Menace pour notre production

Le Collectif anti-TAFTA de La Réunion écrit aux élus

15 octobre 2015

La lettre ci-dessous a été envoyée à tous les élu, les maires, députés, sénateurs et les candidats à l’élection régionale de décembre 2015. Elle a été adressée à la presse par Attac Réunion pour le Collectif Stoptafta.

(photo P.L.)

Vous n’ignorez pas que le Parlement européen va être amené, en 2015, à se prononcer sur le TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement), c’est-à-dire le Grand Marché Transatlantique, et sur le CETA (AECG), accord avec le Canada.

Ces traités poursuivent 5 objectifs :

1. Appliquer les accords particulièrement dommageables de l’OMC. Les ambitions de cette institution sont de soumettre les activités humaines aux règles de la concurrence par la dérégulation et la marchandisation, d’ouvrir tous les marchés au secteur privé, portant atteinte au secteur public, seul garant de traitements sociaux égalitaires, en matière de santé, d’éducation, d’environnement, d’énergie, de transport, d’alimentation...

2. Aligner les normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales et techniques en vigueur dans l’Union Européenne avec les normes étasuniennes. Aux États-Unis, où le principe de précaution n’existe pas, les exigences sur le plan social, de la santé, de l’alimentation, de l’environnement et même sur les normes techniques, sont beaucoup plus faibles qu’en Europe. Le TAFTA conduira de fait à une baisse de ces exigences, à l’encontre de l’intérêt général des populations.

3. Permettre aux investisseurs d’attaquer les décisions publiques, à quelque niveau que ce soit (état, région, département, intercommunalité, commune), y compris sur leurs dispositions sociales propres, par l’intermédiaire d’un arbitrage privé. Lequel ne manquera pas, comme c’est déjà le cas dans l’accord ALENA entre le Mexique, les Etats-Unis, et le Canada, de trancher en faveur de l’investisseur.

4. Supprimer les droits de douanes entre les États-Unis et l’Union Européenne. C’est déjà le cas partout sauf dans le domaine agricole. La suppression des droits de douane sur les produits agricoles risque d’entraîner une concurrence insoutenable pour l’agriculture européenne, surtout pour les petits exploitants (les structures agricoles en Europe sont sans commune mesure, en taille, avec les exploitations américaines). Pour rester compétitive, l’agriculture européenne devra s’industrialiser davantage. D’où une menace pour les petites exploitations et pour l’emploi. D’où également une utilisation accrue d’engrais, de pesticides, ce qui est néfaste pour les agriculteurs, la population, les sols, et la ressource en eau.

5. Rendre ce texte inattaquable une fois signé. En effet une disposition précise que ce qui ne sera pas dans le texte, ce qui n’aura pas fait l’objet d’une négociation, sera approuvé par une structure supranationale dont les avis s’imposeront aux signataires. Il n’y aura alors pas de retour en arrière possible.

Voilà quels en sont les enjeux :

  • Une perte de souveraineté pour les peuples
  • Un recul de la démocratie
  • Un recul de la qualité de la vie
  • Les gains sur l’emploi, aux dires mêmes de la Commission européenne, seront faibles (+500000 emplois en Europe d’ici 2029)
  • Le pouvoir d’achat sera augmenté, selon la Commission, d’environ 500 euros par an et par habitant de l’UE. Pour quelle répartition ?

En fait, les peuples n’ont rien à y gagner, tant le peuple américain qui pourrait bénéficier de meilleures normes, que les peuples d’Europe qui verront leurs normes s’affaiblir. Les grands gagnants seront les multinationales, et les perdants les petits entrepreneurs : agriculteurs, artisans, PME. Est-ce cela que nous voulons pour La Réunion ?

Voici quelques exemples de risques qu’encourt notre île :

  • L’exploitant d’ananas Victoria se verra concurrencer par une firme américaine, qui, ayant acheté du terrain à Madagascar, y cultivera la même variété, et, non contente d’inonder le marché local à des prix défiant toute concurrence, viendra piétiner les exportations de l’ananas Victoria made in Réunion, dont le label rouge aura disparu (les labels font partie des normes des négociations).
  • De même, le label « Vanille de l’île de La Réunion » souffrira encore plus de la concurrence de la vanille malgache dès lors qu’un exploitant américain se soucierait d’en être le premier exportateur mondial.
  • L’ensemble du cheptel réunionnais, actuellement déjà nourri à 100% d’OGM importés, pourrait être réduit à néant lorsqu’un producteur américain d’OGM, également producteur de viande, se targuerait d’écouler sa marchandise sur le marché réunionnais.
  • Les services de santé réunionnais pourraient être remis en cause si un géant américain du secteur de la santé venait s’installer et imposer ses normes, au détriment de l’hôpital public réunionnais.
  • Les cantines, un marché essentiel pour le développement de l’agriculture locale et biologique, pourraient être déclarées hors-la-loi par un tribunal arbitral au motif du non-respect de la libre concurrence.
  • La privatisation de la gestion de l’eau et de l’énergie pourrait coûter très cher au portefeuille des Réunionnais.

Pour mieux dire, le TAFTA transformera toute notion de service public en service rendu commercial et payant.

Tous les niveaux de gouvernement seront impactés (articles 4, 23, 24 du mandat du traité), donc en particulier les communes et les intercommunalités. Or les budgets de ces entités infranationales sont déjà fragiles, et seront encore plus fragilisés par les contraintes de fonctionnement et les décisions des tribunaux arbitraux. Le risque est de les mettre sous la coupe de grandes firmes multinationales. Vous avez la possibilité, à votre niveau, à l’instar d’autres entités infranationales en France métropolitaine, de déclarer votre communauté « Hors TAFTA », soit hors zone d’application de ces traités.

Vous pouvez ainsi demander :

  • un moratoire sur les négociations, pour permettre la diffusion publique des éléments de la négociation
  • l’ouverture d’un débat national transparent sur ces traités commerciaux
  • refuser toute tentative d’affaiblir les cadres réglementaires nationaux et européens dans des matières telles que la santé, la culture, l’environnement, le droit du travail, la consommation, l’agriculture, …
  • inviter les autres communautés de la Région à s’opposer au TAFTA en votant ou faisant voter des motions équivalentes.

Le Collectif anti-TAFTA de La Réunion, qui vous interpelle par la présente, vous propose, en annexe, un exemple de motion que vous pourriez faire signer par la commune dont vous avez la charge. Un texte équivalent peut être également approuvé par l’Intercommunalité, le Département ou la Région. Nous vous remercions de lire cette motion et de la proposer au vote, sous réserve bien sûr d’éventuels amendements que vous souhaiteriez lui apporter.

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