La situation et les perspectives des finances publiques

4 juillet, par Rédaction Témoignages

Comme chaque année au début de l’été, la Cour des comptes publie son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques destiné à éclairer le débat public en amont de la préparation des textes financiers qui seront présentés au Parlement à l’automne. La France vient de traverser deux années noires en matière de finances publiques. Après une dégradation inattendue du déficit public de 0,6 point de PIB en 2023, celui-ci s’est de nouveau creusé de 0,4 point en 2024 pour s’établir à 5,8 %, soit 168,6 Md€.

Cette dérive ne doit rien à des circonstances extérieures : elle est la conséquence d’hypothèses trop favorables sur la croissance et les recettes, mais surtout d’une incapacité à maîtriser la dynamique de la dépense et à engager des efforts d’économies pérennes. Ces deux années de dérive ont conduit à doubler les efforts d’ajustement nécessaires au retour du déficit sous 3 points de produit intérieur brut (PIB) d’ici la fin de la décennie : ceux-ci représentent désormais un montant de près de 105 Md€ à l’horizon 2029 rapporté aux tendances enregistrées avant-crise, contre environ 50 Md€ il y a deux ans. Exigeante et difficile, cette reprise de contrôle de nos finances publiques dès 2026 est impérative à la soutenabilité de la dette, à laquelle la Cour consacre cette année un chapitre spécifique.

Une incapacité à contenir la dépense publique en 2024, qui conduit au déficit le plus élevé de la
zone euro

Le déficit public s’est établi à 5,8 points de PIB en 2024, en hausse de 0,4 point par rapport à 2023 et de 1,4 point par rapport à la programmation initiale de l’automne 2023. Cette nouvelle dérive, après une déjà très mauvaise année 2023, est encore plus préoccupante puisqu’elle trouve sa première cause dans une forte progression du « cœur » de la dépense publique (c’est-à-dire de la dépense publique hors charge de la dette et hors mesures exceptionnelles), qui augmente de 2,7 % en volume, soit plus de deux fois plus vite que la croissance économique. Cette perte de contrôle, qui contribue à dégrader le déficit de 0,8 point de PIB, est essentiellement imputable au dynamisme de la dépense des administrations locales et davantage encore à celle des administrations de sécurité sociale. Elle a ainsi annulé l’impact positif sur le solde public (+0,7 point) de la quasi-extinction des dépenses exceptionnelles.

Parallèlement, les prélèvements obligatoires ont de nouveau progressé en 2024 sur un rythme nettement inférieur à la croissance, quoique dans une moindre mesure qu’en 2023. Cette atonie contribue à hauteur de 0,4 point de PIB à la dégradation du déficit. Elle s’explique notamment par une diminution, à législation constante, des recettes de TVA, d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu ainsi que par la poursuite de la chute des droits de mutation à titre onéreux. Elle a été en partie atténuée par des hausses d’impôts, en rupture avec les baisses mises en œuvre depuis 2018, à hauteur de 0,2 point de PIB. La France présente désormais le déficit le plus élevé de la zone euro. Son ratio de dette publique augmente pour la première fois depuis 2020, pour atteindre 113,2 points de PIB, alors que tous les autres pays européens les plus endettés (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) sont parvenus à réduire leur ratio d’endettement au cours des deux dernières années.

Un objectif de retour du déficit sous 3 % du PIB à rendre crédible

La modeste réduction prévue du déficit en 2025, de 0,4 point, repose exclusivement sur d’importantes hausses d’impôts, dont près de la moitié sont annoncées comme temporaires, et, au-delà, sur des prévisions de recettes sans marge de prudence dans un contexte de fortes incertitudes sur la croissance. Parallèlement, les objectifs d’évolution des dépenses publiques, déjà globalement insuffisants pour permettre à eux seuls une réduction du déficit, sont incertains pour les collectivités locales en l’absence de mécanisme réellement incitatif ou contraignant, de même que pour les dépenses de santé. La maîtrise des dépenses de l’État, sur lequel repose l’essentiel des efforts en dépense, passe par des mesures de gestion des crédits faute de véritables réformes pérennes.

Les efforts structurels d’économies ont donc une nouvelle fois été reportés et ne sont pas du tout précisés dans la trajectoire pluriannuelle publiée par le Gouvernement en avril 2025. Les simulations réalisées par la Cour à partir d’hypothèses macroéconomiques et de dépenses davantage en ligne avec les tendances passées et les risques identifiés conduisent toutes à une augmentation continue du ratio de dette publique sur la deuxième moitié de la décennie. Il est donc urgent de rendre crédibles les prévisions pour 2025 et 2026, alors qu’aucune répartition des efforts entre impôts et dépenses d’une part et entre État, collectivités locales et protection sociale d’autre part n’est encore esquissée au-delà de 2025.

Un retour durable à un excédent primaire, condition nécessaire à la soutenabilité de la dette
publique

Pour éclairer l’enjeu auquel sont confrontées les finances publiques françaises et mesurer le risque attaché à un nouvel échec à réduire durablement le déficit public, la Cour propose dans le présent rapport un chapitre consacré à l’impératif de soutenabilité de la dette publique.

Depuis plus de deux décennies, et à la différence notamment de l’Allemagne et de l’Italie, la dynamique de l’endettement en France a été principalement nourrie par l’accumulation de déficits primaires, alors que la croissance s’érodait progressivement. Le rôle des taux d’intérêt et des phénomènes de marché a été secondaire dans cette dynamique. Ces déficits et cette dette croissants n’ont en outre pas eu comme principale contrepartie des investissements ou des dépenses d’avenir de nature à muscler la croissance future, mais ont d’abord financé la hausse des dépenses courantes, notamment liées au modèle social national.

Cette évolution n’est pas soutenable. La stratégie de finances publiques doit reprendre le contrôle de la dynamique de la dette, dans un contexte où elle ne peut plus compter sur un retour de la croissance des décennies passées ni sur des taux d’intérêts très bas. Les projections réalisées par la Cour montrent que, compte tenu du poids de la dette et de l’augmentation de son coût, le retour du déficit public sous les 3 points de PIB en 2029, comme la France s’y est engagée, ne suffira pas par lui-même à garantir la soutenabilité de la dette. Il sera nécessaire pour cela de prolonger cet effort jusqu’à parvenir à un excédent primaire durable d’environ 1,1 point de PIB, ce que le pays n’est plus parvenu à réaliser depuis près de 25 ans.

Des ajustements budgétaires très exigeants sont donc dès à présent nécessaires, et à réaliser dès 2026, comme le prévoit la trajectoire pluriannuelle publiée par le Gouvernement en avril. Ces ajustements seront d’autant plus difficiles qu’ils doivent être socialement acceptables et ne pas porter atteinte au potentiel de croissance futur, mais ils sont indispensables pour remettre durablement en cohérence nos choix collectifs avec l’impératif de soutenabilité de la dette publique.


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