Sur fond de campagne électorale

Défiscalisation et congé solidarité : histoires parallèles ?

2 novembre 2006

Selon le dernier numéro de “l’Express”, la défiscalisation sera maintenue, bien que l’impact sur l’emploi des 690 millions d’euros d’exonération fiscale et des 850 millions d’exonération de cotisation patronale à la Sécurité sociale soit impossible à évaluer. Créateur de 2.000 emplois pour un budget de 59 millions d’euros, le congé solidarité sera-t-il supprimé ?

La défiscalisation fait la “une” du dernier numéro de “l’Express”. Ce dispositif d’exonération de cotisation patronale et d’impôt sur le revenu ne sera pas remis en cause, insiste l’hebdomadaire. Cette analyse repose notamment sur deux constats. Tout d’abord, la commission d’évaluation de la loi-programme pour l’Outre-mer estime « de façon unanime » que « la loi-programme a créé un climat favorable au développement économique et social », selon son rapporteur, Bertho Audifax, député UMP de La Réunion. Ensuite et surtout, “l’Express” relève qu’« en cette année électorale, la remise en question du système n’est pas à l’ordre du jour ». En cas d’élection présidentielle au résultat incertain, le poids de l’Outre-mer peut faire facilement pencher la balance dans un camp ou dans l’autre. Ce qui explique pourquoi la défiscalisation a encore de beaux jours devant elle.

Coût pour la Sécu : 850 millions d’euros

Même si, note “l’Express”, « il y a bien un point sur lequel tout le monde s’accorde (pas moins de 5 audits venant de différentes administrations et du Conseil économique et social ont été commandés en même temps !), c’est l’impossibilité actuelle, faute d’outils statistiques et méthodologiques précis, de toute évaluation convenable ». Les indicateurs de la défiscalisation restent dans le vague : baisse du chômage, hausse de la croissance, « modernisation de l’appareil productif » et un avantage « qui n’est plus à démontrer » pour les petites entreprises qui représentent l’essentiel du tissus économique à La Réunion, notamment pour obtenir des prêts auprès des banques.

D’autres données sont plus précises. Elles concernent le coût de telles mesures sur les budgets nationaux en 2005 : 690 millions d’exonération d’impôt diminuent d’autant les recettes de l’État. Quant aux patrons, la défiscalisation leur permet d’éviter de verser 850 millions d’euros à la Sécurité sociale. Autre question : qui sont les gagnants de la défiscalisation ?
Pour Jean-Christophe Lagarde, député UDF, « seuls les riches en profitent. Ils sont 13.000 à 14.000 personnes à bénéficier, en moyenne, de 60.000 euros de réduction d’impôt ». « L’exercice est réservé aux initiés », ajoute-t-il. Toutes ces sommes sont considérables, surtout pour un outil dont il est impossible de connaître le nombre d’emplois qu’il a permis de créer ou de préserver.

2.000 emplois créés

Dans le même temps, un autre dispositif est, lui, bel et bien menacé. Il est pourtant soutenu par les syndicats, les organisations patronales et les 3 Chambres consulaires : le congé solidarité. Créé par la loi d’orientation pour l’Outre-mer, il est censé se terminer au 31 décembre prochain. Tous les acteurs économiques réunionnais appellent le gouvernement à prolonger la durée de vie du dispositif. Ce dernier permet à un travailleur âgé de partir en préretraite, à la condition que son entreprise embauche un jeune pour le remplacer. Autrement dit, il ouvre la porte de l’emploi aux jeunes, tout en reforçant la cohésion sociale puisque l’embauche est liée à un acte de solidarité d’un travailleur plus âgé.

Or, à moins de 3 mois de l’échéance, l’État n’a toujours pas pris de décision. Est-ce la volonté de mettre fin au congé solidarité ? Une crainte amplifiée par Guy Dupont, Président de la Fédération des entreprises des DOM. Dans une interview publiée le 5 octobre dernier dans “Le Quotidien”, ce dirigeant indique implicitement que le dispositif ne sera pas reconduit, « l’État le jugeant trop onéreux », écrit “Le Quotidien”.

Mardi, l’Intersyndicale a appelé à la mobilisation pour sauver et améliorer le congé solidarité. Le congé solidarité a permis de créer à La Réunion 2.000 emplois pour les jeunes, relèvent les organisations syndicales, et des améliorations peuvent en faire un outil beaucoup plus performant au service de la lutte contre le chômage. Mais pour le moment, ces appels à la raison ne sont guère entendus. Et malgré le contexte préélectoral, un moyen de faire reculer le chômage à La Réunion risque d’être supprimé le 31 décembre prochain.

Amplifier la mobilisation

Financé à 60% par l’État, à 15% par l’entreprise, à 12,5% par la Région et à 12,5% par le Département, le congé solidarité a coûté au total 59 millions d’euros depuis sa mise en place en 2002. L’État a donc dû verser 35,4 millions d’euros en 3 ans, soit 20 fois moins que pour 1 an de défiscalisation !
« Une défiscalisation améliorée, ciblée, contrôlée semble avoir de beaux jours devant elle », écrit “l’Express”. Gageons que la mobilisation des syndicats, des patrons, de la Région et du Département et de toutes les forces vives de La Réunion et de l’Outre-mer puisse garantir au congé solidarité la même pérénnité que la défiscalisation. La survie du congé solidarité s’intègre dans la bataille que mène le pays pour faire reculer le chômage. On ne peut que souhaiter que le contexte préélectoral puisse être un atout dans l’amplification de la mobilisation pour cette juste cause.

M.M. 


Petits calculs

Selon les organisations syndicales, le congé solidarité a permis de créer 2.000 emplois à La Réunion. D’après les ASSEDIC, le dispositif a coûté 59 millions d’euros. Soit en moyenne 29.500 euros par emploi à la charge de l’État (17.700 euros), de l’entreprise (4.425 euros), de la Région (3.687,50 euros) et du Département (3.687,50 euros).

Concernant la défiscalisation, “l’Express” donne l’exemple d’un hôtelier néo-calédonien qui souhaitait agrandir son établissement. Avec la défiscalisation, « l’investissement de 5,75 millions d’euros est ramené à 40% de son coût initial pour le promoteur ». Ce dernier s’est engagé à créer 6 emplois. Pour cet hôtelier, la création d’un emploi revient à 958.333 euros, financés à 60% par la défiscalisation. C’est-à-dire une subvention de 575.000 euros par emploi créé.

Sachant qu’aucun moyen ne permet d’évaluer l’impact de la défiscalisation sur l’emploi, il est impossible de connaître avec précision l’aide moyenne que l’État verse pour créer ou maintenir un emploi avec ce dispositif. Mais cet exemple souligne que la pérénisation de la défiscalisation signifie qu’il est possible d’obtenir le maintien d’une mesure qui permet à un employeur d’être aidé jusqu’à 575.000 euros par emploi créé. Dans ce cas, l’argument invoquant le coût trop élevé du congé solidarité pour envisager sa suppression ne tient pas.


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Messages

  • et les plus agés de plus de 30 ans qui travaillaient dans ces entreprises dans la précarité
    et qui ont de l’experience.ils ont droit a un cdd ou un cdi aussi.il y a une justice drole dans ce pays


Témoignages - 80e année


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