HO Hai Quang dans tous ses talents : Rencontre avec un économiste musicien

La fin du capitalisme contre un air de guitare

4 octobre 2008

A la faveur de la parution du 3ème volume de son Histoire économique de La Réunion (1882-1960), l’économiste HO Hai Quang était mercredi soir à la Faculté de Droit et d’Economie du Moufia pour un tour de chant - non, pardon ! - une conférence, donnant la substance de quinze ans d’études sur La Réunion. Il en résulte une œuvre originale et forte, qui se démarque des précédents écrits sur le même sujet.

Chacun des volumes de l’Histoire économique produite par HO hai quang est centré sur une périodisation qui, pour la première fois, répond à des critères rigoureusement économiques. C’est ce qui alimente le “débat” ouvert avec les historiens de l’île.
Le tome 1, des origines à 1848, analysait la période de l’esclavage ; le tome 2 (1848-1881), celle de l’engagisme, et dans le 3ème volume (1882-1960), l’économie de l’île est fondée sur le colonage et le salariat libre, tandis que le salariat contraint - qui a caractérisé la période de l’engagisme - décline.
Dans ce tome 3 (voir interview ci-après), dont le sous-titre est « Colonage, salariat et sous- développement », HO hai quang examine les causes structurelles du sous-développement qui est encore la caractéristique de l’île au début des années 60. En même temps, les transformations politiques de 1946 ont apporté « quelques éléments potentiellement porteurs de développement » (p.343), mais dans l’examen de cette période économique, il est amené à contredire quasiment tous les écrits qui lui ont servi de porte d’entrée à la connaissance de l’île lorsqu’il a entrepris son travail de recherche, en 1993 (voir l’encadré sur “les sources”).

Un marxiste hétérodoxe ?

Il a donc tenu à s’en expliquer et c’est pourquoi sa conférence de mercredi a porté plus sur l’ensemble de son travail, à partir de quelques éléments clé. En préalable, HO hai quang a voulu donner aussi les outils théoriques dont il s’est servi dans l’approche du sujet. A ce propos, il est un peu surprenant de le voir mettre sur un même plan la « théorie économique marxiste » dont il se réclame sans complexe, et la micro puis la macro économie, qui fournissent toutes deux de très utiles instruments de mesure, à des échelles différentes, sans présenter la globalité d’une formalisation théorique. Sans doute, encore, un effet de son “hétérodoxie” ! Et plus sûrement encore, l’occasion de lancer à ses confrères présents dans la salle qu’ils ont tort « de se priver du formidable outil » que constitue la théorie marxiste pour la compréhension des modes de production et des rapports sociaux qu’ils concrétisent. « Marx a produit des outils généraux qui peuvent être appliqués à n’importe quel pays, à partir des concepts rendant compte de la construction du capitalisme », a ajouté le conférencier, avec cette réserve qu’il faut aujourd’hui ajouter de nouveaux outils, le capitalisme que Marx avait sous les yeux ayant profondément changé, mais c’est précisément le travail des économistes.

Autour de quelques “nœuds” théoriques

Quels sont ces “éléments clés” évoqués au fil de la conférence ?
En premier lieu, sur la période esclavagiste, c’est le Code Noir, que HO hai quang analyse comme « un compromis social », là où la plupart des auteurs y voient « un catalogue de punitions ». Ce compromis social, établi selon un rapport de forces très défavorable aux esclaves, « permet de limiter les règles du jeu » et d’étouffer les luttes sociales.
Dans la transition de l’esclavage à l’engagisme (tome 2, 1848-1881), l’analyse des modes de production l’amène à concevoir que les sucriers - fortement concurrencés par les betteraviers qui ont réussi à baisser leurs coûts de production justement au moment où la main d’œuvre cannière cesse d’être gratuite - ne gardent que les éléments les plus productifs et chassent les autres (enfants, femmes, vieillards). Ils font appel à l’engagisme pour remplacer les “bras” dont ils se sont séparés.
L’autre élément important relatif à cette période est que les engagés - souvent décrits chez d’autres auteurs comme des presque esclaves - sont dans son analyse des « salariés contraints », distincts des esclaves - “payés” en nature - et des salariés libres qui sont encore très peu nombreux en 1848. D’où un démarrage très lent, mais notable, du petit commerce à cette période-là (chinois, “zarab”) - un secteur qui ne prendra réellement son essor qu’après 1960.
Un autre problème théorique soulevé par le conférencier est celui de la datation de la crise sucrière au XIXème siècle. Est-ce 1859 ? 1863 ? ou 1870 ? Selon les auteurs, on trouve des datations différentes. HO hai quang, pour sa part, avance la date de 1865 parce que « une grandeur économique, c’est une quantité et un prix », dit-il. Certes, en 1863, un cyclone fait fortement chuter la production de la campagne suivante, mais « en 1864, les prix ont augmenté et les profits sont très importants. En 1865, la production et les prix chutent », explique-t-il. A partir de cette crise intervient le Crédit Foncier Colonial (CFC), créé en 1860 et qui cesse de prêter aux sucriers en 1866, preuve, selon lui, que la crise est bien là. « Il n’aurait pas prêté à perte pendant trois ans ». « Lorsque arrive la crise, le CFC s’empare du tiers des terres et des capitalistes français rachètent les usines. Une partie du capital de La Réunion change de main à ce moment-là », ajoute HO hai quang.

Les crises sucrières du 19ème siècle

Et enfin, sur la dernière période (voir l’interview ci-après), l’économiste note qu’elle s’ouvre avec la deuxième crise sucrière, différente de la première en ce qu’elle est une « crise structurelle », alors que celle de 1865 était une crise concurrentielle classique. En 1882, pour résoudre une crise de main d’œuvre, les sucriers « retiennent les engagés en leur louant un lopin de terre » si petit (0,5 ha) et si pauvre qu’ils ne peuvent pas y développer une quelconque indépendance vivrière. Mais c’est néanmoins « une forme de promotion sociale » qui fixe à la terre des milliers d’engagés, lesquels vont apporter aux usines pendant toute cette période 40% de la production cannière, le reste venant des grandes propriétés et du mode de faire-valoir direct.
« Au plan économique, une conséquence de l’engagisme fut de contribuer à l’expansion de la canne et d’accroître la dépendance alimentaire de l’île » (p.337), les importations de riz commençant avec l’arrivée massive des engagés de l’Inde, alors que la base de l’alimentation des esclaves étaient le maïs produit dans l’île. L’auteur pense que le sous-développement s’explique par le choix de l’économie sucrière - et son renforcement par l’Etat à partir de 1946 - et il en décrit les différents aspects, économiques et sociaux. « 1946 apporte des avancées sociales dans une économie très sous-développée ». Toute une partie du débat social et politique porte, à partir des années 60, sur l’analyse des causes de ce sous-développement et la recherche d’une voie de développement pour La Réunion. Cela devrait être l’objet d’un quatrième volume, que l’assistance lui a réclamé avec force !
Sa thèse centrale, sur cette période qui court jusqu’en 1960, est que les causes du sous-développement sont internes à l’île, plutôt qu’à rechercher dans un “pillage” de l’île par sa métropole, comme le soutenaient certaines analyses des années 60-70 sur « l’impérialisme », appliquées aux anciennes colonies françaises.

Débat sur une économie insulaire

Ce troisième tome arrive à point nommé pour stimuler les débats sur les orientations économiques de l’île - passées et présentes. Il ouvre aussi sur d’autres études, approfondissant certains aspects de la recherche de main d’œuvre : les engagés de Chine, la colonisation de Madagascar, les relations avec la vague d’engagés rodriguais, autour de 1930...
La salle a ensuite interrogé le conférencier sur l’avenir de l’économie sucrière ou encore « le déclin historique du lobby sucrier » comme moteur de l’économie de La Réunion, à un moment où, avec la mondialisation, « il ne peut plus s’exercer dans la sphère franco-française ».
« Beaucoup de choses peuvent encore changer dans la filière », a constaté HO hai quang, selon qui il serait possible de libérer de la terre en augmentant la rentabilité à l’hectare (actuellement autour de 80 T en moyenne) et en augmentant la richesse, plus élevée en d’autres points du globe. Le débat se poursuivra en d’autres enceintes, car il n’y avait pas de représentant de la filière - ni planteurs, ni usiniers - dans l’amphithéâtre.
Quant à ceux que l’économie intéresse modérément, ils peuvent découvrir l’autre facette de HO, très fier de son premier métier de musicien, auquel il a décidé de retourner de plus en plus, en montant des clips musicaux (1) et en s’efforçant de construire une solidarité entre artistes pour venir en aide aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange. Et ça aussi, c’est toute une histoire... sur laquelle l’actualité de ce mois d’octobre va permettre de revenir.

P. David

(1) Pour clore sa conférence, HO hai quang a projeté un clip d’une de ses chansons, “L’économiste”, qui brocarde l’impuissance des théories économiques devant les tendances de plus en plus « folles » du capitalisme contemporain : spéculations et krach boursier, crise alimentaire, famines et émeutes, trafics d’armes et de drogues, paradis fiscaux, etc... Il en a fait un autre sur l’Agent Orange, dont on reparlera prochainement.


Les sources : intérêts et controverses

Arrivé il y a moins de vingt ans à La Réunion - dont il ne connaissait rien hors le volcan -, HO hai quang est allé chercher dans les travaux déjà parus de quoi nourrir sa propre réflexion. Et il a commencé sa conférence en énonçant ses dettes et ses critiques envers les prédécesseurs.
Pour commencer, le “Mémorial de La Réunion”, une œuvre collective en huit volumes coordonnée par Daniel Vaxelaire : « Une suite de très jolies cartes postales, très détaillées, mais sans trame générale. D’une page à l’autre ou d’un chapitre à l’autre, on change de sujet », résume-t-il.
Le « premier ouvrage scientifique » sur le sujet qui l’intéressait, il l’a trouvé dans la thèse de géographie de Jean Defos du Rau, parue en 1960. « C’est une analyse très fouillée et empirique de la réalité », dit HO, c’est-à-dire l’œuvre de quelqu’un qui pense que « la réalité peut être saisie de façon immédiate ».
Puis il est allé voir chez les historiens : Sudel Fuma et son “Ile à sucre” - qui traite de l’esclavage et de l’économie sucrière - « mais quasiment pas de l’engagisme dans cet ouvrage » (la question est abordée ailleurs). Il retrouve chez Sudel Fuma notamment une thèse de l’économiste égyptien Samir Amin, articulant les notions de “centre” et de “périphérie” dans le décryptage du capitalisme du XIXème siècle.
Chez Wilfrid Bertile, il a trouvé l’idée d’une « économie dualiste » et même plusieurs formes de dualisme pour rendre compte du sous-développement, dans le prolongement des travaux de Johann Boeke, dont la théorie dualiste met en présence un secteur “moderne” et un secteur retardataire, le premier exploitant le second. Il a noté aussi l’évolution des thèses défendues par Wilfrid Bertile sur 25-30 ans.
Un autre auteur, Jean Benoist, a beaucoup écrit sur La Réunion, et sa théorie de « l’économie de plantation » - perçue comme entité économique quasi autosuffisante - doit beaucoup, selon HO, à l’école West Indies, qui a beaucoup analysé les plantations des Antilles. Les principales caractéristiques de cette économie de plantation (monoculture d’exportation et main d’œuvre surexploitée) caractérisent aussi l’économie de l’île à l’époque coloniale et post-coloniale.
Claude Wanquet, dans ses travaux, a étendu cette théorie de l’économie de plantation à la culture du café (ruinée par des cyclones en 1806 et 1807) et pas seulement à celle de la canne à sucre.
Enfin, les productions du Cercle Eliard Laude, sur les années 60, s’inscrivent dans la filiation des thèses de Samir Amin mais aussi de Pierre Jalée (voir “Le pillage du Tiers-Monde”) et de Raoul Prebisch, chef de file argentin de nombreux économistes sud-américains qui ont théorisé comme lui « la dégradation des termes de l’échange ». Le sous-développement ou le mal développement de La Réunion (comme on le dira plus tard) trouvait son explication, dans les travaux du cercle, par la conjugaison de trois phénomènes : des relations inégales entre le centre et la périphérie, la dégradation des termes de l’échange et le pillage des ressources.

Des travaux des historiens, HO hai quang dit n’avoir tiré aucune « histoire économique » de La Réunion - ce qui l’a décidé à se mettre au travail... La seule transposition de travaux constitués, sans vérification statistique, ne permet pas, selon lui, de dégager une analyse économique de l’île. Il a par la suite expérimenté la difficulté de mettre la main sur certaines sources statistiques, tel un document de macroéconomie - le seul produit sur La Réunion des années 1952-1960, par la Société d’études sur le développement économique et social (S.E.D.E.S), comportant le tableau des échanges interindustriels, précieux pour comprendre les relations que les entreprises entretiennent les unes avec les autres. Transmis par Charles Durand, le premier directeur de l’INSEE de La Réunion, à HO hai Quang, ce document a depuis réintégré les centres documentaires de l’INSEE et de l’IEDOM.

P. D


Interview

HO : La force de l’analyse marxiste

Vous êtes le seul économiste à avoir produit une histoire marxiste de l’économie de La Réunion et vous vous dites marxiste hétérodoxe - notamment parce que vous réfutez l’analyse de l’impérialisme par Lénine. Mais dans votre travail sur La Réunion, c’est un marxisme très “classique” qui vous permet de mettre au jour une périodisation et des concepts encore jamais utilisés par ceux qui vous ont précédé dans cette étude. Qu’est-ce que le marxisme, comme outil théorique, vous permet de faire apparaître dans cette troisième période, de 1882 à 1960 ?
- En général, les historiens - de Defos du Rau à Sudel Fuma - ne voient qu’une seule crise sucrière, de 1863 - disent-ils - à 1914. Je dis non. La première crise sucrière va de 1865 à 1882, liée essentiellement à la concurrence du sucre de betterave. Et à cette première crise de marché s’ajoute un facteur supplémentaire à partir de 1882, avec la crise de la main d’œuvre. En 1882, l’accord de 1861, qui permettait à l’ensemble des colonies françaises de prélever autant de main d’œuvre qu’elles voulaient en Inde, est dénoncé par l’Angleterre.
C’est pour résoudre cette crise de main d’œuvre qu’on va passer au colonage qui, auparavant, était très peu de chose et n’était pas du tout associé à l’économie sucrière. Pour conserver la main d’œuvre, on va distribuer des terres aux colons et ces colons seront obligés de fournir de la canne. C’est un colonage de type nouveau, associé à l’économie sucrière. Et à partir de là, tout le mode de production est fondé sur le colonage et la salariat libre.

Sur quoi repose ce système de colonage ?

- On attribue des très petits lopins de terre aux colons - qui les louent contre une rente variable - et ces colons doivent tout à la fois fournir la canne - ils ne peuvent pas cultiver autre chose - sur des terres si petites et si peu fertiles qu’ils ne peuvent pas en vivre ; et donc ils sont obligés de venir travailler sur les terres fertiles que le propriétaire garde pour lui et sur lesquelles les colons sont employés comme journaliers salariés, selon un système capitaliste “classique”.

Vous dites aussi qu’on ne peut pas confondre colonage et métayage. En quoi diffèrent-ils ?
- Le métayer paie une rente, exactement comme le colon, en versant une fraction de sa production, mais il est libre de cultiver ce qu’il veut. Le colon, lui, doit cultiver obligatoirement de la canne - ou du géranium s’il est dans les Hauts. Du point de vue du paiement de la rente, ils sont dans la même situation ; mais le colon n’a pas le choix de sa culture. Le colonage est un métayage contraint. Au final, le colon subsiste par un système cumulé de métayage contraint et de salariat libre. Mais cette analyse-là, je ne l’ai trouvée nulle part. C’est typiquement une analyse marxiste des rapports sociaux de production, qui amènent sur les rapports de répartition. L’Histoire se développe à travers les modes de production. Et le concept de mode de production est tout à fait essentiel parce qu’il permet d’analyser les forces productives en présence et les rapports sociaux de production.

Le grand paradoxe de 1946 est que s’il apporte un changement politique majeur, sur le plan économique, il ne modifie rien en profondeur... du moins, pas dans l’immédiat.

- Non seulement il ne modifie rien, mais en 1946, l’Etat renforce l’ancien système par une loi sur le colonage ! En 1938-39, La Réunion produisait 85.676 tonnes de sucre ; en 1945, elle est tombée à 24.000 tonnes et elle passe à 218.000 tonnes en 1960. La canne a été étendue et les usines ont été modernisées et concentrées. Non seulement la structure technico-économique (les plantations, les usines) est reconstituée et renforcée - je le démontre par des données statistiques - mais en plus, on met en place la loi sur le colonage qui stabilise le système : à la fois les forces productives et les rapports sociaux de production. L’Etat fait plus qu’aider le secteur sucrier, il refonde les bases du sous-développement !

Une autre idée forte qui apparaît dans votre travail et qui est un des apports du marxisme est que les différents modes de production qui vous permettent de définir la périodisation de cette histoire économique coexistent longtemps les uns avec les autres avant que l’un d’eux émerge comme dominant à un moment donné.
- Les systèmes économiques sont toujours des ensembles complexes. Seule l’analyse marxiste permet de distinguer les différents modes de production et de montrer leur articulation, en montrant comment le mode de production dominant utilise les autres systèmes à son profit. La colonie existe depuis les origines jusqu’en 1946, mais l’économie coloniale fonctionne selon des modes de production différents : d’abord avec l’esclavage, puis fondamentalement sur la base de l’engagisme jusqu’en 1882. A partir de 1882, en même temps qu’on stabilise le colonage, il y a encore des engagés jusque dans les années 30. Un système nouveau apparaît à l’intérieur de l’ancien - qui est dominé... jusqu’au moment où il devient dominant. Mais au moment où un système tombe, il n’est pas supprimé du jour au lendemain. Il rapetisse, parfois il se réveille... Dans le système de l’engagisme, sur 180.000 habitants en 1885, on compte environ 41.000 engagés indiens, et au début des années 1900, ils ne sont plus que 4.000.

En suivant cette idée d’un système nouveau qui se développe dans l’ancien, est-ce que 1946 n’a pas tout de même jeté les bases de quelque chose de nouveau ?
- Si. Le salariat libre, qui était très peu de chose en 1848. Avec la construction du port et du chemin de fer, la classe ouvrière s’est concentrée. Il y aura quelques ouvriers également dans l’industrie sucrière, mais très peu nombreux. C’est essentiellement au Port que se trouve la classe ouvrière. Le nouveau capitalisme naît à la fin du XIXème siècle à l’intérieur de l’ancien, mais reste un système dominé par le colonage.
Immédiatement après l’abolition de l’esclavage, l’engagisme va devenir le système dominant. Mais à côté des affranchis, il n’y avait pas que des engagés qui travaillaient dans les marines (ports de débarquement). Il y avait d’anciens affranchis qui s’employaient en tant que journaliers, comme salariés libres. Il y avait donc des engagés (salariés contraints) et de rares salariés libres, qui embarquaient le sucre et débarquaient le riz.
Les salariés libres deviennent plus nombreux à partir de 1882 avec les grands travaux, le chemin de fer, le port et les usines sucrières. Après 1946, la classe ouvrière n’augmente pas trop : on refait quelques routes, mais guère... et seulement à partir de 1955. En même temps, on ferme le chemin de fer - un premier tronçon, puis un deuxième... Et à partir de 1960, on va réformer l’agriculture et instaurer l’industrialisation par import/substitution qui, en développant l’industrie, va faire augmenter la classe ouvrière.
Après 1946, la politique sociale va permettre de transformer la société, d’abord parce qu’elle préface l’économie fondée sur l’import distribution : les subsides venant de la métropole (vers classes très défavorisées) vont accroître l’importance du secteur de la distribution.
Avec l’arrivée des fonctionnaires, le secteur des services va se développer. Le nouveau système qui naît de la rente départementale apportée par l’Etat est encore un système dominé. Il ne deviendra dominant que lorsqu’en 1960-65, la réforme foncière va se mettre en place, permettant aux propriétaires fonciers de retirer leurs capitaux de la terre pour les basculer vers le secteur des services, le secteur porteur. Depuis 1952, l’Etat a mis en place une politique de défiscalisation, encourageant l’accumulation du capital dans le secteur privé.
Ce que l’Etat apporte, à partir de 1960 essentiellement, c’est l’accumulation du capital dans le secteur de l’équipement. Mais là, je suis déjà dans l’objet du 4ème volume...!

Propos recueillis par P. David

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