis. Le territoire américain est le pire endroit pour négocier une remise en cause des intérêts des Etats-Unis.
Ensuite, il n’existe pas de plate-forme commune rassemblant tous les pays du monde afin de créer un rapport de force suffisant pour faire plier les Etats-Unis. Même au sein de l’Union européenne, des fissures sont apparentes, notamment entre la France et l’Allemagne.
Décidément, les Européens n’ont pas tiré les leçons sur la nature réelle de cette crise. Cette dernière est en fait une guerre monétaire qui vise à affaiblir l’euro, la seule monnaie susceptible de faire de l’ombre au dollar. Et pour le moment, Washington est en train d’atteindre cet objectif, eu égard à la chute de l’euro par rapport à la devise des Etats-Unis.
Enfin, ce Sommet ne concernera qu’une minorité de pays, alors que la crise est mondiale. Or, des peuples qui ne sont pas concernés par la spéculation boursière, un métier de riches, paient les conséquences du cataclysme financier.
Pour toutes ces raisons, les chances d’aboutir à un accord sont réduites. Et lorsque l’on constate l’intransigeance du gouvernement des Etats-Unis sur ses positions, il apparaît clairement que le pays qui tirera bénéfice de la crise est tout désigné.

Manuel Marchal

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