La chronique économique

La nouvelle donne mondiale

31 mai 2006, par Risham Badroudine

Comment nommer le monde en développement ? Le terme de tiers monde, né à la Conférence de Bandung en 1955, a été le concept clé de l’époque des indépendances et des luttes de libération nationale. Avec l’affaiblissement progressif du mouvement des non-alignés et le déplacement des enjeux sur le terrain économique, le concept de tiers-monde laisse de plus en plus la place au Sud. C’est la grande époque du dialogue Nord-Sud autour d’un nouvel ordre économique mondial menées aux Nations-Unies, à la CNUCED ou à l’OMC. Mais le concept de Sud ne va pas non plus résister à l’usure du temps et aux transformations du monde.

Aujourd’hui, le Sud demeure dépendant du Nord tandis que la richesse du Nord ne dépend que très secondairement du Sud. La seule vraie dépendance tient à la localisation de certaines matières premières et notamment du pétrole, dont les réserves sont concentrées au Moyen-Orient. Le commerce international reste un commerce entre pays développés.

Percée des nouveaux pays industrialisés

En dépit des obstacles mis par le Nord, les pays du Sud ne sont pas irrévocablement condamnés à demeurer dans leur situation de sous développement. La percée des nouveaux pays industrialisés, comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou les dragons asiatiques montre que la barre qui sépare le Sud du Nord n’est pas infranchissable.
La Chine et l’Inde forment un tandem qui pèse de plus en plus lourd dans l’économie mondiale. Ces 2 économies asiatiques, qui représentent encore que 6% du PIB mondial malgré leurs 2.3 milliards d’habitants, ont contribué l’an dernier à 40% de la croissance. Avec leurs avantages comparatifs (très bas coût de la main-d’œuvre, compétitivité des ingénieurs et informaticiens indiens), leur ouverture aux investissements étrangers, et une spécialisation (production manufacturière de masse pour la Chine et services pour l’Inde), les 2 géants sont au cœur de la mutation économique mondiale.

Éclatement des sociétés

L’éclatement du Sud comme ensemble d’États cache un éclatement des sociétés du Sud et du Nord. Les inégalités ont toujours été plus forte dans les pays en développement, les élites alignant leur mode de vie sur celui de leurs homologues du Nord. Dans de nombreux pays coexistent des zones développées et une misère extrême. Le Brésil, c’est à la fois des exportations de voitures ou d’avions et la misère de certains quartiers de Rio. Mêmes contrastes pour l’Inde et la Chine, où l’explosion économique actuelle creuse de façon spectaculaire des inégalités de richesse (près de 300 millions d’Indiens vivent en dessous du seuil de la pauvreté).
Des inégalités se creusent aussi dans les pays développés. Le tiers-monde se fait une place dans le Nord car la globalisation du monde, en accroissant la concurrence, remet en cause la cohésion sociale des sociétés. Le chacun pour soi devient la règle et les gagnants de la mondialisation s’enrichissent tandis que chômeurs et marginalisés ne cessent de croître. À cela s’ajoute un système de protection sociale de plus en plus discuté.

Tout ou presque reste à faire

À part quelques pays d’Asie qui sortent du sous développement, tout ou presque reste à faire dans de nombreux pays en termes d’amélioration des conditions sociales et de renforcement des systèmes productifs. Et cela suppose bien souvent refuser les méthodes proposées par les pays du Nord, notamment un libre-échange qui ne profite qu’aux plus forts.
Selon l’économiste indien, Armatya Sen, Prix Nobel d’économie 1998, "la question centrale est de multiplier les possibilités sociales auxquelles ont accès les populations. Dans la mesure où ces possibilités sont compromises par des réglementations et contrôles bureaucratiques contre-productifs, l’élimination de ces obstacles devrait constituer un objectif prioritaire. Or, la création de possibilités sociales générales demande bien plus que la simple libéralisation des marchés. Elle nécessite, notamment, l’extension des installations et services médicaux pour tous, nonobstant leurs revenus ou moyens, et des dispositions publiques pour le soutien nutritionnel et la sécurité sociale. Elle demande aussi un programme politique, économique et social général pour la réduction des inégalités dans la société".

Risham Badroudine


Prévision nettes de recrutement dans le monde (Pourcentage d’entreprises anticipant une hausse de leurs effectifs moins le pourcentage de celles prévoyant une baisse)
Japon 43%
Inde 40%
Pérou 31%
Canada 29%
États-Unis 24%
Chine 21%
Mexique 21%

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