Élection à la CCIR :

Des enjeux trop banalisés

20 octobre 2004

Jamais sans doute une élection professionnelle n’aura été aussi médiatisée comme celle du scrutin du 3 novembre prochain qui désignera les élus de la Chambre de commerce. Celle-ci gère seule ou en partenariat l’aéroport de Gillot et le port de la Pointe des Galets, deux structures essentielles dans le désenclavement de La Réunion. Par ailleurs, elle peut contribuer à ce que l’île se ré-industrialise tandis qu’elle sera un partenaire décisif dans la définition des projets de développement de l’île. Ces enjeux sont malheureusement camouflés par la bataille électorale et par les rumeurs de fraudes et de magouilles qui l’accompagnent.

Les élections de la Chambre de commerce et d’industrie du 3 novembre prochain inaugurent le cycle de renouvellement des instances dirigeantes des trois chambres consulaires de La Réunion, celui de la Chambre des métiers et celui de la Chambre d’agriculture devant intervenir un peu plus tard.
Contrairement aux élections à caractère politique, ce scrutin échappe à un certain nombre de règles. Il ne connaît aucune réglementation en matière de financement de la campagne. Cela explique la multiplication des placards publicitaires dans la presse locale. Ce scrutin, qui met pourtant en compétition des listes - et non des candidatures individuelles - ne fait pas obligation d’appliquer le principe de la parité. Un oubli qui ne traduit pas le rôle de plus en plus grand joué par les femmes dans les milieux socio-professionnels et qui ne favorise pas leur émergence dans la vie sociale, économique et, au-delà, dans la vie politique.
Ce scrutin se déroule par collèges. Leur multiplication ajoutée à la multiplication des listes redent impossible tout pronostic fiable et l’expérience a montré que pour devenir président de la CCIR, il faut souvent composer et monter une coalition pour diriger. Par ailleurs, on peut noter une sorte de déséquilibre : la représentation élue par collège n’est pas souvent représentative de l’importance de chaque collège ou, plus exactement, du nombre d’inscrits.

Menaces, pressions, achats de votes...

Ceci étant, ce scrutin verra la généralisation du vote par correspondance. C’est le seul mode d’expression retenu. Il n’y a plus panachage entre vote par correspondance et vote dans des bureaux ouverts dans tout le département. L’expérience de plusieurs décennies à La Réunion, fait craindre le développement de pratiques douteuses pour ne pas dire de fraudes.
Au vu des informations qui nous parviennent, c’est malheureusement ce qui est en train de se passer. L’enjeu est simple : c’est à qui ramassera le plus de documents électoraux. À ce jeu, rien n’est épargné. Certains candidats, forts en gueule, usent simplement de menaces et de pressions. D’autres achètent les votes tandis que des listes qui comptent se coaliser pour diriger la chambre procèdent entre elles à la répartition des votes.
Ces irrégularités viennent entacher une élection dont les enjeux sont considérables.

Quelle industrialisation ?

Au fil du temps, à la suite notamment de la perte de nombreuses usines sucrières, La Réunion s’est désindustrialisée à un point tel que l’on a fini par oublier que le I de l’abréviation CCI correspond au terme “industrie”. On parle couramment de la Chambre de commerce et non de la Chambre de commerce et d’industrie. De manière caricaturale, on pourrait dire que les préoccupations premières de la chambre consulaire ont été le développement des centre-villes ou l’implantation des surfaces commerciales. Cela traduit sans doute une réalité : celle de la place de plus en plus grande prise par la société de consommation. Mais, pour autant, La Réunion est-elle condamnée à ne plus connaître une industrialisation ? Si, elle doit développer son tissu industriel, elle doit le faire dans quels secteurs ?
Or, il est de plus en plus fortement question d’implanter sur le sol réunionnais des unités industrielles pouvant faire travailler des milliers de personnes, avec notamment des investissements venus de Chine.
Par ailleurs, les nouvelles lois de décentralisation renforcent le rôle de la Chambre dans la gestion - seule ou en partenariat - du port de la Pointe des Galets et de l’aéroport de Gillot, soit deux structures primordiales pour le désenclavement et le développement de La Réunion.
La parfaite maîtrise de ces deux outils est essentielle pour le désenclavement de La Réunion et son développement touristique, industriel, commercial. La Réunion peut pouvoir jouer le rôle de "hubs" maritimes et aériens dans cette partie de l’océan, ou est elle condamner à laisser Maurice jouer ce rôle ?

Mieux connaître la formation des prix

Par ailleurs, il est connu que le passage de toutes marchandises, de tous produits par le port de la Pointe des Galets est déterminant dans le processus de la formation de leur prix. Depuis longtemps on cherche à déterminer quel est exactement le différentiel des prix - et au-delà du coût de la vie — entre la métropole et La Réunion. Une des priorités que pourrait s’assigner la nouvelle direction de la chambre consulaire serait de contribuer de manière active à ce travail en permettant d’accéder aux données essentielles liées à la transition des marchandises au port de la Pointe des Galets.
Enfin, la future équipe dirigeante de la Chambre sera interpellée, sinon associée, à toutes les initiatives qui seront prises dans les mois et années à venir (élaboration du nouveau SAR, négociation du nouveau DOCUP, définition par la Région d’axes de développement...) pour préparer La Réunion du million d’habitants. La Chambre de Commerce sera donc un partenaire essentiel dans le développement réunionnais tant notre île a besoin que toutes ces forces vives participent au même objectif : repousser les limites du chômage, donner à toutes et tous des raisons de vivre et travailler ici. Ces futurs dirigeants accepteront-ils de jouer le jeu ?

J.M.


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