Terrains portuaires du Département

La majorité UMP campe sur sa position

4 novembre 2004

Hier devant la presse, trois représentants de la majorité au Conseil général se sont évertués à balayer les objections et les critiques faites à leur décision de louer une partie des terrains portuaires du Département (7 ha) à un fabricant de bière. Les élus ’ne comprennent pas les critiques du monde économique’ et souhaitent ’que la polémique cesse’. C’est mal parti !

Rien de bien nouveau n’est sorti, hier, de la conférence de presse du Département. Elle faisait suite à la décision de la Commission permanente du 21 octobre dernier, d’attribuer une zone industrialo-portuaire de 7 ha aux Brasseries de Bourbon.
Rien, si ce n’est que devant le feu des critiques, le Département a évoqué la possibilité de disposer d’une partie des terrains actuellement concédés aux carriers - ce qui ne ferait que déplacer un “domino” de plus... en créant de nouveaux mécontents.
La présidente avait promis des "explications". Elle n’était pas là hier pour les donner. A sa place, Ibrahim Dindar, ex-président de feue la SIPRE, une société créée en 1988 pour faire le portage du foncier industrialo-portuaire du Département, et dissoute en 1993 sans avoir véritablement fonctionné : son ancien président semble en avoir gardé de la rancœur mais n’a pas donné de raisons à cette éclipse, préférant mettre en avant - comme un haut fait injustement méconnu - la rédaction d’une motion du 23 juillet 1992 dans laquelle le conseiller général Ibrahim Dindar, président d’une société au capital de 7,5 millions de francs, s’insurgeait contre... sa propre impuissance.

Céder un terrain au premier demandeur

Avec lui, le maire de Saint-Louis Cyrille Hamilcaro, "petit maire... sans expérience", dont le soutien inconditionnel aux Brasseries de Bourbon a pris la forme d’un arrêté municipal interdisant la vente de cervoise tiède sur la voie publique et dans les camions-bars de sa commune.
Il l’a dit lui-même : "il faut tout [lui] expliquer comme à un enfant de 8 ans". Et comme la vérité sort encore quelquefois de la bouche des enfants, c’est lui qui a vendu la mèche, en expliquant que les élus présents représentaient "les trois composantes de la majorité du Conseil général". Ceux qui pensaient qu’on allait leur parler avenir économique et aménagement devaient se rendre à l’évidence : à la place, c’était l’artillerie lourde d’une vieille garde UMP blessée par les critiques formulées contre sa décision et plus décidée que jamais à s’y cramponner. Errare humanum est...
Entre les deux, Jean-Louis Lagourgue, "solidaire de la décision prise" et maire de Sainte-Marie, commune dotée d’une zone aéroportuaire, hautement stratégique, elle aussi. L’élu ne voit pas d’aberration à céder un terrain au premier demandeur. Quoi de plus tranquille que la proximité d’un aéroport et sa trentaine de mouvements journaliers pour loger une association hospitalière en manque de terrain -l’EHPAD- et ses quatre-vingts pensionnaires, personnes âgées et dépendantes ?!

Le message des trois élus, exposé par Ibrahim Dindar, dit à la fois l’"incompréhension" du Conseil général devant "le procès" qui lui est fait et sa volonté de ne rien écouter des critiques du monde économique...ou de la commune du Port, qui devra quelque peu élever la voix si elle veut se faire respecter.

"L’urgence sociale, c’est aujourd’hui"

"Ça fait vingt ans que sur ce rond-là -Ibrahim Dindar montre le plan (ci-contre) de la zone portuaire - on fait pousser des galets. Ça fait vingt ans qu’on ne touche pas à ces terrains parce qu’ils sont “stratégiques”. Qu’est-ce que ça veut dire des terrains “hautement stratégiques” ?(...) Nous bougeons parce que l’urgence sociale, c’est aujourd’hui, pas dans dix ou quinze ans... Dans quinze ans, on passe le pic démographique et les tensions sociales sont déjà là..." "On a plus de cent mille chômeurs et des élections dans trois ans (...) C’est maintenant qu’il faut mettre le turbo (...) allons faire des tonnes de zones artisanales (...) On a trois ans pour faire bouger les choses, on fait bouger !"

"Je ne comprends pas !" Cet aveu est revenu plusieurs fois dans la bouche d’Ibrahim Dindar. Et dans "l’incompréhension" des élus devant les critiques du monde économique, ressortent pêle-mêle les "180.000 logements à construire", les besoins en terrains... et la demande providentielle d’un brasseur qui a un besoin à double détente : 4 ha de stockage pour le court terme, de préférence entre l’Ouest et le Sud, où se trouve 70% de la clientèle ; et un lieu où transférer son activité d’ici huit à dix ans, quand l’eau du transfert sera garantie.
Aucun déploiement de son activité et donc, aucun emploi nouveau n’est à attendre sans cette condition. Ce n’est donc pas pour demain... Où est passée l’urgence ?
"Personne ne conteste l’utilité de donner de nouveaux terrains aux Brasseries de Bourbons" constate Ibrahim Dindar, qui dans son exposé, a ignoré l’offre du TCO et continue à ne pas comprendre qu’on puisse être d’accord pour maintenir des emplois existants sans hypothéquer le développement industriel des trente ou cinquante prochaines années.

"On a le feu aux fesses"

L’exportation ? "Arrêtons d’en parler... Quelle entreprise réunionnaise liée à l’exportation a créé de l’emploi ?" poursuit Ibrahim Dindar dans une “philippique” contre le Comité de pilotage de l’industrie. "Il a coûté 100 millions de francs (15 millions d’euros environ) en quinze ans. Qu’a-t-il fait ?"
Et Jean-Louis Lagourgue d’enfoncer le clou, en interprétant une délibération du Conseil général du 12 avril 1995 selon laquelle, à son avis, la "priorité aux sociétés exportatrices" n’a été mentionnée que comme clause de style...de seconde catégorie.
"On ne s’appelle pas “sœur Anne” au Conseil général... celle qui ne voit rien venir mais qui continue à croire à la politique exportatrice" ajoute “l’enfant de huit ans”, dans une référence bien de son âge.
Les enfants aiment à se faire peur ; les élus UMP se racontent l’histoire d’"une espèce de puissance politico-financière qui tire les ficelles dans cette île", sorte de superpuissance de l’ombre.
Les "petits colons de la politique" qui siègent au Conseil général dans les rangs de la majorité sont, eux, dans l’urgence sociale - "On a le feu aux fesses..." - et l’agitation politique de commande - "Nous n’avons que trois ans pour agir. C’est cela le fondement de la décision du Conseil général".

P. David


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