Un article de l’Humanité : ’Quand le CAC 40 se régale sur le dos des salariés’

Des bénéfices impressionnants pour les actionnaires

20 avril 2006

Dans son édition du 6 avril dernier, l’Humanité pose le problème de la répartition des revenus du travail à travers un dossier et un article de Sébastien Ganet dont nous publions ci-après les extraits.

" En 2005, quand les bénéfices des entreprises ont augmenté de 30% et les dividendes de 27%, le pouvoir d’achat des salariés n’a augmenté que de 1,4 point.
C’est encore une année faste pour l’actionnaire. La présentation des comptes 2005 est à peine close que déjà le constat s’impose : pour la troisième année consécutive, les dividendes explosent alors que les salaires stagnent. Parmi les quarante plus grandes sociétés cotées à la Bourse de Paris (indice CAC 40), France Télécom bat le record d’augmentation du dividende : +108%. Total détient celui du bénéfice et du dividende les plus importants (en valeur absolue), respectivement 12 milliards et 6,48 euros. Enfin, Danone s’impose pour l’augmentation la plus spectaculaire du bénéfice net, +226% (voir encadré). 2005 est donc un très bon cru pour les détenteurs de gros patrimoines mobiliers, même si les niveaux faramineux de 2004 ne sont pas atteints. Pour 2004, Arcelor annonçait une hausse de son bénéfice de 800%, alors qu’elle n’a été “que” de 67% en 2005.

Le fossé se creuse

Au total, les bénéfices du CAC 40 ont augmenté de 30% en 2005 (ou de 50% hors normes IFRS). La somme des dividendes prévus augmente de plus de 26%. Par contre, selon les chiffres de la DARES, le salaire mensuel de base a augmenté de 3% en 2005, après 2,6% en 2004. Si l’on déduit la hausse des prix, donnée par le taux d’inflation (hors tabac) calculé par l’INSEE, qui a été mesuré à +1,6% en 2005, le gain net de pouvoir d’achat des salariés est en réalité de 1,4 point. Toutefois, ce chiffre est lui-même à relativiser dans la mesure où l’inflation mesurée par l’INSEE sous-estime largement le poids de certains postes de dépenses comme les loyers (+3,5%), l’énergie (+7%) ou les produits alimentaires frais (+4,5%).
Les comparaisons par branche d’activité sont plus éloquentes encore alors que 70% à 80% d’entre elles présentent des minima en dessous du SMIC. Le secteur bancaire et de l’assurance est un “cas d’école”. Au Crédit agricole, par exemple, les bénéfices ont décollé de 56% en 2005 (après +93% en 2004) et les dividendes ont dépassé 42% d’augmentation. Par contre, d’après la CGT du Crédit agricole, il faut obtenir 302 points d’indice pour atteindre le SMIC, soit le troisième échelon de la convention collective avec une exigence de qualification à l’embauche située à bac +2. Dit autrement, la banque bénéficie de salariés de plus en plus qualifiés mais qu’elle paye, comparativement, de moins en moins bien. Toujours parmi les banques du CAC 40, la BNP Paribas arrive en tête du montant absolu de bénéfices. Elle aligne un bénéfice net de 5,85 milliards d’euros (+25% par rapport à 2004) et un dividende en hausse de +30%. En revanche, les salaires à la BNP Paribas n’augmenteront que de 1,15% en 2006.

Court terme

La “financiarisation” des gestions pousse les directions à sabrer à l’aveugle dans les coûts pour gonfler leurs résultats. Tout est bon pour séduire l’actionnaire. Comme le notent les chercheurs Ali El Mi et Souad Seboui, "l’objectif de ces interventions [...] est de refléter sur le marché une performance désirée (1)". Au-delà des présentations comptables, le rachat d’actions permet aussi d’augmenter le dividende. De 2000 à 2003, les groupes du CAC 40 ont racheté pour 56 milliards d’euros de leurs propres actions. Le redémarrage actuel des fusions-acquisitions (Arcelor-Mittal, Suez-GDF, Alcatel-Lucent...) vise, en dernière analyse, à augmenter à court terme le rendement des fonds propres apportés par les actionnaires plutôt que d’investir et de créer des emplois pour pérenniser l’activité.
De manière générale, comme l’explique Isabelle Pivert (2), la "valeur actionnariale" pèse à tel point dans les firmes que "si un manager n’est pas imprégné de cette idée, jusqu’à faire corps avec elle, il est impossible qu’il accède aux plus hautes sphères dirigeantes". En conséquence, alors que la croissance réelle stagne à 1,4% (évolution du PIB en un an), la croissance financière devient débridée. Le CAC 40 a progressé en un an de 35%, dépassant récemment les 5.226 points, un niveau qu’il n’avait pas atteint depuis cinq ans.

(1) “Stratégies d’innovation, diversification et gestion des résultats”, par Ali El Mi et Souad Seboui, la Revue des sciences de gestion, nº 216.
(2) Soleil capitaliste, entretiens au cœur des multinationales, par Isabelle Pivert, Éditions du Sextant, 2006.


226% de bénéfices pour les actionnaires,
des centaines de licenciements pour les travailleurs


Selon l’AFP, une filiale de Danone, LU France, va céder l’activité et la marque Jean Ducourtieux, qui emploie 230 personnes à Champagnac-de-Belair (Dordogne) à la société DPI dirigée par Alain Téot, a indiqué mercredi LU dans un communiqué.
L’AFP précise que "ce projet de cession intervient dans le cadre d’une rationalisation des activités du groupe Danone après la fermeture, en 2004, de ses usines de biscuits de Calais et d’Evry (Essonne) et le licenciement de 816 salariés".
Comme on peut le lire plus haut, les bénéfices de Danone ont augmenté de 226% en 2005.


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