Jacques Attali en lobbyiste de la grande distribution

6 novembre 2007

L’idée de la commission Attali (une quarantaine de personnes venues d’horizons divers) est de « libérer les freins de la croissance ». Déjà l’idée de débrider la croissance, dans un moment où tout le monde s’interroge sur les conséquences funestes de cette croissance, dans un moment où Al Gore et le GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) viennent d’obtenir le Prix Nobel de la Paix, peut paraître un peu bizarre... A tout le moins, on s’attendrait à une réflexion sur la notion même de croissance (qu’est-ce que la croissance ?) de la part d’un économiste qui était présenté par François Mitterrand comme l’un des esprits les plus originaux de son temps. Mais c’était dans la “Paille et le Grain” il y a 25 ans. 25 ans plus tard, pour débrider le moteur de la croissance, Jacques Attali a décidé de s’appuyer sur la grande distribution.

Par une critique extrêmement sévère des lois Royer, Galland et Raffarin destinées à protéger les petits commerçants de l’implantation des grandes surfaces, la commission dit : ces lois n’ont protégé personne, le petit commerce a continué à mourir, et en plus, la grande distribution n’a pas pu faire pression sur les prix. Feu sur le dispositif dit des « marges arrières », qui interdit à la grande distribution de répercuter sur les prix les rabais et les ristournes, et les prix vont baisser de 2 à 4%. Laissez faire, laissez passer, vive la concurrence, les prix baisseront, le pouvoir d’achat augmentera et la grande distribution créera des emplois. Au moment où même Wall Mart, le géant de la distribution américain, met un peu de vert dans ses produits et de social dans sa main d’œuvre, cet appel aux gros distributeurs est un peu étonnant. Certains responsables de très grandes entreprises, comme Danone ou Procter et Gamble, trouve Attali un peu excessif.

Parallèlement, la commission remet en cause le principe constitutionnel de précaution. Son argument ? « Le principe de précaution rend les investisseurs timorés ». Les cheveux de Nathalie Kosciusko Morizet se dressent sur sa tête, elle y voit une menace pour l’écologie, et elle ajoute que les gisements de croissance sont plutôt dans l’écologie que contre elle.

Mais il a y aussi un peu d’utopie dans ce rapport de la commission. Il y a une foule de propositions, dont celle de créer des “écopolis”, des villes surgies de terre, des phalanstères de 50.000 habitants qui associeraient mixité sociale et respect de l’environnement. Ça, c’est le côté Le Corbusier d’Attali qui ressort. La dernière fois qu’on a fait des villes nouvelles, ça a donné les barres. Mais est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux, tout simplement, faire évoluer les 36.000 communes françaises vers des écopolis !

Bernard Maris, économiste
“France Inter et Marianne2.fr”


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