Dominique Strauss-Kahn en Inde et en Chine

L’Occident doit compter sur le Sud pour sortir de la crise économique

16 février 2008, par Manuel Marchal

L’extension de la crise des ’subprimes’ parties des Etats-Unis confirme une des conséquences de la mondialisation de l’économie initiée par l’Occident. Europe et Etats-Unis ont l’obligation de se tourner vers les pays émergents pour entrevoir une solution à la crise qui ébranle la finance mondiale. Ce qui confirme l’évolution inéluctable vers de nouveaux rapports de force où le poids de l’Asie et de l’Afrique grandit pendant que celui de l’Occident diminue. Île de l’océan Indien, La Réunion occupe une position stratégique face à cette nouvelle donne.

Après avoir assisté à une réunion du G7 le week-end dernier à Tokyo, Dominique Strauss-Kahn était mercredi à New Delhi puis jeudi à Pékin.

En Inde, il a exhorté les pays émergents à atténuer l’impact de la crise des subprimes sur l’économie mondiale. Le lendemain, le directeur du FMI a relevé que malgré l’impact de la crise des subprimes, la croissance de l’économie chinoise se maintiendra probablement au-dessus de 10% cette année.

De ces différents événements, plusieurs enseignements peuvent être tirés en prenant en compte le contexte dans lesquels ils se déroulent.

Tout d’abord, la crise des subprimes fait agiter la peur d’un sévère ralentissement de l’économie en Occident. C’est une crise du crédit. Née aux Etats-Unis dans le marché immobilier, elle a eu pour résultat immédiat l’expropriation de dizaines de milliers de familles. Elle s’est répandue sur les marchés financiers. Pour soutenir ces derniers, les banques centrales sont intervenues massivement. Ainsi, en deux jours, la Banque centrale européenne avait injecté dans les marchés 150 milliards d’euros au mois d’août, soit l’équivalent de dix fois le paquet fiscal voté par la majorité, ou de quatre fois le déficit de l’État en 2007.

Pour sa part, la banque centrale américaine a baissé fortement ses taux d’intérêts. Ce qui a soulevé le mécontentement de la France par la voix de son secrétaire d’État aux Affaires européennes. Jean-Pierre Jouyet dénonce en effet des décisions unilatérales prises sans concertation : « il aurait été mieux qu’il y ait une attitude plus coopérative, des échanges entre les Trésors, les banques centrales, moins de mouvements unilatéraux avant les réunions du G7 ».

Toujours à Washington, le gouvernement de George Bush a mis sur les rails un plan de relance de 116 milliards d’euros de fonds publics pour cette année. Adopté jeudi par le Congrès des Etats-Unis, ce plan prévoit, selon "Le Monde", « un remboursement d’impôts à des millions de ménages américains ». Les premiers chèques doivent arriver au mois de mai, d’un montant compris entre 1.200 dollars maximum pour les familles imposables et 300 dollars pour les foyers non-imposables.

Le Sud détient la clé de la solution

Ensuite, cette crise a un impact sur l’économie mondiale, mais il n’est pas uniforme. Par exemple, la croissance des Etats-Unis a chuté à 0,6% en rythme annualisé. En France, la croissance en 2007 s’est établie à 1,9%, alors que pour établir son budget 2007, le gouvernement tablait sur 2,25%.

Dans d’autres pays, la crise ne devrait pas ralentir la croissance. C’est en tout cas ce qu’indiquent les prévisions du FMI pour la Chine. Dans ce pays, la croissance devrait être de 10% au moins cette année.

Ces éléments de contexte permettent d’apporter un éclairage sur le discours de Dominique Strauss-Kahn à New Delhi. Il a en effet exhorté les pays émergents à prendre une plus large part dans la recherche d’une solution à la crise financière mondiale. Et de mettre en avant la nécessité d’une approche concertée pour répondre à ce défi afin d’offrir « le meilleur espoir d’assurer la stabilité de l’économie mondiale ». Ce qui entre en contradiction avec l’attitude de pays occidentaux face à la crise.

Les décisions de la Banque centrale européenne et de la Réserve fédérale américaine ne sont pas le résultat d’une concertation avec les pays émergents. Et force est de constater que ces actions unilatérales ne sont pas encore suffisantes pour protéger l’Occident de la crise.

De nouveaux rapports de force

En ce sens, l’appel lancé à New Delhi par Dominique Strauss-Kahn et la demande d’augmenter l’appréciation du yuan chinois par rapport au dollar américain traduisent l’inéluctable évolution du monde. Avec l’intégration dans la mondialisation des géants économiques que sont par exemple la Chine et l’Inde, la donne est bouleversée. L’Occident est obligé de composer avec cette réalité. Elle signifie la nécessité d’une nouvelle gouvernance du monde dans le contexte d’un marché unique mondial. Car le poids de l’Occident décroît face au retour sur le devant de la scène des superpuissances économiques asiatiques. Ce qui implique une rupture fondamentale avec l’organisation du monde héritée de la période coloniale.

Dans cette évolution, La Réunion n’est plus une périphérie de l’Europe. Elle est au centre d’un triangle aux sommets desquels l’Europe, l’Asie et l’Afrique intensifient leurs échanges (1). Ce qui ouvre la perspective de nouveaux leviers de développement, à condition de mettre en œuvre rapidement une stratégie adaptée à ce nouveau contexte.

Manuel Marchal

(1) Voir "Témoignages" du 13 février 2008, "Passer de la périphérie à la centralité", Risham Badroudine. (http://www.temoignages.re/article.p...)

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