De Wall Street à Plaisance : la crise en trois étapes

19 janvier 2009, par Manuel Marchal

Trois informations qui illustrent la manière dont la crise se propage. Ce sont tout d’abord les conséquences de la restructuration de l’industrie financière américaine, avec des milliers d’emplois supprimés et des dizaines de milliards de fonds publics engloutis dans le renflouement des banques dont la survie est jugée utile par Washington.
C’est ensuite la répercussion de la crise en Europe. Une de ses manifestations est la baisse des ventes de voitures, ce qui provoque une grave crise dans le secteur de l’automobile. Résultat : des dizaines de milliers de travailleurs perdent leur emploi, et d’autres sont dans l’incertitude. Un tel climat de précarité ne donne pas envie de voyager à l’autre bout de la terre. C’est ce qui explique pourquoi Air Mauritius est en crise. En effet, la plupart des touristes qui arrivent à Maurice par Air Mauritius ou Air France viennent d’Europe, un continent touché par la crise financière devenue crise économique. À la différence de son actionnaire Air France, Air Mauritius n’a pas la même masse critique et la même diversification des marchés capables d’atténuer l’impact de la crise.

M.M


Une des dernières décisions de George Bush en tant que président des Etats-Unis

Bank of America et Citigroup renfloués par Washington

La guerre monétaire lancée par Washington au moment de l’aggravation de la crise des subprimes a bien plus qu’ébranlé le secteur financier des Etats-Unis. Elle a été le point de départ d’une restructuration qui a débouché sur la création de la plus grande banque du monde quand Bank of America a racheté Merrill Lynch. La semaine dernière, le gouvernement de George Bush a annoncé qu’il allait couvrir les pertes de Bank of America. Il va également soutenir un autre géant bancaire : Citigroup.

Quelques heures après avoir obtenu 20 milliards de dollars de capitaux de l’Etat fédéral, Bank of America et sa nouvelle filiale Merrill Lynch ont annoncé vendredi que leurs pertes avaient pratiquement atteint ce montant sur les trois derniers mois de 2008, tandis que Citigroup publiait des comptes trimestriels eux aussi déficitaires.
La période octobre-décembre se solde par une perte de 1,79 milliard de dollars pour Bank of America (BofA), de 15,3 milliards pour Merrill et de 8,29 milliards pour Citi. Jeudi soir, le gouvernement fédéral avait annoncé qu’il apporterait à Bank of America les capitaux nécessaires pour lui permettre d’absorber Merrill Lynch. Parallèlement, le Sénat a dégagé la voie au déblocage du second volet de 350 milliards de dollars du plan Tarp de soutien au secteur financier. Ces mesures ont été prises alors que les responsables politiques continuent de s’inquiéter de la crise financière.
« On assiste à une nouvelle réplique de la crise bancaire », constate Bernard McAlinden, stratège de NCB Stockbrokers à Dublin. « Il y a eu des crédits à mauvais escient, le problème s’est conjugué à la dégradation de l’économie et, désormais, des crédits corrects se transforment en mauvais crédits. La boucle est bouclée ». Le problème se propage en outre au marché des emprunts d’Etat, comme le montre l’envolée du coût de la garantie contre un risque de défaut de l’Etat irlandais.

Une garantie de 118 milliards de dollars

Bank of America, devenu numéro 1 du secteur aux Etats-Unis avec le rachat de Merrill Lynch, va recevoir 20 milliards de dollars de capitaux publics en échange d’actions préférentielles émises au bénéfice de l’Etat. Celui-ci garantira en outre à hauteur de 118 milliards de dollars des actifs à risques du groupe.
Ce plan, élaboré par le Trésor, la Réserve fédérale et la FDIC, l’autorité de garantie des dépôts bancaires, s’ajoute aux 25 milliards de dollars déjà injectés dans Bank of America dans le cadre du premier volet du plan Tarp.
De son côté, Citigroup, qui a déjà reçu 45 milliards de dollars de fonds publics, s’apprête à se restructurer en deux entités distinctes, l’une dédiée à la banque universelle (dépôts et crédits), l’autre aux activités de marchés et à la gestion d’actifs. Il devrait en outre se délester d’activités en difficulté et d’actifs douteux.


Crise en Europe

Aggravation du chômage dans le secteur automobile

Pour faire face à la baisse des ventes de voitures neuves, PSA a décidé d’augmenter les périodes de chômage technique et de supprimer les 3X8 à Sochaux, une usine au cœur d’une région qui respire au rythme de l’usine Peugeot.

Un recours accru au chômage partiel se confirme chez PSA en cette nouvelle année. « Huit jours de chômage supplémentaires ont été annoncés sur le mois de février pour les trois flux de production du site (C5, 407 et C6/Coupé 407/Xsara Picasso) », annonce vendredi la Direction de l’usine PSA de Rennes lors d’un comité d’entreprise exceptionnel. « Le contexte actuel de crise économique contraint le site de Rennes à ajuster sa production, dans le but d’adapter ses volumes aux besoins du marché automobile et de maîtriser au plus juste ses stocks de véhicules ».
Cette annonce intervient alors que les employés, en arrêt depuis le 3 décembre - moitié pour chômage et le reste pour congés - n’ont repris le travail que mercredi 7 janvier.
Ces nouvelles mesures viennent en complément de celles rendues publiques en début de semaine, à savoir cinq journées de chômage partiel par mois en janvier, février et mars, et en plus des mesures de « chômage partiel par rotation » déjà annoncées fin novembre. Chez PSA, les salariés en chômage partiel continuent cependant de percevoir 100% de leur salaire, selon un accord d’entreprise.
« Nous sommes abasourdis par l’ampleur de ces mesures. Nous nous attendions à des annonces, mais pas aussi importantes », reconnaît Pierre Contesse, délégué syndical FO. Selon le syndicat, « pour les trois mois à venir, c’est une baisse de 75% de la production mensuelle sur le site de Rennes La Janais » par rapport à la production normale. Mardi, l’usine PSA de Sochaux a annoncé qu’elle mettait fin aux 3X8, avec la suppression de ses équipes de nuit le 2 février.


Crise dans notre région

Air Mauritius : « Il n’y aura aucun sujet tabou »

Le 14 janvier dernier, soit deux jours après la publication de l’annonce d’un plan de restructuration, le ministre mauricien du Tourisme est intervenu pour réaffirmer le soutien du gouvernement à la compagnie aérienne, tout en indiquant que « les premières mesures de redressement concernent l’ensemble de la compagnie et l’ensemble du personnel. Tous devront faire des sacrifices. Il n’y aura aucun sujet tabou. Toutes les mesures seront prises pour réaliser des économies, tout en offrant un meilleur service à la clientèle ». Voici le communiqué du ministre :

« Air Mauritius est une compagnie cotée en bourse. Elle compte plus de 12.000 actionnaires, petits et grands, qui ont placé leur confiance dans le Conseil d’administration. La loi sur les compagnies et les règlements de la Stock Exchange sont formels et exigent une grande transparence. De ce fait, un ministre de tutelle n’a ni le droit moral, ni les moyens légaux de s’ingérer dans les affaires courantes de la compagnie.
Maintenant que le soutien de l’Etat est nécessaire, le Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, m’a chargé, mardi, de diriger l’équipe qui entamera les discussions avec la compagnie nationale d’aviation. Je remercie le Premier ministre pour sa confiance.
Il faut aussi souligner que, jusqu’à présent, la performance d’Air Mauritius a été très honorable, avec 15 millions d’euros de profits en 2007/2008, un montant exceptionnel, et ceci malgré la libéralisation de l’accès aérien et un climat très compétitif. La compagnie a transporté 1,3 million de passagers en 2007/08, comparé à 1,1 million en 2006/07. Sur les 115.000 touristes supplémentaires en 2008, Air Mauritius en a transporté 55%. Ceux qui nous critiquent ne connaissent pas leur dossier. S’il n’y avait pas eu le hedging, Air Mauritius aurait été encore profitable.
Aujourd’hui, face à la crise économique qui s’intensifie et les pertes encourues et attendues avec le hedging, toute la structure et les opérations d’Air Mauritius sont à revoir. Air Mauritius est en crise et les premières mesures de redressement concernent l’ensemble de la compagnie et l’ensemble du personnel. Tous devront faire des sacrifices. Il n’y aura aucun sujet tabou. Toutes les mesures seront prises pour réaliser des économies, tout en offrant un meilleur service à la clientèle.
Je lance un appel aux Mauriciens pour qu’ils continuent de voyager sur Air Mauritius ainsi qu’au au secteur touristique afin qu’il incite les visiteurs à en faire de même. Je veux dire aux Mauriciens qu’Air Mauritius pourra surmonter la crise afin de continuer à servir notre pays. Le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour remettre la compagnie sur les rails, moyennant des efforts nécessaires et des mesures adéquates.
L’objectif est de faire d’Air Mauritius une compagnie plus forte et plus performante que jamais. Le temps est à l’action et non à la critique. Mettons donc la politique politicaille de côté. Le passé est derrière nous. Retroussons nos manches et mettons nous au travail. »

Xavier Luc Duval
Vice-Premier Ministre, Ministre du Tourisme, des Loisirs et des Communications Extérieures


15% d’arrivée en moins à Maurice en 2009

Dans le "Défi-Plus" de samedi, le Chief Executive Officier d’Air Mauritis précise que le plan de restructuration vise à faire des économies de plus de 10 millions d’euros. Le dirigeant prévoit également une baisse de trafic de 15% à cause de la crise.

« Le Chief Executive Officer d’Air Mauritius, Manoj Ujoodha, révèle au "Défi-Plus" que le plan de restructuration vise à réduire les dépenses de 10,5 millions d’euros.
Selon lui, cet exercice drastique n’est pas uniquement la conséquence du contrat d’achat de kérosène sur la base de 105 dollars le baril, mais également de la crise financière qui secoue le monde. « En période de morosité économique, le nombre de passagers baisse considérablement. Ainsi, nos revenus chutent lamentablement. Sans cette chute, la compagnie aurait pu amortir les effets du hedging et réaliser des profits », clarifie-t-il. Selon les estimations, l’an prochain, les arrivées tomberont d’au moins 15%.
Ainsi, le réseau de dessertes est la première poche de réduction des dépenses. « Quand la demande est en baisse, il faut diminuer la capacité et la fréquence. Avec moins d’activités, on a besoin de moins de ressources et de moins de dépenses », explique-t-il. Du même coup, Air Mauritius n’a pas renouvelé les contrats à durée déterminée des pilotes, notamment étrangers. Par ailleurs, la grosse majorité des expatriés affectés dans les escales ont été rappelés. De plus, il a été décidé de délocaliser les bureaux situés dans les régions à forte valeur commerciale pour des régions moins chères. Depuis trois mois, le bureau de Londres a été transféré.
Les frais de fonctionnement sont la deuxième poche touchée. Un contrôle strict est exercé sur le transport et les heures supplémentaires, ainsi que les allocations. Dans la même foulée, la Direction d’Air Mauritius a décidé de renégocier tous les contrats à longue durée avec ses fournisseurs. De leur côté, les Executive Vice-Presidents ont accepté de consentir à des sacrifices. D’une part, la hausse de leurs salaires est gelée. D’autre part, ils troqueront leurs grosses cylindrées contre des allocations de transport.
Pour Manoj Ujoodha, Air Mauritius a toujours un avenir. Il appelle donc à la synergie à tous les niveaux. D’abord, entre tous les partenaires - le Conseil d’administration, le management et le personnel. Ensuite, entre la compagnie, le gouvernement, les hôteliers et les tour-opérateurs. Samedi prochain, les Managers seront convoqués pour une session de travail dans le but de se pencher sur la restructuration. »

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