Ouverture du capital d’EDF au privé : l’usager premier pénalisé

Des conséquences dramatiques pour des cas analogues

23 juin 2004

Les défenseurs de l’ultralibéralisme, et en particulier le gouvernement, vantent les bienfaits de la privatisation et de la concurrence qui, selon eux, profite à l’usager. Ce qui est loin d’être vrai.

L’an dernier, des économistes lançaient un pavé dans la mare : le bureau d’expertise américain, NUS Consulting Group, a analysé le prix de l’électricité dans 14 pays occidentaux qui ont délégué au privé la responsabilité de fournir de l’électricité. Il révèle que 10 d’entre eux ont connu des hausses de prix (hors taxes) sur l’année 2002 allant de 0,9% pour le Canada à 33% pour la Finlande : "la dérégulation semble loin de garantir aux consommateurs une baisse des prix. Au contraire, elle se traduit souvent par des hausses répétées et parfois considérables".
Ces fortes augmentations de prix s’expliquent mécaniquement par le fait que l’électricité n’est pas une marchandise classique : c’est un bien vital, non stockable, si bien que le consommateur est prêt à payer très cher pour être livré immédiatement et n’a donc aucun pouvoir de négociation.
La production et le transport de l’électricité exigent des infrastructures lourdes, et l’expérience montre que seuls quelques producteurs en place s’entendent pour maintenir des prix à un niveau suffisamment élevé et empêcher l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.
En Californie, les producteurs ont volontairement arrêté d’investir dans de nouveaux moyens de production pour faire monter les prix. De fait en un an, de juin 1999 à juin 2000, les prix ont été multipliés par quatre, puis les coupures d’électricité sont devenues fréquentes : les consommateurs ont dû investir dans des groupes électrogènes. Aujourd’hui, la consommation d’électricité en Californie fait parfois l’objet de rationnements tandis que l’État a dû s’endetter de plus de 9 milliards de dollars pour se substituer aux opérateurs.
Les experts sont nombreux à pointer la vétusté des infrastructures américaines, résultat d’une privatisation fondée sur les profits à court terme du secteur privé. Un seul chiffre résume l’ampleur du problème : les Américains ont investi autant dans leur réseau de distribution que la Grande-Bretagne, pour une consommation dix fois supérieure. "Le plus gros consommateur d’énergie du monde a construit des centrales de production mais ne s’est guère préoccupé de l’acheminement de l’électricité, car ce n’est pas une activité rentable. Qui plus est, les opérateurs privés qui se sont partagé un réseau privatisé ont peu d’intérêt à investir dans un domaine qui risquerait d’amener des concurrents dans leur zone d’activités. D’autant que leur unique objectif est le profit", écrivait “le Monde” dans son éditorial du 17 août 2003.


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