Changement de statut de l’entreprise publique et péréquation tarifaire

EDF : l’électricité reste au même prix qu’en France

31 août 2004

À la une de l’actualité sociale pendant tout le début de l’année, le projet du gouvernement faisant d’EDF une société anonyme a été inscrit dans la loi. Avec ce changement de statut, les Réunionnais peuvent-ils craindre de revenir à la situation d’avant 1975, avec des tarifs en hausse et un service public à la baisse ? Réponses de Frédéric Busin, directeur régional d’EDF.

Le 9 août dernier, pendant son séjour à La Réunion, Jacques Chirac a promulgué la loi relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières qui transforme EDF et GDF en sociétés anonymes, dont 70% des actions au minimum sont détenues par l’État. Parmi les craintes formulées par les observateurs : l’évolution d’une logique de service public vers celle d’une entreprise privée avec pour conséquence une hausse des prix et des incertitudes sur l’accès à l’énergie pour ceux qui ont des difficultés à payer.
Sur la question du poids de l’actionnariat privé dans EDF, le directeur régional d’EDF, Frédéric Busin, précise que d’après la loi, il ne dépassera pas 30%. Il ajoute également que l’électricité est un “marché” très volatil, sur lequel on ne peut guère spéculer car on ne peut pas le stocker. Ensuite, il apparaît difficile que la France puisse concéder son indépendance énergétique au secteur privé.
Sur la question du prix, ce dernier est à La Réunion le même qu’en France continentale bien que l’électricité coûte plus chère à produire qu’elle n’est vendue. L’égalité est garantie par un mécanisme dénommé péréquation tarifaire, qui s’applique en France continentale, en Corse et dans les DOM. Elle ne sera pas remise en cause, estime Frédéric Busin, elle est inscrite dans l’article 1er de la loi (voir encadré) . La péréquation tarifaire est financée par un fonds de compensation abondé par tous les abonnés à l’électricité. C’est grâce également à ce fonds qu’EDF a les moyens d’acheter de l’électricité produite par des collectivités ou des privés à partir des énergies renouvelables. Des achats à un prix supérieur du kilowattheure vendu et qui permettent de développer les énergies renouvelables (bagasse, solaire, éolien). Sur ce point, rien ne sera changé dans les conditions actuelles. Autre point inchangé : le statut des personnels. Les nouveaux recrutés seront sous le statut des industries électriques et gazières (IEG). Frédéric Busin indique à ce sujet que les futurs salariés de la centrale éolienne de Sainte-Rose auront également le statut IEG.
Quant à l’ouverture de la distribution de l’électricité à la concurrence, elle ne se fera pas à La Réunion, tout comme en Corse et dans les autres DOM. Cela est dû au fait que la loi promulguée le 9 août dernier transpose également une directive européenne. La Réunion n’est pas connectée au réseau de la France continentale, et dans ce cas, la loi reconnaît des spécificités dues à des contraintes structurelles, comme par exemple l’existence d’un surcoût de production qui doit être compensé pour garantir le même tarif que sur le continent. Conséquence : EDF conserve le monopole de la distribution et n’est pas scindée en plusieurs structures comme en France continentale. La production est le seul secteur qui n’est pas couvert par le monopole, ce qui était déjà le cas avant l’application de la loi. Mais EDF est le seul acheteur de cette production, et reste le seul vendeur.
Dans notre île, la tâche essentielle d’EDF est de garantir à tous l’accès à l’énergie dans un contexte de croissance importante de la demande (6% par an). Pour cela, EDF mise beaucoup sur la lutte contre le gaspillage via des campagnes visant à responsabiliser les citoyens. L’entreprise est également intéressée par le développement des énergies renouvelables (hydroélectricité, géothermie, solaire, énergie de la mer...) et compte poursuivre sa démarche d’Agenda 21.
Frédéric Busin indique que dans les conditions actuelles, le changement de statut ne se traduira pas pour les Réunionnais par une diminution de la qualité du service public, mais il souligne qu’il ne peut pas dire comment sera la situation à plus long terme. Quid de 2025, échéance fixée pour l’autosuffisance énergétique dans la production d’électricité ? La question reste posée.

M.M.


Tarif de première nécessité au 1er janvier

Pour Frédéric Busin, directeur d’EDF-Île de La Réunion, la promulgation de la loi relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ne remet pas en cause la notion de solidarité inscrite dans la mission de service public. "À La Réunion, EDF a deux types de recettes : la vente d’énergie et le fonds de compensation". Ce dernier permet l’équilibre financier car, du fait de l’insularité, l’électricité produite à La Réunion coûte plus cher qu’elle n’est vendue. Le fonds de compensation "est un instrument récent", précise le directeur régional, "il n’est pas payé par l’État, ni par EDF, ni par l’Europe, ni par les collectivités locales mais par l’ensemble des abonnés à l’électricité, quel que soit leur fournisseur, EDF ou une autre entreprise". Ce qui veut dire que si depuis le 1er juillet dernier en France continentale, une entreprise décide de se tourner vers un concurrent d’EDF pour se fournir en électricité, elle apportera malgré tout sa contribution à ce fonds. Ceci s’appliquera également en 2007, date de l’ouverture totale à la concurrence.
Ce fonds permet d’assurer les charges d’un service public. Il a trois grandes missions à La Réunion. Tout d’abord compenser le surcoût de la production pour que le prix payé par les Réunionnais, soit le même qu’en France métropolitaine. Ensuite, venir en aide aux personnes en difficultés financières et enfin financer les obligations d’achat d’électricité. Le fonds contribue à la solidarité vis à vis des plus démunis qui ont des difficultés à payer leurs factures, ce qui fait que "les coupures de courant se font de plus en plus rares". La loi de 2000 a permis la mise en place d’un service de maintien de l’énergie. Parmi les évolutions prévues dans le cadre de ce fonds de compensation, Frédéric Busin annonce qu’à partir du 1er janvier prochain, les familles à faibles revenus ayant droit à la couverture maladie universelle pourront bénéficier d’un tarif de première nécessité, avec pour conséquence une diminution de la facture pouvant atteindre 30 à 40%.
Le fonds de compensation sert à financer les obligations d’achat d’électricité d’EDF auprès des producteurs réunionnais d’énergie (centrales du Gol et de Bois-Rouge, particuliers ou collectivités producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables). Par exemple, le kilowattheure issu de l’éolien est acheté 10 centimes d’euro par EDF.
Dans l’immédiat, le fonds de compensation "favorise les énergies renouvelables dans la logique “gagnant-gagnant”", précise Frédéric Busin. "Nous sommes preneur de tout nouveau moyen de production intéressant", poursuit Alain Delorme, chef du pôle production d’EDF-Île de La Réunion, car sur ce plan, la situation est tendue avec un accroissement continu de la demande avec 6% par an. Ces achats d’énergie se font par l’intermédiaire de contrats à long terme (15 ans pour le photovoltaïque par exemple) sur un prix garanti.


Prix de l’électricité et statut d’EDF : Ce que dit la loi

L’article 1 de la loi promulguée le 9 août dernier inscrit la péréquation tarifaire.
"Dans le cadre de leurs activités, en particulier de gestionnaires de réseaux, Électricité de France et Gaz de France contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l’électricité aux consommateurs domestiques, de l’harmonisation de ces tarifs pour le gaz et de la péréquation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution".
L’article 24 consacre l’ouverture du capital de l’entreprise publique transformée en société anonyme.
"Électricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l’État détient plus de 70% du capital. Sauf dispositions législatives contraires, elles sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes".


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • Au même prix pour une qualité et un service bien inférieur...
    Sous couvert de développement durable et de lutte contre le gaspillage, EDF limite au maximum ses investissements sur l’Ile de manière a rentabilisé au mieux les structures existantes mais qui sont obsolettes (CF central du port...).
    Le problème est très simple ; dans tout pays, toute régions, c’est d’abord la disponibilité en l’energie qui assure et permet le développement des entreprises et la croissane de l’économie. A la Réunion, le manque d’energie associé à l’insuffisance du réseau on pour conséquence de limiter voir bloquer la création et le développement des entreprises.
    Tant que les pouvoirs publics locaux ne prendront sérieusement en considération le besoin en énergie des entreprises Réunionnaises et ne contraindront pas EDF à assurer sur le réseau la même stabilité de la tension et de l’intensité qu’en métrôpole, elles ne pourront en aucun cas améliorer la situation économique et social de notre ile.


Témoignages - 80e année


+ Lus