Tout change avec l’accord de partenariat économique

La nouvelle donne vient d’un accord négocié sans les Réunionnais

10 octobre 2009, par Sanjiv Dinama

Le bloc Eastern-Southern Africa (AfOA) qui regroupe six pays (Madagascar, Maurice, les Seychelles, les Comores, la Zambie et le Zimbabwe) a signé un Accord de partenariat économique (APE) intérimaire avec l’Union européenne (UE) le 29 août au Centre de conférences de Grand-Baie, dans le nord de Maurice (voir ’Témoignages’ du 21 aout 2009). Actuellement la balance commerciale AfOA-UE penche déjà largement en faveur de l’Europe. Quand sera-t-il avec la fin des prix et des quotas garantis ? Cette situation risque de s’empirer. Rappelons que La Réunion n’a pas été invitée aux négociations. Or, l’Union européenne s’intègre chaque jour davantage dans la mondialisation des échanges commerciaux. Celle-ci exige de plus en plus la suppression des quotas, des prix garantis et des aides publiques.

Aujourd’hui, dans le cadre des négociations des Accords de partenariat économiques, l’Union européenne a proposé un accès en franchise de droits et sans contingent pour tous les produits des pays ACP. Cela signifie une entrée sans droit de douane des produits des pays ACP sur le territoire de La Réunion.
Un bref historique permettra de mieux comprendre les enjeux. Le 12 décembre 1994, réunis en Congrès à Versailles, les parlementaires ratifient l’accord conduisant à la réalisation d’un marché unique mondial. Ils votent pour l’adhésion de la France à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Dès ce jour, la France et plus généralement l’Union européenne sont entrées dans une ère nouvelle où l’économie nationale doit se conformer au droit commun mondial. Dès lors, tous les traités bilatéraux et multilatéraux existant et à venir devront s’adapter au nouveau cadre. Dans ce contexte, l’Europe propose à ses partenaires ACP, de remplacer les Accords de Cotonou qui sont arrivés à expiration le 31 décembre 2007, par des Accords de partenariats économiques régionaux. Le but est de réaliser des zones de libre-échange entre l’UE et un bloc régional ACP, en préambule à l’intégration brutale au marché unique mondial.
Avec la signature de l’APE entre l’AfOA et l’UE le 29 aout 2009, l’ouverture des marchés se fera progressivement. Les Seychelles et Maurice ont respectivement choisi d’ouvrir leur marché à 98% et 95.6% à l’horizon 2022.

Actuellement la balance commerciale AfOA-UE penche largement en faveur de l’Europe. En 2008, le total des importations de l’UE en provenance de ces pays s’est élevé à 3.2 milliards d’euros. L’Europe importe essentiellement de ces pays des produits du textile-habillement, du sucre, des produits de la pêche et cuivre. Dans l’autre sens, le bloc AfOA a importé des machines, appareils électriques et véhicules. On constate donc que l’AfOA vend essentiellement des produits issus du secteur primaire dont les prix sont fixés par les cours mondiaux. Les pays AfOA ne maîtrisent donc pas le niveau des prix. En période de crise par exemple, le cours des matières premières s’effondre qui entraîne une chute des recettes des exportations.

Marché libre du sucre à partir de 2015 selon le ministre mauricien des Affaires étrangères

Rappelons également que sur certains produits il existe des prix garanti ou des quotas fixé par l’Union européenne. Dans une interview accordée à l’Eco Austral, le ministre des Affaires étrangères mauricien Arvin Boolell souligne que « pour le sucre, il y a un quota de 632.000 tonnes, sachant qu’à partir de 2015 ce sera un marché libre ». Quel sera le niveau des prix ?
De l’autre les produits vendus par l’UE sont des produits manufacturés dont le niveau de prix n’est pas fixé par les cours mondiaux comme c’est le cas des produits primaires. Les termes de l’échange sont donc défavorables au pays de l’AfOA.
Pour La Réunion, dans ces négociations AfOA-UE, notre île n’a pas été invitée. La filière canne à La Réunion a bénéficié jusqu’à présent de quotas et de prix garantis, dans le cadre de l’Organisation communautaire de marché (OCM Sucre) de l’Union européenne. De plus, l’Union européenne et l’État accordent des subventions aux usiniers et aux planteurs.
Or, l’Union européenne s’intègre chaque jour davantage dans la mondialisation des échanges commerciaux. Elle doit s’adapter aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Celle-ci exige de plus en plus la suppression des quotas, des prix garantis et des aides publiques. C’est le régime du libre-échange. Cela veut dire que la concurrence doit être libre, et les marchandises doivent circuler d’un pays à un autre sans aide ni protection, sur la base du prix de revient de la marchandise fabriquée.

C’est le cours mondial qui doit servir de prix de référence

L’OMC a déjà imposé à l’Union européenne des modifications importantes de son marché sucrier.
C’est en effet pour répondre aux exigences de l’OMC que l’Union européenne a décidé en 2006 de baisser le prix du sucre. À compter de la campagne de commercialisation 2009-2010, cette baisse est de 36% par rapport au prix de 2006.
Cette décision a entraîné une baisse de revenu pour notre filière canne-sucre. D’où la décision de l’Union européenne et du gouvernement français de venir en aide par des subventions. Ces aides sont assurées jusqu’en 2014. Mais l’OMC continue sa pression sur l’Europe et le gouvernement français pour qu’après 2014, ces subventions soient définitivement supprimées.

Sanjiv Dinama

Spécial 50 ans du PCR

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