La pêche à La Réunion - 2 -

15 mai 2008

Les récents événements concernant la filière pêche suscitent débat. Un Collectif - Réflexions et Actions pour la défense de la pêche réunionnaise - livre ici son analyse de cette situation préoccupante.

Témoignages

Des coups médiatiques dommageables

Dans l’approche récente, visant à mettre de l’ordre dans la filière pêche réunionnaise, ce qui nous semble douteux et inacceptable ce sont les méthodes utilisées ou plus précisément l’absence de méthode. A notre avis, il est plus intelligent de travailler avec des professionnels et leurs représentants plutôt que de craindre les assertions d’un média, de donner suite à une dénonciation fratricide, s’alarmer des plaintes d’un chantier naval breton ou encore de rivaux commerciaux. A ce petit jeu, c’est l’ensemble des acteurs de la filière qui commence sérieusement à douter des autorités et à croire, au vu des descentes domiciliaires à l’aube, qu’ils appartiennent sans le savoir à une branche locale de la mafia.

Pour illustrer ces pratiques gros doigts - Imaginez l’année... le secrétaire général du comité des pêches, répondant à son portable, à haute voix, aux renseignements généraux, en plein conseil et en présence du directeur des affaires maritimes que le quorum est atteint - il ne vient pas à l’idée à l’un d’envoyer paître le demandeur ou à l’autre de lui signifier qu’il est de son ressort de vérifier, si besoin est, de la validité d’une délibération. Jamais nous aurions pensé en arriver à des situations aussi ridicules, témoignant d’un rare mépris pour le représentant de l’Etat et des élus professionnels présents ce jour-là.
Ces attitudes sont dommageables durablement pour nos traditions, qui, générées par la dureté du métier, nous ont toujours incités à travailler en confiance avec les services à terre et aussi par le fait que les moyens de l’Etat, de plus en plus faibles, obligent à une proximité avec la profession afin d’effectuer un travail de fond, par exemple lutter contre la piraterie, pour la sécurité en mer ou encore assainir les marchés.
En l’absence d’un travail en commun, il ne restera ce que l’on voit déjà ; des coups médiatiques, des plans de développement concoctés en douce et une approche policière dans son versus statistique, évidemment sans gain pour l’économie de notre île.
Suite à différentes attaques, la profession s’interroge sur le lourd silence des autorités, perçu de plus en plus comme une gêne ou l’expression d’un manque de maîtrise aboutissant malheureusement à une suspicion tous azimuts. La gestion calamiteuse des demandes de licences pour la flottille, de Goa à Tananarive, tend à démontrer le coté panadeux du système.

L’influence des médias

Reprenons, pour illustrer nos propos, les différentes affaires dont on parle et ensuite nous évoquerons celles dont on ne parle pas :

- La pêche aux requins appâtés par des chiens vivants est une pratique de braconniers marginaux qui ne sont pas marins. Il est risible d’aller devant St Gilles faire des contrôles avec les moyens de l’Etat pour montrer que l’on est efficace. Les marins de la petite pêche et encore moins ceux du large ne sont concernés par ces pratiques barbares. Le CRPMEM avait porté plainte à ce sujet et la profession dans son ensemble s’est étonnée des séquences télévisuelles qui en ont suivi et des moyens mis dans l’opération. Le crédit de la DRAM en a pris pour son grade, par contre nous supposons qu’un éditorialiste à du s’écrouler de rire en voyant les effets de ses écrits... et en plus il y a pris goût : les médias ne relatent plus les évènements, ils finissent par les créer. La gestion de crise, c’est dans les manuels ! C’est con, inefficace durablement, mais moins fatiguant que d’ouvrir un dossier et de se mettre au travail. Au total, on vend du papier en racontant l’histoire de l’histoire jusqu’à se persuader être le chevalier blanc. A nous Drucker et Bardot !

- Les cartes jaunes (en fait bleues) sont un moyen d’aider la petite pêche à survivre en bénéficiant de carburant détaxé. Les ports et abris portuaires ne disposants pas de pompes pouvant distribuer ce carburant, il avait semblé plus pratique aux autorités de l’époque (dans les années 80) de créer ce dispositif et d’en déléguer la gestion aux structures professionnelles (déjà par manque de moyens). Peut-être il y a-t-il des profiteurs dans ce système. Si oui allons les chercher, mais n’allons pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des pêcheurs de l’île. Il suffit de passer une matinée à St Joseph ou ailleurs et de regarder les marins partir et revenir de mer pour avoir un peu de respect envers ce métier et ces hommes. Sur le fond, il serait peut-être bon d’optimiser le contrôle des débarques (SIH) mis en place par les autorités... Là encore, y aurait-il un manque de moyens ? Donc, encore une fois, que la seule possibilité d’une gestion médiatique comme solution à une difficulté structurelle ? Il est facile de reprocher, avec un sourire entendu, au président du CRPMEM d’être passé de la savate deux doigts au costume. En quatorze ans cet homme avec son bon sens en a fait plus pour la filière qu’un commandant de gendarmerie de passage. La seule chose qu’on peut lui coller sur la veste est à notre avis le mérite maritime pour avoir fait le boulot de l’Etat pendant des années. Au bout... un an ferme, peine qu’il faudra comparer a celles infligées à quelques grands de la place pour des faits plus graves, d’un grand armateur et sa valise de billets.

- Il n’y a pas de liens entre les cartes jaunes et les constructions de navires en chine sinon un amalgame (raison tactique ou méconnaissance du secteur des pêches ?) auquel de temps en temps on ajoute une lampée de “Pêche Avenir” (il est vrai, comme par hasard, pas très aimé lui aussi par les grands qui s’accrochent au comptoir). Ces navires font parler et on soupçonne les promoteurs de toucher des pots de vin ou d’en distribuer (difficile à suivre !) On conteste aussi le droit aux dits promoteurs de choisir leurs chantiers quand il s’agit d’aides publiques. Les choix faits ne privilégient plus les bassins d’emplois métropolitains, mais l’avenir des entreprises réunionnaises : C’est peut-être nouveau, mais c’est d’abord un choix économique et politique fait au détriment des lobbies bretons ou vendéens. Moins on paye un navire au départ, moins on remboursera par la suite (environ 50% du navire doit être remboursé d’après les lois et règlements). Nous savons que derrière le coût d’un poisson, il y a le coût d’exploitation du navire. Derrière un poisson il n’y a pas que les subventions, il y a des pêcheurs qui triment très dur. Aujourd’hui les marchés sont ouverts et les subventions fondent comme neige au soleil. Il est stupide de ne pas rechercher le meilleur coût pour le meilleur produit car nous sommes en concurrence sur l’international et il faut d’abord défendre les armements réunionnais. Le droit d’aller vers la Chine aux dépens du Mauricien Piriou et du plaisancier Bénéteau ne regarde que le promoteur... C’est un droit. Ce droit depuis quelques temps ne nous oblige plus à enrichir les chantiers de métropole et, encouragé par la défiscalisation, voir s’envoler le prix d’achat des navires. De tout temps chaque marin a pu choisir son chantier pour peu que le constructeur et la construction respectent les réglementations. Aujourd’hui on peut aller jusqu’en Chine, c’est un fait et ce ne sont pas les pêcheurs réunionnais qui sont à l’origine du dispositif. Concernant le prix, il est reproché l’absence d’un appel d’offres qui non seulement n’est pas exigible réglementairement, mais encore un scoop, ce prix via le niveau d’aides est plafonné (règlement CE N°2792/99 modifié) en fonction de la taille des navires et tout le projet est sujet à un agrément. Aujourd’hui combien de sociétés françaises font construire leurs navires en Chine, en Turquie (en défiscalisation) ou ailleurs. Qui incite à aller vers l’international ? Qui vend des TGV et Airbus et négocie pour le textile, les voitures, les produits agroalimentaires... ? Un Etat qui reste silencieux alors qu’il connaît la toile de fond de ce projet et tous les filtres qu’il faut passer pour arriver à mettre en place une telle construction. A chaque étape, ses services peuvent contrôler le montage, les agréments et la qualité de la construction.... Encore et toujours ce silence (peur d’un média ? peur d’un lobby ?) Pour clore provisoirement le sujet, nous ne voyons pas la différence entre construire à l’étranger en Chine ou à l’étranger à Maurice. S’il y a une différence se serait sur la capacité d’un chantier de construire six navires à la fois à des prix concurrentiels. En fait nous pensons que la faute des pêcheurs réunionnais a été de manquer de respect à un chantier breton influent qui est persuadé que l’Océan Indien en général et la Réunion en particulier seraient son pré carré, a noter au passage que le plus grand armateur de France à des participations dans le dit chantier ! Sans rire on peut dire que les pêcheurs réunionnais ont ouvert la boite à “pandore(s)”. Nous notons que personne n’a trouvé à redire à la construction de l’un des navires à Maurice, au contraire ! Sans lien entre les faits, ni d’extrapolations tirées par les cheveux, notons aussi qu’un certain nombre de navires destinés à la pêche à la légine a été construit par le chantier breton dont on parle et que maintenant il est envisagé d’y construire des thoniers senneurs. Sur le comptoir on pose les coudes, derrière le comptoir on se les tient.

A suivre...

Collectif : réflexions et actions pour la défense de la pêche réunionnaise


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