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La Réunion : croissance sans développement

Confirmation de la structure néo-coloniale de l’économie de l’île

vendredi 6 avril 2018, par Manuel Marchal


L’IEDOM a dressé le portrait économique de La Réunion pour 2017. Tous ces indicateurs rappellent la structure néo-coloniale de l’économie réunionnaise. Elle a pour caractéristique de ne pas être au service du développement de l’île. C’est ce que souligne le contraste entre des indicateurs économiques florissants et le maintien de plus de 40 % de la population dans la grande pauvreté.


Dans sa dernière note, l’IEDOM dresse le portrait de l’économie de La Réunion pour 2017. Selon les indicateurs utilisés, la situation est très favorable. Cela fait donc la « quatrième année consécutive » que l’environnement est « bien orienté ». L’IEDOM note un renforcement de l’investissement, et une hausse de la masse salariale. La progression de l’emploi salarié reste sous la menace de la baisse des emplois aidés. « Les risques d’essoufflement sont toujours présents », constate l’IEDOM.

C’est par exemple une progression « à un rythme plus modéré » de l’emploi salarié en 2017 : +1,7 % soit 1,2 point de moins qu’en 2017. Cela s’accompagne d’une augmentation du recours au travail temporaire (+17,5%) et d’une « augmentation de 11,2 % de la demande d’emploi des catégories B et C (qui ont exercé une activité réduite) ».

C’est toujours la consommation qui tire l’économie. « Avec plus de 25.300 ventes, le marché des voitures particulières neuves atteint un niveau record en 2017 et progresse de 6,8 %, après +6,3 % déjà en 2016 ». Une croissance de la consommation soutenue par le recours au crédit : +11,4 % d’augmentation de l’encours des Réunionnais dans ces crédits à la consommation en 2017. Cette hausse était de 7,4 % en 2016 et de 2 % en 2015.

L’IEDOM note que le BTP reste fortement soutenu par la commande publique. « Les montants mandatés aux travaux routiers augmentent de 6,7 %, en lien avec les chantiers de la NRL (+9,1%) et celui du pont de la rivière des Galets ».

Mais du côté du bâtiment, les livraisons de logements sociaux neufs ont baissé de 9,6 % en 2017, soit moins de 2.500. « Par ailleurs, le redémarrage des ventes de logements neufs (+19,2 %, après cinq années de baisse) est favorable, mais demande à se poursuivre : en 2017 le nombre total de logements autorisés à la construction fléchit de 6,8 % (après une hausse exceptionnelle de 27 % en 2016), tandis que ceux mis en chantier chutent d’un quart », précise l’IEDOM.

Malgré le soutien des pouvoirs publics, le nombre de salariés inscrits à la caisse des congés payés a baissé de 1,6 %.

Le secteur du tourisme connaît une progression avec plus de 500.000 accueillis l’an dernier pour plus de 356 millions d’euros de recettes.

Manque de logements et d’emplois

Ces indicateurs restent contrastés. S’ils s’appliquaient à la France, il y a fort à parier qu’elle serait sur la voie du plein emploi. Mais à La Réunion, le chômage reste toujours à un niveau exceptionnellement élevé, et plus de 180.000 Réunionnais sont inscrits à Pôle emploi.

Cette croissance économique ne répond pas aux problèmes principaux des Réunionnais.

Conséquence de la colonisation puis de l’échec de la départementalisation, près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Mais l’économie en place à La Réunion n’est pas adaptée à la capacité contributive de cette part importante de la population.

Ces personnes ont besoin d’un logement digne et pas cher. Mais les livraisons dans le parc social restent très insuffisantes : 2.500 en 2017 alors que près de 30.000 familles sont sur liste d’attente.

Ces Réunionnais ont aussi droit à un emploi durable et payé correctement. Le recours toujours plus important au travail intérimaire signifie plus de précarité et ne va pas dans ce sens. À cela s’ajoute la fin annoncée des emplois aidés qui sont pour beaucoup le seul moyen d’échapper pendant un temps au chômage.

Dans le secteur productif, la commande publique tire l’activité. Les investissements se concentrent surtout sur un chantier, celui de la route en mer. Or avec l’absence de matériaux pour réaliser le projet prévu, il s’avère que seule une moitié pourrait être livrée dans quelques années. C’est le viaduc, qui nécessite le recours à des entreprises spécialisées dans les travaux maritimes. Une fois que le viaduc aura relié la Grande Chaloupe à Saint-Denis, que se passera-t-il ? Dans l’état actuel de la situation, il faut s’attendre à l’arrêt du chantier. Cela voudra donc dire une remise à niveau de l’indicateur utilisé pour l’investissement, qui est manifestement faussé par le projet de la route en mer. Là apparaîtra alors la réalité d’un secteur en crise, car il ne s’est pas remis de plusieurs décisions politiques qui ont supprimé des milliers d’emplois : arrêt des chantiers du tram-train, du Pôle Océan, de l’hippodrome de Cambaie, du zénith intercommunal du Nord ; remplacement d’une nouvelle route du littoral qui aurait déjà dû être livrée par une route en mer qui accumule les retards.

Fragile croissance

La progression du tourisme est toute relative. Cette hausse est liée à celle du trafic passager à l’aéroport. 2017 était une année record, cela est dû à l’arrivée à La Réunion de la compagnie French Bee, avec une commercialisation low-cost sur le long-courrier. Cela a conduit à baisser les prix et donc à mécaniquement augmenter le trafic passager. Mais mise à part Air Austral, les compagnies qui desservent La Réunion n’ont pas comme priorité le désenclavement de l’île. Elles se conforment à leur stratégie dont La Réunion n’est qu’une composante. C’est ce que vient de rappeler XL Airways qui a décidé de diminuer le nombre de ses vols qui relient La Réunion à la France. La raison est justement la baisse des prix entraînée par l’arrivée de French Bee. La conséquence du retrait partiel de XL Airways aura pour effet une diminution de l’offre, et donc des prix qui ont de grandes possibilités de repartir à la hausse.

Il est également important de noter que c’est la consommation qui est le moteur de cette croissance. Elle est financée par le crédit. Or, plus aucune banque située dans l’île n’est réunionnaise. Même la Banque de La Réunion au nom si symbolique a fini par disparaître, absorbée par la Caisse d’Epargne de Provence Alpes Côte d’Azur. Cela signifie que les bénéfices tirés des crédits à la consommation n’ont pas nature à rester à La Réunion, mais ont pour vocation à alimenter les profits des maisons-mères situées à 10.000 kilomètres.

Tous ces indicateurs rappellent la structure néo-coloniale de l’économie réunionnaise. Elle a pour caractéristique de ne pas être au service du développement de l’île. C’est ce que souligne le contraste entre des indicateurs économiques florissants et le maintien de plus de 40 % de la population dans la grande pauvreté.

M.M.


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