Situation économique de La Réunion

L’heure de la responsabilité a sonné

21 mai 2008, par Risham Badroudine

L’accroissement annuel du nombre de personnes se portant sur le marché du travail devrait être supérieur à 4.000 jusqu’en 2013. Aujourd’hui, face au contexte mondial, l’heure de la responsabilité a sonné. Il faut préparer l’avenir et redonner du sens à l’action.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la population de notre île vit dans un état de misère. Sur le plan démographique, comme le souligne André Scherer, « la plus navrante misère physiologique atteignait la quasi-totalité de la population. Si le taux de natalité était élevé (40‰), la mortalité était excessive (22,1‰) et surtout la mortalité infantile inquiétante (145‰). Cette mortalité était due à un état sanitaire déplorable : la tuberculose, l’amibiase, la bilharziose, le paludisme surtout (33% de la mortalité) régnaient en maître dans l’île ».
Sur le plan alimentaire, la pénurie caractérise l’île. La ration alimentaire annuelle par habitant chute de 14,9 kg en 1938 à 9 kg en 1945. Aussi bien l’agriculture que les infrastructures de l’île se trouvent dans un état pitoyable. La Réunion a beaucoup de retard au niveau des routes, chemin de fer, port énergie électrique, éducation...
Le peuple réunionnais réclame la décolonisation de l’île. « Depuis 1935, La Réunion département français, inscrite sur les banderoles lors des manifestations ouvrières, clamait la confiance de nos compatriotes en cette démocratie française à l’écart de laquelle ils étaient tenus » (Léon Lépervanche).
Les Réunionnais sont appelés à se rendre aux urnes le 27 mai 1945 pour l’élection de tous les Conseils municipaux de l’île. Le CRADS (Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale), présidé par le docteur Raymond Vergès, triomphe dans 12 communes, dont la totalité des plus grandes. Le succès se confirme lors des élections cantonales et législatives d’octobre 1945. Léon de Lépervanche et Raymond Vergès sont les représentants de La Réunion à l’Assemblée constituante. Ils font voter à l’Assemblée la loi qui déclare La Réunion, Martinique, Guadeloupe et Guyane départements français.
Après le vote historique du 19 mars 1946, il a fallu encore plus de 40 ans de lutte pour obtenir l’extension des lois sociales, pourtant prévues au 1er janvier 1947.
Depuis 1946, de gros progrès ont été réalisés. L’espérance de vie a progressé, les taux de mortalité ont chuté (taux de mortalité : 5,5‰ et taux de mortalité infantile : 7,9‰), le PIB par habitant s’est élevé. Les taux d’équipement des ménages se sont améliorés (télévision, automobile, téléphone, électroménager, informatique...). Le progrès matériel est indéniable.

Les taux de mortalité ont chuté grâce à l’amélioration des conditions de vie. Rappelons qu’en 1946, le taux de mortalité était de 22,1‰ et le taux de mortalité infantile de 145‰.

Sur le plan économique, notre île est certes caractérisée par un taux de croissance économique élevé (5% moyenne annuel sur les trente dernières années), mais ce taux cache des retards. Analyse de quelques agrégats :

- Notre PIB (Produit Intérieur Brut) par habitant représente 57% du PIB de l’Hexagone (16.244 euros contre 28 356 euros en 2006)

En 2006, notre PIB par habitant est de 16.244 euros contre 28.256 euros en France hexagonale, soit un rapport de 57%.

- Le taux de chômage atteint près de 30%. Notre île n’est pas une exception par rapport aux autres DOM (Le taux moyen des quatre DOM atteint près de 29%). Ce taux est très supérieur au taux de la France hexagonale (environ 8%). Les chiffres publiés par l’INSEE dénombrent à La Réunion 93.937 chômeurs en 2006 au sens du BIT (Bureau International du Travail). Plus de 40 ans de pénurie d’emplois : les emplois créés restent insuffisants par rapport au nombre d’actif qui arrivent sur le marché du travail. Chaque année, plus de 7.000 personnes arrivent sur le marché du travail, alors que l’économie ne crée qu’environ 3.000 emplois selon les années. Donc, près de 4.000 personnes restent sans emploi.

La croissance économique reste relativement faible en emplois du fait aussi de l’évolution du taux de productivité au cours des années. Il faut aussi dire que La Réunion est passée d’une économie où le secteur primaire prédominait à une économie tertiaire dominée par les services (3/4 de la richesse produite). Près de 85% de la valeur ajoutée proviennent du secteur tertiaire contre respectivement 13% et 2% pour les secteurs secondaires et primaires.

- Près de 150.000 Réunionnais perçoivent au moins un des minima sociaux. 289.500 (allocataires et familles) est le nombre de personnes couvertes par les prestations. Ce nombre représente aujourd’hui plus du tiers de la population réunionnaise.

Plus du tiers de la population réunionnaise dépend des minima sociaux.

- A cela, il faut ajouter les bénéficiaires des Assedic qui représentent plus de 50.000 personnes.

- D’où un taux d’emploi à La Réunion qui se situe en dessous des 50% (en 2006 le taux d’emploi à La Réunion était de 43,1%). Le taux d’emploi représente la part des personnes ayant un emploi dans la population âgée de 15 à 64 ans.

- Le taux d’illettrisme avoisine les 20% de la population.

- L’espérance de vie à la naissance, elle, reste encore inférieure sur notre île par rapport à la France hexagonale (76,3 ans à La Réunion contre 81 ans en France).

- Et pour terminer, on peut analyser notre déficit commercial. Notre balance (importation-exportation) représente un déficit de 3 milliards 673 millions d’euros. Déficit qui évolue en corrélation avec le montant des transferts (les transferts représentent aujourd’hui au alentour de 40% du PIB). La situation du commerce extérieur réunionnais évolue de façon inquiétante toute chose égale par ailleurs. Si l’on s’attache au déficit, on constate qu’il présente une détérioration constante. Ce déficit peut correspondre à un manque à gagner en matière de production locale, et par conséquent, d’emplois. En effet, plus d’exportation et moins d’importation à dépense locale identique conduiraient à une activité productive plus importante, donc à un niveau d’emploi supérieur. Notre taux de couverture (exploration/importation) n’est que de 6%, soit la situation la plus défavorable de tous les DOM.

Le déficit de la balance commerciale réunionnaise se creuse d’année en année.

L’INSEE a réalisé dernièrement une étude sur l’évolution de la population réunionnaise. Selon le nouveau scénario central, la population atteindrait 1 million 026.000 habitants au 1er janvier 2030. Ce n’est qu’à partir de 2015 que le nombre d’actifs devrait augmenter moins vite que l’ensemble de la population. L’accroissement annuel du nombre de personnes se portant sur le marché du travail devrait être supérieur à 4.000 par an jusqu’en 2013.

L’accroissement annuel du nombre de personnes se portant sur le marché du travail devrait être supérieur à 4.000 jusqu’en 2013.

Dans un premier temps, la part de la population active dans la population totale devrait ainsi rester relativement constante autour de 42% avant de diminuer légèrement à partir de 2015. L’économie réunionnaise devra donc accueillir l’ensemble de ces jeunes qui arriveront sur le marché de l’emploi.
Aujourd’hui, face au contexte mondial, l’heure de la responsabilité a sonné. Il faut préparer l’avenir et redonner du sens à l’action. L’Europe propose à ses partenaires ACP de remplacer les Accords de Cotonou par des Accords de Partenariat Economique (APE). La Réunion doit-elle rester isolée ?
La réalisation d’un marché unique mondial engendre inévitablement une nouvelle division du travail. Tout en se protégeant des conséquences néfastes de la mondialisation ultralibérale, il faut définir un projet régional de co-développement où aucun pays ne sera perdant. Avec l’aide de l’Europe, l’espace COI (Commission de l’Océan Indien) et d’autres organisations régionales peuvent jouer un rôle crucial.

Risham Badroudine


SARPoSCo : création d’une nouvelle organisation régionale
Le 19 mai 2008, une nouvelle organisation régionale est née. La SARPoSCo (South Asia Regional Port Security Cooperative) regroupe 9 pays de l’Océan Indien : le Bangladesh, les Comores, l’Inde, Madagascar, les Maldives, l’île Maurice, Oman, le Pakistan et le Sri Lanka. Cette organisation va travailler dans le domaine de la sécurité des ports et des liaisons maritimes. Maumoon Abdul Gayoon, Président des Maldives, qui a procédé à son lancement, a déclaré que « cette conférence, avec sa large représentation, est une excellente opportunité de retracer un nouveau cadre pour la coopération dans cette région vitale du monde ».

R.B

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