Des pétroliers affirment perdre de l’argent en vendant du super

Deux compagnies pétrolières survivront-elles au Tour Auto ?

25 juillet 2009, par Manuel Marchal

Hier, une radio et un blog relayaient une rumeur selon laquelle deux compagnies pétrolières auraient lancé un ultimatum : ne plus livrer de Super aux stations-service à partir du 1er août si le préfet n’augmente pas le prix. Ces deux compagnies affirment qu’elles refusent de vendre à perte. Si une telle affirmation était vraie, alors la logique voudrait que les livraisons cessent dès maintenant afin que les pétroliers empêchent le déroulement du Tour Auto. Car c’est probablement durant ce week-end de course automobile que la consommation de Super atteindra son plus haut niveau de l’année. Les compagnies pétrolières y survivront-elles ?

Après le blocus de la Région pour protéger les pétroliers au mois de novembre, après la tentative de manipulation du Premier ministre au début du mois pour vouloir accréditer la thèse selon laquelle les collectivités locales sont responsables de la crise dans le BTP, c’est un nouveau coup de force qui serait en train de se préparer.
Selon une radio et un blog, deux compagnies pétrolières implantées à La Réunion menaceraient de ne plus vendre de Super à La Réunion à partir du 1er aout si le préfet décidait de ne pas augmenter les prix. Ces compagnies affirment qu’elles vendent le Super à perte.

Manifestement, c’est un bien étrange procédé pour tenter de revendiquer une augmentation de ses profits. Car tout le monde sait qu’un tel raisonnement ne tient pas. Il suffit de constater qu’en France, le prix hors taxe du litre de Super est de 30 centimes, et à La Réunion de plus de 70 centimes.
Si avec 30 centimes en France, les pétroliers font des bénéfices, comment expliquer qu’à 70 centimes à La Réunion, les pétroliers vendraient à perte ? À moins que dans l’hémisphère Sud, les règles de l’arithmétique ne soient pas les mêmes ? Car où est la transparence pour affirmer que le prix actuel payé par les Réunionnais est trop faible ?

Où est la transparence ?

Les différents rapports parlementaires qui se succèdent et celui de l’Autorité de la Concurrence vont dans le sens inverse de l’argumentation des pétroliers. Ils confirment ce qu’affirmait au mois d’octobre un Collectif de 25 associations : il est possible de baisser les prix. Mais pour faire avancer sa revendication, le Collectif n’avait pas menacé d’un coup de force, il avait expliqué sur le terrain la justesse de son argumentation et recueillait l’adhésion croissante de la population.
Début novembre, afin de casser le mouvement revendicatif, la réplique des adversaires de la transparence a été violente : cinq jours de paralysie de l’île, le blocus de la Région et le prélèvement de 2,5 millions d’euros dans les caisses des collectivités. À se demander si Joël Mongin, le préfet et les pétroliers n’agissaient pas de concert pour préserver les profits d’intérêts privés au détriment du pouvoir d’achat de 800.000 Réunionnais.
Le retour de boomerang a été tout aussi percutant à l’encontre de Joël Mongin et de ses amis. Le 5 mars, des dizaines de milliers de Réunionnais sont dans la rue pour faire avancer 62 revendications. La première qui obtient satisfaction est la baisse des prix du gaz et des carburants.
Mais depuis quelque temps, des manœuvres sont organisées pour préparer l’opinion à une hausse des prix des carburants. C’est tout d’abord le retour sous les feux des médias de Joël Mongin. L’absence de rendez-vous à la Région dans le programme concocté pour le Premier ministre offre la possibilité à Joël Mongin et à quelques camionneurs de venir faire le blocus de la Région. Ce sont ensuite des propos insultants, avec à l’appui une banderole, qui sont proférés à l’encontre des élus par Joël Mongin et quelques autres.
Hier, c’est la menace de ne plus livrer de Super. Mais pourquoi pas le Gazole ? Est-ce parce que c’est le carburant utilisé par Joël Mongin et ses amis ? (voir encadré)

30 à 60 litres de Super au cent

Il est une autre vérité qui saute aux yeux. Depuis hier soir et jusqu’à demain se déroule le Tour Auto. 103 bolides sont au départ avec comme seule référence le chronomètre, pas la consommation de carburant. Pour atteindre ses meilleures performances, chaque véhicule peut consommer entre 30 et 60 litres de Super pour 100 kilomètres, et 172 kilomètres de "spéciales" sont au programme. Pour une seule voiture, cela fait entre 5.000 et 10.000 litres de Super, à multiplier par le nombre de voitures en course. Sans compter les parcours de liaisons entre les différentes épreuves chronométrées, ainsi que toute la cohorte de spectateurs motorisés par des véhicules "sportifs" marchant au Super. Le calcul est évident, c’est durant ce week-end que le pic annuel de consommation de Super sera très largement atteint. C’est donc durant ces deux jours que si les pétroliers disent vrai, ils vont perdre un maximum d’argent. Alors pourquoi choisissent-ils délibérément de menacer de fermer les vannes après un week-end où ils prévoient des pertes sans précédents dans l’année ?
La logique voudrait que les deux compagnies pétrolières mettent leur menace à exécution avant le départ du Tour Auto et refusent de livrer du Super dès maintenant, car si la campagne qu’elles sont censées mener pour faire augmenter les prix est fondée sur des bases réelles, comment ces deux compagnies pétrolières pourront-elles survivre aux pertes colossales dues à un week-end de courses automobiles ?
Qui peut croire que les pétroliers se seraient transformés brutalement en bons samaritains ?

Manuel Marchal


Les camions de Joël Mongin roulent-ils au Super ou au Gazole ?

La différence entre le prix hors taxe du gazole à La Réunion et celui pratiqué en France est inférieure à celle qui sépare le prix hors taxe du Super à La Réunion de celui du Super en France. Donc, si deux compagnies pétrolières affirment perdre de l’argent en vendant du Super, elles doivent en perdre encore davantage à chaque litre de gazole vendu.
De deux choses l’une. Soit les pétroliers sont vraiment de bons samaritains, et ils subventionnent tous les Réunionnais qui roulent avec un moteur diesel, soit ils décident de cibler uniquement sur le Super tout simplement parce que le Gazole est le carburant utilisé par Joël Mongin et ses amis.
Au mois de novembre dernier, le laisser-faire de l’autorité publique chargée du maintien de l’ordre avait permis l’organisation de barrages bloquant toute l’île. Cette fois-ci, tous ceux qui ont une voiture roulant au Super sont sous la menace d’être en panne sèche. Est-ce à nouveau la volonté de bloquer l’île pour faire avancer les intérêts d’une catégorie de privilégiés ?

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