Élections à la CCIR

’Il faut cesser d’avoir une somme d’intérêts particuliers’

7 octobre 2004

Les entrepreneurs doivent s’inscrire dans un projet global. Pour Yannick Payet-Fontaine, secrétaire général du Syndicat de l’artisanat, du bâtiment, et des professions indépendantes de La Réunion, les décideurs politiques créent les conditions et l’environnement. Il ne sert à rien aux entreprises de gagner en productivité, si c’est pour perdre du temps dans les embouteillages...

La Chambre de commerce et d’industrie de La Réunion prépare ses élections. Yannick Payet-Fontaine, secrétaire général du Syndicat de l’artisanat, du bâtiment, et des professions indépendantes de La Réunion, présente la liste “Pour une nouvelle gouvernance économique régionale”. L’équipe du SABR est l’une des neuf listes qui essayeront d’avoir des représentants à la CCIR, l’organisme qui défend les intérêts des entreprises et des employeurs dans l’île.

Un budget de 800 millions de francs, la gestion du port et de l’aéroport, rien qu’à ces chiffres, on mesure l’enjeu et les défis à relever par l’équipe qui sera élue à la tête de la CCIR...

- Il faudrait aussi ajouter que la CCIR, ce sont 23.000 ressortissants actifs qui représentent l’ensemble de l’économie réunionnaise, tous secteurs confondus. Ce sont ces hommes et ces femmes, chefs d’entreprise, qui créent de l’emploi et qui constituent une dynamique malgré un climat international peu propice. N’oublions pas que le secteur marchand réunionnais a créé en moyenne 3.800 emplois par an, avec un taux de croissance moyen de l’emploi de 5%, alors que des régions françaises plus riches comme l’Île-de-France ou la région PACA se satisfont d’une croissance de l’emploi de 1% en moyenne...

L’atomisation du tissu économique réunionnais, avec 93% des entreprises comptant moins de 20 salariés, ne risque-t-elle pas de générer un conflit d’intérêts entre PE, TPE, PME, PMI(*) ?

- Ce risque existe réellement. On le constate au travers de l’éclosion de listes corporatistes. Cela provient en grande partie du fait que certaines institutions telles que la CCIR ne répondent pas aux véritables missions d’accompagnement et d’encadrement du développement de certaines professions. C’est ce sentiment d’abandon qui nourrit le corporatisme auquel on est en train d’assister.

Mais la liste Fédaction-SABR ne participe-t-elle pas à ce corporatisme, elle aussi ?

- Absolument pas. Nous voulons justement dépasser ces clivages et c’est pour cela que nous avons associé nos forces, nos moyens, mais aussi nos différences autour d’hommes et de femmes représentant les TPE de La Réunion, et ce, autour de trois principes. En premier lieu, encourager, valoriser nos ressources et nos moyens productifs. Second principe : animer, participer, coopérer au développement économique de notre territoire. Dernier principe : placer notre organisme consulaire au cœur des politiques économiques régionales.

L’acte 2 de la décentralisation confère aux régions un rôle moteur dans la coordination des politiques économiques. Ce qui implique une collaboration plus étroite avec les CCI pour conjuguer les efforts en matière de développement économique.

- Nous voulons sortir des logiques de structures pour aller vers ce que nous appelons une nouvelle gouvernance économique régionale. Cela implique que la CCIR puisse réellement mobiliser les forces économiques du pays pour que s’expriment les préoccupations et les projets de développement.
Cela veut dire également qu’il faut cesser d’avoir une somme d’intérêts particuliers et s’inscrire dans un projet global en se disant que lorsque La Réunion gagne, tout le monde est gagnant, du salarié au chef d’entreprise en passant par les élus politiques ou consulaires, qui sont aussi, ne l’oublions pas, des chefs d’entreprise.
Cette nouvelle gouvernance nécessite une concertation publique qui doit déboucher sur une mise en pratique des méthodes opérationnelles et fonctionnelles pour la construction du futur schéma de développement économique régional.

Autrement dit, vous plaidez pour une articulation plus prononcée entre le pouvoir politique et le pouvoir économique ?

- Chacun doit être à sa place et jouer pleinement son rôle. Par exemple, il revient aux politiques de décider de la création d’une zone d’activités. Mais cela doit se faire en concertation avec les représentants du monde économique. À charge ensuite, pour l’entreprise, de concrétiser cette volonté commune. Pour résumer, les politiques créent les conditions et l’environnement, et les acteurs économiques créent la richesse et l’emploi

Cela nécessite une remise à plat des relations entre acteurs politiques et économiques, ce qui constitue sans doute la principale difficulté à surmonter...

- Cela est évident. Aujourd’hui, le développement économique est mis à toutes les sauces, mais il manque à notre sens de cohérence et de lisibilité. Pour nous, l’économie est un partenaire incontournable dans la construction de la société de demain et doit être associée à toutes les décisions qui touchent à l’aménagement du territoire. Là aussi, tout le monde en parle et l’on se retrouve avec un empilement de contraintes parfois contradictoires entre les SCOT, le SAR, le PLU (*) et le Parc national des Hauts. Comment voulez-vous qu’un chef d’entreprise puisse se projeter dans l’avenir ?

De quoi a besoin d’un chef d’entreprise pour s’installer et se développer ?

- Aujourd’hui un chef d’entreprise est surtout sensible au développement de son environnement qui doit l’aider dans ses décisions d’investissement et de développement. Or, nous manquons d’outils de prospective disponibles et fiables. Ces outils existent, mais sont éparpillés et s’appuient sur des critères qui ne sont pas les mêmes selon les structures. Une entreprise, par essence, est amenée à évoluer. Mais cette évolution doit s’effectuer dans un cadre global qui prend en compte des données aussi diverses que la démographie, l’énergie, les déplacements et les besoins de la population.

La question des déplacements est cruciale pour un chef d’entreprise. Il serait intéressant d’analyser l’impact économique des embouteillages sur les comptes d’exploitation des entreprises...

- Aujourd’hui, le facteur temps dans l’entreprise est synonyme de gain de productivité. L’acheminement des matières premières, du fait de notre insularité, pèse lourdement sur les entreprises. À quoi bon gagner en productivité à La Pointe des Galets, souvent au prix de l’emploi, si cette productivité est perdue sitôt franchies les grilles de l’enceinte portuaire, que les véhicules de livraison sont bloqués à cause du basculement de la route du littoral ou dans les embouteillages de l’Ouest ? Cette situation n’est pas faite pour attirer les investisseurs étrangers.

S.D.

(*) PE : petites entreprises ; TPE : très petites entreprises ; PME : petites et moyennes entreprises ; PMI : petites et moyennes industries ; SCOT : schéma de cohérence et d’organisation territoriale ; SAR : schéma d’aménagement régional ; PLU : plan local d’urbanisme.


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