Évolution de l’emploi à La Réunion

10 novembre 2005, par Risham Badroudine

Dans un département où l’indicateur de chômage avoisine les 35% de la population active et où un habitant sur trois dépend directement ou indirectement d’un minimum social, la question de l’emploi apparaît centrale.
Ainsi entre 2002 et 2004, la population active a progressé de prés de 2,2% (au sens du BIT : Bureau International du Travail) alors que la population active ayant un emploi a régressé de 1,5%. Cette différence de taux explique la montée de chômage de 31% en 2002, 32.9% en 2003 et 33.5% en 2004. (au sens du BIT).
L’économie réunionnaise présente des taux de croissance remarquables sur la longue période. Prés de 5% depuis 20 ans, contre 3% en Métropole pour le taux de croissance annuel moyen du PIB.
Sur la période récente, nous remarquons que le taux passe à La Réunion à plus de 6% pour les seules années 1980 et même à plus de 7,6% sue les quatre dernières années de la période 1986-1990. Au début des années 1990, la performance est moindre avec la crise en 1993, mais ensuite, il semble que la croissance revienne avec en 1995 un taux d’augmentation de la valeur ajoutée sans doute supérieur à 6%.
Le paradoxe de l’économie réunionnaise est que ce taux de croissance important de l’activité productive, s’il s’accompagne d’une progression du niveau de l’emploi, débouche finalement sur un chômage qui progresse également de manière très vive.

Quelques chiffres

Tout tient en quelques chiffres, en 1967 il y a un peu plus de 14.000 chômeurs et un taux de chômage d’environ 13% :

- de 1967 à 1974, plus de 12.500 emplois sont créés (1.800 par an) mais 23.800 actifs supplémentaires arrivent sur le marché de l’emploi (3.400 par an) et le taux de chômage s’approche de 20%

- de 1974 à 1982 il y a une création annuelle d’emploi inférieure à 2.000 personnes mais 5.400 actifs supplémentaires,

- de 1982 à 1990 c’est 3.500 emplois environ qui sont créés mais avec plus du double d’actifs supplémentaires ; soit 7.250 personnes.
Au début des années 1990, les créations d’emplois sont plus modestes : 3.000 emplois en moyenne et par an. Cet échec relatif en matière de création d’emplois (taux de croissance annuel avoisinant 1.5%) débouche sur un taux de chômage toujours croissant du fait de l’arrivée de 7.700 actifs : en 2004 au sens du BIT, il était de 33.5% (1).

On constate depuis 2002 que le nombre de chômeurs et le taux de chômage augmentent alors que la population active ayant un emploi et le taux d’emploi diminuent.

Tertiaire et emplois aidés

Une analyse par secteur nous montre la prédominance de l’emploi tertiaire à La Réunion.
La répartition par secteur de l’emploi salarié est la suivante :

- Primaire : 1.80%

- Industrie : 7.60%

- Construction-BTP : 5.70%

- Tertiaire : 84.70%
Les emplois aidés sont en constante régression depuis 2001.
La diminution des emplois aidés dans notre île, où le taux de chômage est important, est préoccupante. L’emploi aidé non marchand a diminué depuis 2001, notamment les contrats emplois solidarité (CES) et les contrats d’insertion par l’activité (CIA).
Un des principaux enjeux de l’économie réunionnaise pour les décennies à venir réside donc dans la capacité à créer des emplois, afin de stabiliser puis de faire reculer durablement le chômage ainsi que la précarité.
Les dispositifs issus des politiques d’aide à l’emploi sont nécessaires à La Réunion (bien entendu pas en élaborant des contrats qui mettraient le salarié dans une situation précaire) compte tenu de l’importance du chômage (le taux est plus de trois fois supérieur à La Réunion par rapport à la Métropole) et du phénomène d’exclusion du marché du travail qu’il entraîne.

Risham Badroudine

(1)Le taux de chômage à La Réunion est passé à 31,9%.


Les biens publics

Les biens publics sont des biens fournis par la collectivité publique suivant une logique de production et de tarification particulière qui n’a pas pour but le profit mais généralement celui de couvrir tout ou une partie de leur coût de production.
En effet, la libre entreprise et le marché ne garantissent pas ou difficilement certaines productions de biens et services.
Des biens publics tels que l’électricité, l’eau ou le gaz ne sont pas des biens comme les autres. Elles constituent une consommation indispensable, aussi bien pour les ménages que pour les entreprises. Les obligations du service public (continuité, disponibilité, égalité) y prennent tout leur sens. Il s’agit de biens dont la distribution suppose la constitution d’un réseau coûteux. La nature même de l’électricité par exemple (on ne peut la stocker) impose en outre de construire des centrales en nombre suffisant pour répondre aux pointes de demande (sauf à provoquer une panne générale du réseau).
Si ces biens collectifs étaient produits par le marché (en recherchant du profit par le producteur), il va apparaître des phénomènes dit d’encombrement ou de saturation. Seul un petit nombre de consommateurs privilégiés aurait accès à ces biens. L’atteinte à la quantité du bien d’usage va amener à des possibilités de sélection spontanée ou dirigée des consommateurs qui peut être dangereux s’il s’agit d’un bien vital tel que l’électricité ou l’eau.
Ce qui va être demandé au pouvoir public, c’est de sortir de l’impasse, d’assurer la production en prélevant les ressources nécessaires à la couverture de la totalité ou d’une partie des coûts (et non en recherchant à faire du profit). C’est ce type d’intervention qui est demandé à l’État. Or seul l’État providence permet de surmonter ces obstacles.
La privatisation de la production de ces biens pose le problème de la continuité des missions de service public, c’est-à-dire la modération tarifaire, l’accès du bien aux plus démunis et l’assurance d’un minimum vital.
La privatisation va entraîner une contradiction entre la recherche de l’intérêt d’ensemble du système (aide aux plus démunis, hausse des salaires...) et l’intérêt particulier de l’entreprise et des actionnaires qui recherchent le plus grand profit.
L’entreprise privatisée peut aussi être confrontée à la loi d’airain sur le salaire. En effet, l’entreprise va rechercher à réduire ses coûts de production pour faire davantage de profit ce qui risque de stopper la progression de la masse salariale, plus particulièrement celle de l’ouvrier. Le but de toute entreprise privée est la recherche de l’accumulation du profit : "Accumulez, accumulez, c’est la loi et les prophètes".

Risham Badroudine

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