Les artisans ont besoin d’espaces de vente adaptés

Entre patrimoine et culture

18 octobre 2004

Après une visite du Village artisanal de l’Éperon qui au fil de ses artisans et de leurs créations a su conquérir le public local comme la clientèle touristique, les représentants de la Région Réunion, du Département, de la DRAC, de la commune de l’Ouest..., ont été conduits au Musée de Villèle, ancienne exploitation coloniale de Madame Desbassyns. C’est là, dans l’ancien hôpital des esclaves, qu’ils ont pu apprécier l’exposition agencée par l’association Art et Tradition, préfigurant une éventuelle boutique de souvenirs.

Sauvons notre culture

Nul porte clé ou babiole fantaisie à l’effigie de La Réunion. Ces créations d’artisanat d’art ont trouvé leur écrin entre ces murs de pierres de taille qui dégagent toute la force de notre patrimoine historique.
Mais plus encore qu’un lieu de vente qui permettrait aux visiteurs de découvrir l’étendue du savoir-faire local, cette boutique pourrait accueillir sur son perron, comme ce fut le cas vendredi, Ti Yab et son alambic qui dégage le savant parfum de la distillation du géranium. Ou encore cet artisan, tailleur de pierre, qui travaille la roche à la main, comme dan tan lontan, et qui réveille à chaque coup asséné sur la roche la mémoire de notre identité. "C’est un hommage à mes ancêtres, à mon père qui m’a transmis son savoir", lancera Ti Yab après sa démonstration de distillation. Un homme passionné qui parle de "sauver sa culture et son patrimoine" et chez qui l’on ressent la fierté de travailler, malgré les nombreux aléas rencontrés, cette huile tant prisée par les grands parfumeurs du monde entier.
La délégation a été séduite par la pertinence de ce projet qui permettrait d’apporter une valeur ajoutée au Musée de Villèle, comme d’offrir un lieu de travail et de vente pour les artisans traditionnels. D’autres sites pourraient être aménagés dans le même esprit, à condition que les produits proposés s’inscrivent dans la cohérence du lieu (bijoux en or et roche volcanique à la Maison du Volcan, produits de la mer dans une structure de la côte Ouest...).
Florence, militante passionnée de l’association Art et Tradition qui œuvre depuis 30 ans à la sauvegarde et la promotion de l’artisanat local et de ses techniques, a réalisé la préfiguration de la boutique artisanale au cœur du Musée de Villèle. Elle croit beaucoup en ce projet et espère que ces artisans traditionnels qu’elle connaît bien ne seront pas une nouvelle fois déçus. Ils parlent de leur métier avec passion et émotion, mais d’eux-mêmes, ils n’ont pas la solution pour optimiser leurs savoirs.

L’artisan n’est pas un commercial

Entre sa côte balnéaire et ses Hauts, Saint-Paul accueille de nombreux touristes qui apprécient de dénicher leurs souvenirs en même temps qu’ils découvrent notre patrimoine. Le marché forain reste leur point de chute habituel, véritable brouhaha artisanal dans lequel se fondent nos créations locales, entre les objets malgaches, indonésiens, etc. Dans les dépôts- ventes, il faut compter une majoration de 40% sur les produits. "Il est nécessaire d’encadrer l’artisanat de qualité, d’optimiser ses ressources et de l’exposer sur des sites touristiques", précise Florence, "l’artisan est un créateur, pas un commercial".
Soutenant les derniers bastions du savoir-faire traditionnel, Art et Tradition a permis la valorisation des atouts de nos micro-régions : le vacoa à Saint-Philippe, la broderie à Cilaos, la vanille à Saint-André... Durant 10 ans, entre 1990 et 2000, l’association a soutenu la transmission des savoirs traditionnels en proposant des formations de trois mois, mais cela n’est pas suffisant. Les brodeuses de Cilaos, comme beaucoup d’artisans traditionnels, forment bénévolement, mais les jeunes sont ensuite confrontés à un marché très difficile. Malgré cela, les techniques traditionnelles se perdent. "Les gramouns que nous avons accueillis sur le site de Villèle pour ces journées des métiers d’art, se rappellent et ont envie d’en parler, mais ils n’ont pas de lieux pour montrer à leurs petits-enfants les traces vivantes de la vie lontan. Ce serait le moyen de se réapproprier son identité".
Le Musée de Villèle, les artisans : tous sont prêts à relever ce projet porteur de réussite et inscrit sur papier depuis bien longtemps. La balle est aujourd’hui dans le camp des institutions et plus précisément dans celui du Département qui aura à trancher sur le sort de ces artisans de tradition et de cœur des Hauts de Saint-Paul.

Estéfany


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