
Turbulence à la Mairie de Saint-André
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8 mars 2007
Suite à l’article de notre chroniqueur économique Risham Badroudine, paru le 22 février dernier, un de nos visiteurs du site Internet de “Témoignages” - Yann - a réagi. À son tour, un autre visiteur - Mr Bhapoo - apporte ses commentaires aux éléments critiques de Yann.
“Témoignages” est un espace de débats. Aussi, nous reproduisons ci-dessous les deux contributions, en les portant à la connaissance de nos lecteurs et également à leurs commentaires.
NDLR
Encore des idées reçues sur le développement, les pays riches ne se sont pas développés en pillant le tiers-monde !
Le sous-développement est essentiellement le fruit d’une expansion démographique trop rapide. D’ailleurs, les régions du tiers-monde qui sortent aujourd’hui de la misère (la Chine et l’Asie du Sud-Est) sont des régions qui ont terminé leur transition démographique et qui n’ont pas connu d’explosion de la population comme le monde arabe ou l’Afrique subsaharienne.
Le développement, ce n’est pas s’enrichir sur le dos de l’autre, sans quoi nous serions condamnés à la guerre et à la misère éternelle. Le développement ne doit pas se faire au détriment des pays riches comme c’est le cas à l’heure actuelle (le déficit commercial américain atteint 700 milliards de dollars par an).
Le développement, c’est l’incorporation progressive de solutions techniques pour accroître la productivité du travail. Cette hausse de productivité doit s’accompagner d’une hausse des revenus de ce même travail, sans quoi on assiste à une poussée du chômage (le chômage mondial atteint des records). La Chine ressemble aujourd’hui à l’Occident d’avant Keynes, un travail dont la productivité s’accroît, mais dont les salaires stagnent. Or, des salaires qui stagnent, c’est une demande qui stagne. Les Chinois sont donc obligés d’exporter pour éviter la surproduction, mais l’Occident, qui pèse démographiquement moins lourd que la Chine, n’a pas vocation à absorber indéfiniment les produits chinois. Si ces derniers n’augmentent pas le revenu de leur population, il y aura à terme une énorme crise économique.
Le progrès technique doit conduire à augmenter le revenu des populations et non à accroître sans arrêt le patrimoine de rentiers. En Chine aujourd’hui, 1% de la population détient 60% des richesses. Ce n’est pas la faute de l’Occident, mais de dictature chinoise, qui refuse l’inflation et la hausse des salaires.
Pour terminer, êtes-vous un adepte de l’esclavage, parce que laisser le libre-échange en l’état, c’est condamner nos pays au retour à l’esclave. La plupart des salariés des pays développés ne sont pas des "riches". Ceux qui bénéficient du libre-échange, ce ne sont pas les salariés des pays pauvres, mais les rentiers et les boursicoteurs de la planète entière.
Vous devriez lire ces livres avant de parler sans savoir :
Paul Bairoch : “Mythes et paradoxes de l’histoire économique”
Paul Bairoch : “Le tiers-monde dans l’impasse”
Jean-Luc Greau : “L’avenir du capitalisme”
Yann
Réponse de Mr Bhapoo
Quand un peu d’Histoire éclaire l’économie
Dans la réponse que vous apportez à l’article “Les riches se protègent”, vous abordez plusieurs thèmes que je voudrais reprendre un à un.
1) A mes yeux, le pillage opéré par les pays colonisateurs sur les pays colonisés ne fait aucun doute.
Les pays du Nord ont aussi connu une explosion démographique qui s’est traduite par la conquête et la colonisation du Monde. N’oublions pas que les Amérindiens, les peuples autochtones d’Australie et de Nouvelle-Zélande ont été exterminés suite à cette expansion des Européens vers d’autres continents.
Selon les estimations de l’économiste Angus Maddison, la Chine et l’Inde représentaient 57% de la population en 1820 et un peu moins de la moitié de l’économie mondiale.
Pour l’économiste allemand André Gunder Frank, « la Chine et l’Inde étaient les deux grandes régions les plus “centrales” dans l’économie mondiale ». L’Inde était compétitive par sa « productivité relative et absolue » dans le secteur des textiles et par sa « domination du marché des cotonnades » ; la Chine, de sa « productivité encore plus grande dans les domaines industriels, agricoles, dans le transport (fluvial) et le commerce ». Alors que l’Europe et les Amériques jouaient « un rôle d’une faible importance » avant 1800.
La fracture fondamentale du monde intervient au 19ème siècle avec l’accélération de la Révolution industrielle, et surtout l’expansion coloniale, c’est-à-dire quand la domination européenne se traduit par une désindustrialisation de l’Asie. Les pays colonisateurs ont imposé à ses colonies des cultures d’exportation uniquement destinées à satisfaire les besoins de la métropole. En Inde, la Grande-Bretagne refuse à sa colonie le droit de s’industrialiser. Elle continue d’appliquer à l’Inde le système mercantiliste. C’est à propos du coton et du jute que le problème se pose d’abord. Les industriels anglais entendent que ces fibres soient entièrement exportées brutes vers l’Europe, pour être travaillées exclusivement dans les usines anglaises, et que les Indiens se contentent du rôle d’acheteurs des tissus de la métropole. Le coton accomplit ainsi un circuit de plusieurs milliers de kilomètres, inattendu, mais conforme à la division du travail dont l’Angleterre du 19ème siècle entend profiter. Ainsi s’accomplit une véritable désindustrialisation des pays colonisés. Les milieux d’affaires anglais obtiennent même qu’une taxe spéciale frappe les produits manufacturés de fabrication indienne vendus en Inde, afin que l’avantage reste aux articles en provenance de la métropole.
C’est pourquoi, l’Inde, première manufacturière de cotonnades avant 1800, vit son industrie textile assez rapidement dévastée. Elle devient exportatrice nette de coton brut et finit, vers la fin du 19ème siècle, par importer la quasi-totalité de ses besoins en produits textiles.
Quant à la Chine, après deux guerres (1839-1842 et 1856-1858), et suite à des traités qui lui sont imposés, connut une désindustrialisation du secteur sidérurgique.
Cette politique se traduit par un recul général du niveau de vie des peuples colonisés et l’apparition des famines.
A cette désindustrialisation, s’ajoute la traite des Noirs en Afrique, où des dizaines de millions d’hommes et de femmes sont emportées afin de travailler dans des plantations pour fournir des matières premières aux industries européennes. L’esclavage atteint des sommets avec les grandes découvertes. Un commerce inhumain s’instaure, qui consiste à extraire de leur pays des millions d’Africains pour leur faire produire coton, café, sucre ou épices. Quatre à cinq millions de Noirs vers les Caraïbes, autant vers le Brésil, un demi-million vers l’Amérique du Nord... afin d’enrichir les industries européennes. Jamais un continent n’avait été saigné à ce point. En 1635, les Français prennent pied en Guadeloupe et Martinique. Très vite, les Caraïbes deviennent l’enjeu de luttes entre les grandes puissances, tandis que les Amérindiens (Karib) sont expulsés vers des îlots voisins, et anéantis. Un système de production colonial (tabac, puis sucre) s’instaure, appuyé sur l’esclavage. Le sucre est ensuite raffiné à Rouen, la Rochelle et Bordeaux. La Réunion n’a pas échappé à l’esclavagisme, puis à l’engagisme. Le mot “esclave” apparaît pour la première fois à Bourbon en 1685. Le colonialisme, l’esclavagisme, l’engagisme sont responsables des problèmes actuels des sociétés du Sud.
Rappelons encore une fois que l’esclavagisme a été reconnu comme “crime contre l’humanité” par notre République, la France.
2) Si, aujourd’hui, les firmes occidentales vont en Chine et en Inde pour conquérir des marchés, c’est qu’on a une explosion de la consommation dans ces pays. Les économistes estiment aujourd’hui la classe moyenne indienne à plus de 350 millions de personnes et la classe moyenne chinoise à plus de 500 millions. Les revenus moyens indiens et chinois connaissent une croissance de l’ordre de 8% à 10% par an. L’affirmation selon laquelle « 1% de la population détient 60% des richesses » est donc non fondée.
Aujourd’hui, l’émergence du Sud n’est qu’un début du rééquilibrage d’un monde déstabilisé par la colonisation. Les progrès réalisés par la Chine et l’Inde sur les 30 dernières années sont inéluctables. Ces deux pays représentent aujourd’hui près de 20% du PIB mondial (en parité de pouvoir d’achat) pour 37,7% de la population mondiale. Mais il reste encore beaucoup à faire pour réduire les inégalités, car le milliard d’habitants de l’ensemble des pays riches (16% de la population mondiale) continue de monopoliser près de 80% des revenus mondiaux en 2004, selon la Banque mondiale. Le revenu par tête des pays riches reste encore 21 fois plus élevé que celui des pays du Sud, malgré une forte croissance de la Chine et de l’Inde. 197 grandes firmes américaines continuent en 2006 de compter à elles seules pour 44% de la valeur boursière des 500 sociétés les plus importantes au monde (les firmes chinoises et indiennes ne représentent respectivement que 1,2% et 0,8%). Alors, lorsque des firmes comme Tata Steel ou le fabricant chinois d’ordinateur Lenovo font leur entrée en Occident, ce n’est qu’un petit début du rééquilibrage d’un monde encore soumis aux effets de la colonisation. Quant à l’Afrique subsaharienne, avec 32% de la population souffrant de sous alimentation, elle ne pèse aujourd’hui que 1,3% de la valeur ajoutée industrielle mondiale contre 74,8% pour les pays riches. Ce continent a été abandonné par un manque de rentabilité.
3) Il n’y a pas de comparaison à faire entre la situation des “pauvres” dans les pays riches et les pays du Sud. Rappelons que 2,5 milliards de personnes dans les pays du Sud vivent avec moins de 2 dollars par jour et 1,1 milliard avec moins de 1 dollar par jour. La comparaison n’est pas à faire avec le revenu les plus bas des pays riches. Ces derniers demeurent largement supérieurs aux revenus des “pauvres” des pays du Sud.
4) Les pays riches qui préconisaient un libre-échange à travers l’OMC reviennent aujourd’hui au protectionnisme. Protectionnisme économique à travers la mise en place de barrière tarifaire et non-tarifaire. Les exemples abondent ces derniers temps (ex : patriotisme économique). Les adeptes d’un capitalisme national se protègent au niveau mondial ! Les Occidentaux n’acceptent plus les règles de jeu fixées par eux-mêmes. “Protectionnisme humain” par la fermeture des frontières (ex : construction d’un mur de 1.100 km entre les Etats-Unis et le Mexique).
Aujourd’hui, ces pays reviennent au protectionniste, car ils se sentent menacés par l’émergence de nouveaux pays industrialisés du Sud.
Des grands économistes “libéraux” comme Joseph E. Stiglitz (Prix Nobel d’Economie 2002) ou encore Paul Samuelson (Nobel d’Economie et professeur au Massachusetts Institutes of Technology) analysent aujourd’hui les conséquences négatives du libre-échange pour les Américains, victimes de la pression à la baisse sur les salaires exercés par la Chine et l’Inde.
La concurrence des entreprises des pays du Sud fait aujourd’hui peur aux pays développés. Le Président des Etats-Unis dispose même depuis 1998 d’une arme pour contrer les OPA jugées dangereuses : le Cifus (Committee on Foreign Investments in the United States). Cet organe lui recommande d’interdire tout projet qui mettrait en péril la “sécurité nationale”.
A l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), Pascal Lamy a beaucoup de mal à boucler le cycle “de Doha”. Les efforts faits jusqu’à présent sont aujourd’hui remis en cause. Les discussions entre pays industrialisés et émergents n’ont pratiquement aucun résultat. Les Américains refusent d’ouvrir le marché des produits agricoles.
5) Je voudrais aussi revenir sur la notion des hausses de salaires, notamment à travers les délocalisations des entreprises occidentales dans les pays du Sud. Les salariés de ces entreprises délocalisées sont payés moins qu’en Occident. Ces multinationales profitent de la délocalisation pour payer la main d’œuvre moins cher qu’en Occident et vendent ces produits chers sur leur marché (forte plus-value). Pourquoi les entreprises occidentales qui délocalisent en Chine ou en Inde ne paient pas dans ce cas ces salariés au même niveau qu’en Occident ? Que les firmes occidentales commencent par donner l’exemple.
6) Et enfin, pour terminer, je vous prie de trouver une liste d’ouvrages et d’articles afin de parfaire vos connaissances sur le sujet :
- “Etudes du Centre de Développement : L’Economie mondiale : Statistiques historiques” par Angus Maddison OCDE
- “L’Economie mondiale : perspective millénaire” d’Angus Maddison OCDE
- “Trois outils pour l’analyse du sous-développement : la domination, la désarticulation, les coûts de l’homme” de F. Perroux, Cahiers de l’IJEA, 1952
- L. Bergeron “Les révolutions européennes et le partage du monde” Rober Laffont 1985
- P. Clastres, préface à M. Sahlins, “Age de pierre, âge d’abondance”, Gallimard 1976
- “L’endettement des pays en voie de développement : origine et mécanisme” de Georges Corn, édition Arnau 1982
- Fernand Braudel “Civilisation, économie et capitalisme, XVème-XVIIIème siècle” coll. Références
- Ernest Mandel : “1969 : La nouvelle montée de la Révolution industrielle”
- André Gunder Frank “Économie globale dans l’âge asiatique et le système du monde : Cinq cents ans ou cinq mille”.
- “La mondialisation capitaliste dans une perspective historique (du 15ème au 21ème siècle) : le blocage du développement du Tiers Monde : élément d’explication et pistes de solution” par Eric Toussaint
- “Manière de voir 74 ; Avril-Mai 2004 : 50 années qui ont changé notre Monde”
- Badroudine Risham : “Les origines du sous-développement”, “Témoignages” du 4 novembre 2005
- Badroudine Risham : “Les conséquences de la colonisation”, “Témoignages” du 16 novembre 2006
- Badroudine Risham : “De la colonisation au Tiers Monde”, “Témoignages” du 30 novembre 2006
- Badroudine Risham : “Le retour au protectionnisme”, “Témoignages” du 10 août 2006
- Badroudine Risham : “Patriotisme économique”, “Témoignages” du 13 juillet 2006
Bonne lecture !
Bhapoo
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