Suppression de l’octroi de mer sur les produits vendus par correspondance

La Chambre de commerce demande à la Région de rejeter la proposition d’Yves Jégo

22 juillet 2008, par Manuel Marchal

Ibrahim Patel, président de la Commission commerce de la Chambre de commerce et d’industries de La Réunion a mis en garde hier face à une des 15 propositions d’Yves Jégo censée faire augmenter le pouvoir d’achat des Réunionnais. La suppression de l’octroi de mer sur les achats effectués en utilisant la vente par correspondance augmentera le pouvoir d’achat des travailleurs en France, pas à La Réunion. Et dans notre île, cette suppression supprimera des emplois, car une part non négligeable de la consommation sera détournée vers la vente par correspondance, entraînant un transfert de richesses et d’emplois de La Réunion vers la France.

Ibrahim Patel demande à la Région de ne pas donner suite à une proposition de Yves Jégo. Le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer souhaite « demander au Conseil régional la suppression ou la diminution de l’octroi de mer sur tous les produits par correspondance ». C’est ce qu’Yves Jégo a affirmé lors de la séance de l’Observatoire des prix et des revenus du 11 juillet dernier.
« Le gouvernement demande à la Région de faire un effort sur l’octroi de mer, la conséquence sera une chute du chiffre d’affaires des entreprises réunionnaises », indique Ibrahim Patel. Car si la suppression de l’octroi de mer fera baisser les prix, il est important de savoir à qui profitera cette mesure ?
Pas aux Réunionnais en tout cas, car lorsqu’un travailleur perd son emploi, il perd forcément du pouvoir d’achat.
Le président de la Commission commerce de la CCIR estime que cette proposition d’Yves Jégo est un cadeau aux 36.000 entreprises françaises de vente par correspondance, au détriment des petits commerçants réunionnais. « Très peu d’entreprises réunionnaises vendent par correspondance », poursuit Ibrahim Patel, alors qu’en France, la vente par correspondance représentent 80.000 emplois, pour 22,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
« C’est la porte ouverte à une concurrence déloyale » entre les commerçants réunionnais et les mastodontes de la vente par correspondance européens », poursuit le président de la Commission commerce.
Car la vente par correspondance concerne tous les produits, y compris ceux qui sont disponibles à La Réunion. Et selon des mesures effectuées en France, l’alimentation concerne 10% de ces transactions. « Les consommateurs seront incités à acheter ailleurs », s’inquiète Ibrahim Patel. Ils feront leurs achats chez des commerçants situés en France, pas à La Réunion, et vont donc transférer des richesses, et de l’emploi, de La Réunion vers la France.
Actuellement compris entre 2 et 3%, le chiffre d’affaires de la vente par correspondance consommée à La Réunion pourrait être multipliée. Au-delà de la perte pour les commerçants, c’est aussi une diminution de recettes pour les collectivités. Si la vente par correspondance représentait 10% des produits achetés par les Réunionnais, ce serait autant de recettes en moins pour les communes.

282 millions d’euros

Il n’est pas normal que cela soit les Réunionnais qui doivent régler les problèmes de pouvoir d’achat de l’Hexagone, ajoute le président de la Commission commerce de la CCI.
Si le gouvernement propose de supprimer l’octroi de mer sur la vente par correspondance, alors qu’il le supprime sur tous les produits vendus à La Réunion afin de ne pas fausser la concurrence, ajoute Ibrahim Patel, mais à condition que le gouvernement trouve les ressources nécessaires pour compenser la perte de recettes pour les collectivités réunionnaises. Outre le fait qu’elle fera baisser les prix, et donc augmenter le pouvoir d’achat des Réunionnais, la suppression de l’octroi de mer contribuera à « dynamiser le secteur du commerce ». Mais, bien entendu, cette suppression ne doit pas se faire sur le dos des Réunionnais.
En 2007, ce sont près de 282 millions d’euros que l’octroi de mer a permis de redistribuer aux collectivités. C’est donc à Paris de garantir aux communes et à la Région qu’une somme équivalente leur sera versée.
En conclusion, Ibrahim Patel demande à la Région de rejeter la proposition d’Yves Jégo, au préfet et au secrétaire d’Etat à l’Outre-mer de ne pas en tenir compte.

Manuel Marchal


La Réunion : un simple territoire d’exportation ?

La proposition d’Yves Jégo et ses conséquences amènent à se poser une question. L’objectif est-il de faire de La Réunion un territoire développé, ou de maintenir le pays dans le sous-développement, avec une économie à la merci de la concurrence venue des pays développés ?
Proposer la suppression de l’octroi de mer pour la vente par correspondance, c’est avant tout satisfaire le besoin de 36.000 entreprises de l’ancienne métropole coloniale, à la recherche de nouveaux territoires d’exportation. Etant donné qu’elle menace des emplois à La Réunion, ce n’est pas une décision visant à satisfaire les besoins des travailleurs réunionnais.
Cette proposition contient en elle le maintien d’une structure d’échange issu de la colonisation. Dans ce type d’échange, le perdant est toujours le Réunionnais.

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